Deux papiers inédits de Robespierre, supprimés ou omis par Edme Bonaventure Courtois

Rédigé par Christine Belcikowski Aucun commentaire
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Dans les papiers inédits trouvés chez Robespierre, Saint-Just, Payan, etc., supprimés ou omis par Edme Bonaventure Courtois, figurent deux notes de Robespierre dont la portée programmatique suscite vivement l'attention. Même si elles ne sont pas datées, on peut déduire de différents indices que la note n° XLIII a été écrite après le 6 messidor an I (24 juin 1793), date de la promulgation de la Constitution de l'an I ; et la note n° XLIV, avant le 11 fructidor an I (28 août 1793, date de l'exécution du général Custine. Ensemble, ces deux notes intéressent donc la difficile, dangereuse période, dite de « guerre extérieure » et de « guerre civile », qui aboutit le 19 vendémiaire an II (10 octobre 1793) à la suspension de la nouvelle Constitution, date à laquelle la Convention décrète que « le gouvernement sera révolutionnaire jusqu'à la paix ».

On peut lire d'autres papiers de Robespierre encore dans Papiers inédits trouvés chez Robespierre, Saint-Just, Payan, etc. supprimés ou omis par Edme Bonaventure Courtois, tome 2, Genève, 1828, Megariotis Reprints, 1978, p. 7 sqq.

N° XLIII. Espèce de catéchisme de Robespierre écrit de sa main

Quel est le but ? L'exécution de la constitution en faveur du peuple.

Quels seront nos ennemis ? Les hommes vicieux et les riches.

Quels moyens emploieront-ils ? La calomnie et l'hypocrisie.

Quelles causes peuvent favoriser l'emploi de ces moyens ? L'ignorance des sans-culottes.

Il faut donc éclairer le peuple. Mais quels sont les obstacles à l'instruction du peuple ?

Les écrivains mercenaires, qui l'égarent par des impostures journalières et impudentes.

Que conclure de là ?

1°. Qu'IL FAUT PROSCRIRE LES ÉCRIVAINS COMME LES PLUS DANGEREUX ENNEMIS DE LA PATRIE.

2°. Qu'il faut répandre de bons écrits avec profusion.

Quels sont les autres obstacles à l'établissement de la liberté ?

La guerre étrangère et la guerre civile.

Quels sont les moyens de terminer la guerre étrangère ?

De mettre des généraux républicains à la tête de nos armées, et de punir ceux qui nous ont trahis.

Quels sont les moyens de terminer la guerre civile ?

De punir les traîtres et les conspirateurs, surtout les députés et les administrateurs coupables ;

d'envoyer des troupes patriotes sous des chefs patriotes, pour réduire les aristocrates de Lyon, de Marseille, de Toulon, de la Vendée, du Jura et de toutes les autres contrées où l'étendard de la rébellion et du royalisme a été arboré, et de faire des exemples terribles de tous les scélérats qui ont outragé la liberté et versé le sang des patriotes.

[À cet endroit du manuscrit on lit encore les phrases suivantes que Robespierre a raturées lui-même :

Le peuple. Quel autre obstacle y a-t-il à l'instruction du peuple ? — La misère.

Quand le peuple sera-t-il donc éclairé ? Quand il aura du pain, et que les riches et le gouvernement cesseront de soudoyer des plumes et des langues perfides pour le tromper ;

Lorsque leur intérêt sera confondu avec celui du peuple.

Quand leur intérêt sera-t-il confondu avec celui du peuple ? — JAMAIS.]

1°. Proscription des écrivains perfides et contre-révolutionnaires et propagation de bons écrits.

[Cf. N° LIII. Lettre de Payan à Robespierre ou à Collot.
Paris le 9 germinal l'an II [29 mars 1794] de la République française
Je vous adresse, citoyen, la décision des administrateurs de police relativement à la pièce de Timoléon (1), de [Marie Joseph Blaise] Chénier [frère du poète André Chénier]. Je vous prie de la lire avec attention la représentation de cette tragédie produirait, je pense, les plus mauvais effets ; les poëtes se modèleraient sur Chénier, et nous ne verrions bientôt plus sur le théâtre que des rois honnêtes gens et des républicains modérés. Belle leçon à présenter au peuple ! beaux exemples à lui donner !
Salut et fraternité.
Signé PAYAN (2).

D'après le Journal universel du 21 floréal an II (10 mai 1794), « on annonçait depuis longtemps une tragédie de Chénier intitulée Timoléon. Une grande répétition a eu lieu avant-hier. II y avait beaucoup de monde. Le brave Jullien, de la Drôme, ne pouvant voir de sang-froid Timophane, frère de Timoléon, recevoir la couronne sans que le peuple s'indignât, a tonné contre cet ouvrage : "S'il n'y a dans Corinthe qu'un Timoléon, a-t-il dit, il y a dans Paris autant d'ennemis de la royauté, autant de Timoléons, qu'il y a de sans-culottes, et ce serait les insulter que de leur donner une pareille pièce". [...]. Averti par Jullien (de la Drôme) (3), « Chénier s'est rendu au Comité de sûreté générale et a brûlé lui-même son manuscrit, et a demandé acte de cette conduite, à laquelle les patriotes applaudissent. Que cet exemple, au moins, ne soit pas perdu pour les auteurs dramatiques qui veulent chanter la Liberté qu'ils la chantent telle qu'elle doit être. »
À noter que la citoyenne Vestris (4), actrice du théâtre de la République, avait conservé une copie du manuscrit de Timoléon ; rendue à l'auteur, la pièce est représentée le 25 fructidor an II (11 septembre 1794), avec d'autant plus de succès qu'on savait la raison pour laquelle elle avait été déprogrammée le 19 floréal.
À noter aussi que, convaincu de participation à une tentative de corruption des députés ayant à voter pour ou contre la mort de Louis XVI, le poète André Chénier, frère aîné de Marie Joseph Blaise Chénier, est guillotiné le 7 thermidor an II, soit trois jours avant la mort de Robespierre, malgré les tentatives d'intervention de son frère et de son père.]

2°. Punition des traîtres et des conspirateurs, surtout des députés et des administrateurs coupables.

3°. Nomination de généraux patriotes ; destitution et punition des autres.

4°. Subsistances et lois populaires.

*
*      *

N° XLIV. Note essentielle écrite de la main de Robespierre.

Il faut une volonté une.

Il faut qu'elle soit républicaine ou royaliste.

Pour qu'elle soit républicaine, il faut des ministres républicains, des papiers républicains, des députés républicains, un gouvernement républicain.

La guerre étrangère est une maladie mortelle (fléau mortel), tandis que le corps politique est malade de la révolution et de la division des volontés.

Les dangers intérieurs viennent des bourgeois ; pour vaincre les bourgeois, il faut rallier le peuple.

Tout était disposé pour mettre le peuple sous le joug des bourgeois, et faire périr les défenseurs de la République sur l'échafaud. Ils ont triomphé à Marseille, à Bordeaux, à Lyon ; ils auraient triomphé à Paris, sans l'insurrection actuelle. Il faut que l'insurrection actuelle continue jusqu'à ce que les mesures nécessaires pour sauver la République aient été prises. Il faut que le peuple s'allie à la Convention et que la Convention se serve du peuple.

Il faut que l'insurrection s'étende de proche en proche sur le même plan ;

Que les sans-culottes soient payés et restent dans les villes.

Il faut leur procurer des armes, les colérer, les éclairer.

Il faut exalter l'enthousiasme républicain par tous les moyens possibles.

Si les députés sont renvoyés, la République est perdue ; ils continueront d'égarer les départemens, tandis que leurs suppléans ne vaudront pas mieux.

Custine (5) ; à surveiller par des commissaires nouveaux bien sûrs.

Les affaires étrangères. — Alliance avec les petites puissances ; mais impossible, aussi longtemps que nous n'aurons point une volonté nationale.

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1. Claude François de Payan, Saint-Paul-Trois-Châteaux, 1766-10 thermidor an II, 28 juillet 1794, guillotiné), fidèle de Robespierre, membre du comité de correspondance du Comité de salut public, juré au Tribunal révolutionnaire, agent national de la Commune de Paris, guillotiné en même temps que Robespierre, Saint-Just, etc.

2. Timoléon (1794), avec des chœurs mis en musique par Étienne Nicolas Méhul, parut à certains figurer Robespierre dans le personnage de l'ambitieux Timophane que ses amis veulent maladroitement couronner au milieu de l'assemblée du peuple. Le même Timoléon parut à d'autres attenter à la fierté du peuple, qui avait su se débarrasser du roi sans le secours d'un héros.

3. Marc Antoine Jullien, dit Jullien de la Drôme (Bourg-de-Péage Drôme, 1744-1821, Pizançon, Drôme), député de la Drôme à la Convention.

4. Françoise Marie Rosette Gourgaud (?-1803), dite Madame Vestris, sœur aînée du comédien Dugazon, entrée à la Comédie-Française en 1768, spécialiste des héroïnes tragiques classiques.

5. Adam Philippe, comte de Custine (Metz, 1742-28 août 1793, guillotiné), délégué de la noblesse aux États généraux, élu à l'Assemblée nationale constituante où il représente la ville de Metz, commandant en chef de l'armée des Vosges en 1791. Il s'empare en 1792 des villes de Spire et de Mayence, et il force les lignes de Wissembourg. Après la défection de Dumouriez, il se trouve un moment soupçonné, puis blanchi. Il essuie plusieurs défaites au printemps 1793. Nommé alors à l'armée du Nord, il échoue à défendre Condé, Mayence et Spire. Accusé de haute trahison, il est guillotiné le 28 août 1793.

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