« Qui suis-je, moi que l'on accuse ? » Robespierre vu par Charles Nodier

Rédigé par Christine Belcikowski Aucun commentaire
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De gauche à droite : Maximilien de Robespierre, photo-carte Étienne Neurdein (1832-1918) ; Charles Nodier, par Abel Jamat, in Marie Vaudouer, Œuvres choisies de madame de Girardin, Paris, Alcide Picard, s.d.

Jean Charles Emmanuel Nodier (Besançon, 29 avril 1780-27 janvier 1844, Paris), écrivain, romancier et académicien, fils d'Antoine Melchior Nodier, avocat au Parlement de Besançon, maire de Besançon en 1790, nommé président au tribunal criminel de Besançon en 1791, s'est trouvé associé dès l'âge de 11 ans aux événements de la Révolution. Le 22 décembre 1791, il prononce un discours patriotique à la Société des amis de la Constitution de Dijon. Il se souviendra aussi par la suite d'avoir été témoin des exécutions ordonnées par son père : « Je vis après cela une rue où il y avait du sang, une place publique où il y avait du sang, des hommes dont la chemise était retroussée jusqu'au coude et qui versaient du sang, des enfants qui revenaient de l'école et qui s'arrêtaient pour le voir couler. Mon cœur bondit de dégoût et d'horreur, et je m'éveillai en sursaut.
Ah ! ah ! m'écrierai-je en me frottant les yeux !.... c'est que j'étais chez les anthropophages ! » (1).

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Double guillotine, estampe anonyme, Musée de la Révolution française.

Charles Nodier témoigne ensuite d'un scepticisme politique qui lui permet de faire carrière jusqu'à sa mort en tant que conservateur de la bibliothèque de l'Arsenal, de fréquenter à la fois les cercles royalistes et les cercles libéraux ou républicains, et de publier une œuvre multiforme dans laquelle la critique de tous les pouvoirs autoritaires s'avance, masquée, sous les dehors de la pure fiction.

On verra ci-dessous la surprenante liberté du jugement qu'il porte en 1831 dans ses Souvenirs, épisodes et portraits pour servir à l'histoire de la Révolution et de l'Empire sur la vie et l'œuvre de Robespierre.

« Robespierre n'étoit nullement organisé en homme religieux, et son éducation sèchement philosophique n'avoit certainement fait de lui qu'un athée ; mais les circonstances, en le portant sur un terrain tout à fait nouveau, le forcèrent à pénétrer dans les mystères de l'organisation des peuples. Sa popularité, acquise par deux grandes qualités de l'homme d'État, l'austérité des mœurs et le désintéressement le plus éprouvé, lui donnoit le pouvoir presque sans son aveu, et pour assumer sur sa tête toute cette puissance qui régénère les nations, il n'avoit plus besoin que de la faire écrire dans la loi. C'est alors qu'il rêva sans doute aux éléments essentiels des institutions politiques, et qu'en suivant les conséquences d'une ambition qu'il pouvoit croire salutaire avec quelque motif, il arriva jusqu'à un Dieu. Une fois cette pensée acquise, il dut sentir intimement que la civilisation recommençoit, et la France répondit à cette révélation de son cœur par un cri de joie unanime. »

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Fête de la Raison, célébrée ans la ci-devant église de Notre-Dame le décadi 20 brumaire de l'an 2ème de la République française une et indivisible. Dans un décor d'inspiration antique, où disparaît toute référence à la cathédrale Notre-Dame de Paris, quelques jeunes filles, prêtresses de la philosophie, célèbrent le culte à la déesse Raison, personnifiée par une jeune femme vêtue d'une tunique drapée et d'un bonnet phrygien.

« Les orgies scandaleuses des athées, le mythisme impur et dégoûtant des fêtes de la Raison, les stupides emblèmes de cette idolâtrie absurde qu'on essayoit de substituer à des traditions au moins respectables par leur ancienneté, toutes les extravagances d'un temps extravagant parmi tous les temps, avoient ouvert à Robespierre les avenues d'un trône. Médiocre peut-être, mais exhaussé par l'opinion et les événements, il comprit les avantages de sa position et de sa fortune, comme Bonaparte dut les comprendre un peu plus tard. Robespierre n'étoit pas parvenu au temps de souscrire un concordat avec le pape ; il le fit avec le ciel ; il rendit la France à Dieu pour la prendre, et ce charlatanisme solennel, renouvelé de tous les voleurs de couronnes des temps anciens et modernes, n'eut pas moins de succès chez le peuple le plus perfectionné des temps modernes qu'il n'en avoit eu chez les barbares des temps anciens. J'ai entendu souvent ridiculiser la déclaration du peuple françois, qui reconnoissoit l'Être Suprême et l'immortalité de l'âme. J'avoue que, les dogmes admis, le côté bouffon de cette formule m'échappe tout à fait, et pour compléter ma pensée, j'ajoute que je la trouve très convenable et très belle. Seulement pour l'apprécier il faut prendre la peine de se transporter au temps. Rien n'étoit plus. C'est donc ici la pierre angulaire d'une société naissante. C'est le renouvellement d'un monde ; c'est le cri de ce monde éclos d'un autre chaos, qui se rend compte de sa création, et qui en fait hommage à son auteur ; l'élan de la nature entière, le jour où elle a retrouvé les titres oubliés de sa destination éternelle. Quand on juge ces choses-là dans de petites circonstances, avec de petits organes dont les petites impressions se réfléchissent dans de petites åmes, on a peut-être le droit de trouver ridicule ce qui seroit effectivement ridicule dans les temps ordinaires : mais telle n'étoit pas la situation de Robespierre. Au point où il étoit placé, et où il étoit venu sans le savoir, il falloit recommencer, et il recommençoit en homme sensé par le commencement. »

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Vue de la montagne elevée au champ de la reunion [champ de Mars] le décadi 20 prairial de l'an deuxième de la République française, chez Chéreau, estampe anonyme, Library of Congress.

« Il y a plus. Rien ne prouve qu'il savoit lui-même pourquoi il faisoit ce qu'il faisoit. Il obéissoit à je ne sais quel instinct qui répond d'une manière inexplicable aux besoins d'une époque, et qui ne manque jamais au jour où il est indispensablement attendu. Il se trouve dans la masse d'individus la plus anti-sociale un esprit de socialité qui s'éveille à la décadence des nations, et qui recueille avec amour les débris de leur civilisation pour la refaire. Ce n'est pas une faveur spéciale de quelque organisation privilégiée, c'est une chance de conservation ou de réédification qui se reproduit éternellement dans l'espèce. Les circonstances font les hommes, et la plupart des hommes ne sont rien que par elles. Retirez la révolution de l'histoire, et Robespierre ne sera très probablement qu'un avocat de province, tout au plus digne de l'académie d'Arras ; Bonaparte, qu’un bon officier, hargneux, difficile à vivre, et d'assez mauvaise compagnie, qui couve inutilement un génie stérile. Jetez l'un et l'autre avec une impulsion invincible au milieu d'un monde ébranlé jusque dans ses fondements, et ce monde va changer de face.

Tout se ressentit de ce mouvement immense, et la parole de l'homme, qui est le signe essentiel de l'esprit social, s'en ressentit plus que tout le reste. Il y a une éloquence de temps, une éloquence d'événements, de passions et de sympathie, qui ressemble à celle du génie dans ses causes et dans ses effets, parce que son génie, à elle, réside dans la pensée universelle, et qu'elle ne jette pas un son du haut de la tribune qui n'aille exciter un long retentissement et un enthousiasme simultané dans l'âme de la multitude.

Je n'ai pas dissimulé que c'étoit là, tout au plus, l'éloquence de Robespierre, et cependant je conviens que son talent a grandi à mes yeux dans une proportion indéfinissable depuis que je l'ai comparé. La nature n'avoit rien fait pour lui qui semblât le prédestiner aux succès de l'orateur. Qu'on s'imagine un homme assez petit, aux formes grêles, à la physionomie effilée, au front comprimé sur les côtés, comme une bête de proie, à la bouche longue, pâle et serrée, à la voix rauque dans le bas, fausse dans les tons élevés, et qui se convertissoit , dans l'exaltation et la colère, en une espèce de glapissement assez semblable à celui des hiènes : voilà Robespierre. Ajoutez à cela l'attirail d'une coquetterie empesée, prude et boudeuse, et vous l'aurez presque tout entier. Ce qui caractérise l'âme, le regard, c'est en lui je ne sais quel trait pointu qui jaillit d'une prunelle fauve, entre deux paupières convulsivement rétractiles, et qui vous blesse en vous touchant. Vous devinez tout au plus au frémissement nerveux qui parcourt ses membres palpitants, au tic habituel qui tourmente les muscles de sa face, et qui leur prête spontanément l'expression du rire ou de la douleur, au tressaillement de ses doigts qui jouent sur la planche de la tribune comme sur les touches d'une épinette, que toute l'âme de cet homme est intéressée dans le sentiment qu'il veut communiquer, et qu'à force de s'identifier avec la passion qui le domine, il peut devenir, de temps en temps, grand et imposant comme elle. C'est une singulière méprise que d'avoir appelé Bonaparte la révolution incarnée. Il n'y a rien de plus dissident dans toutes les combinaisons des événements et de la pensée. Bonaparte étoit tout simplement le despotisme incarné. La révolution incarnée, c'est Robespierre avec son horrible bonne foi, są naïveté de sang, et sa conscience pure et cruelle. »

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Le général Bonaparte, vu par Jacques Louis David.

« Les combinaisons de Robespierre, devenu maître de la terreur, n'étoient pas même le calcul d'une ambition spéculative. Il avoit senti que ce système ne pouvoit pas durer, et il croyoit sa main assez forte pour retenir le char de la révolution sur la pente où il descendoit à l'abime. Quant à s'en faire à lui un char d’ovation et de triomphe, je doute qu'il y ait pensé avec une grande puissance de résolution, puisqu'il ne profita point de la fête religieuse du 20 prairial pour franchir tout ce qui restoit de barrières entre la dictature et lui. »

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Pierre Antoine Demachy (1723–1807), 20 prairial an II ( 8 juin 1794 )Fête de l'Être suprême au champ de Mars, Musée Carnavalet.

« J'ai le malheur d'être assez vieux pour me rappeler distinctement cette cérémonie, et j'étois, grâce au ciel, assez jeune pour en jouir sans mélange des terribles impressions de cette époque. Je n'y voyois qu'une pieuse solennité, à laquelle je portois toute l'effusion d'un coeur disposé à croire, et que l'idée de Dieu a toujours charmé, même dans ces moments d’amère déception où elle ne l'a pas convaincu. Jamais un jour d'été ne s'étoit levé plus pur sur notre horizon. Je n'ai trouvé que longtemps après, au midi et au levant de l'Europe, cette transparence de firmament à travers laquelle le regard semble pénétrer d'autres cieux. Le peuple y voyoit du miracle, et s'imaginoit qu il y avoit, dans cette magnificence inaccoutumée du ciel et du soleil, un gage certain de la réconciliation de Dieu avec la France. Les supplices avoient cessé ; l'instrument de la mort avoit disparu sous des tentures et des fleurs. Un bruit d'amnistie se répandoit de tous côtés, et si Robespierre avoit osé confirmer cette espérance, toutes les difficultés s’aplanissoient devant lui. Mais il s'enivra de la joie publique, et trop confiant dans cette faveur mobile, dont aucun homme ne fut investi au même degré, il remit peut-être à d'autres jours un projet dont l'exécution ne paroissoit plus lui offrir aucun obstacle. »

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Portrait de Jen Jacques Léonard Bourdon en 1794, gravé d'après le croquis de Georges François Marie Gabriel (1775-ca 1836), publié par Jean Eugène Vignères (1812-1884) entre 1842 et 1846, Paris, Musée Carnavalet.

« Il avoit pourtant fait tous les frais de sa tentative, et la foule comprenoit, sans s'étonner, qu'elle alloit avoir un maître. C'étoit partout un sentiment d'ordre qui faisoit sentir à tout le monde le besoin de la sécurité, et sans doute celui d'un pouvoir modéré qui maintient la société avec sagesse dans des bornes légales. Il n'y avoit pas une seule croisée de la ville qui ne fût pavoisée de son drapeau, pas un seul batelet de la rivière qui ne voguât sous des banderoles. La plus petite maison portoit sa décoration de draperies ou de guirlandes ; la plus petite rue étoit semée de fleurs, et, dans l'ivresse générale, les cris de haine et de mort s'étoient évanouis comme la dernière rumeur d'une tempête à l'aspect d'une matinée pacifique. On se rapprochoit sans se connoître, on s'embrassoit sans se nommer ; les banquets publics, servis dans les rues, réunissoient le riche au pauvre, l'aristocrate au jacobin, et cette cohue énorme fut sans confusion, sans dispute, sans accident. Le repos étoit une nécessité si universelle ! Les uns avoient si grande hâte de jouir sans trouble de ce qu'ils avoient acquis ; les autres étoient si fatigués de douleurs et si altérés de consolations, le peuple si las d'émotions qui ne sont pas faites pour sa simple et saine intelligence ! — Enfin le cortége arriva. C'étoit la première fois qu'on voyoit les membres de la Convention astreints à un costume uniforme, et cette particularité, propre à la monarchie et aux gouvernements aristocratiques, pouvoit passer pour une espèce de révélation. Léonard Bourdon (2) avoit presque de la tournure, et Armonville (3) lui-même ne manquoit pas d'une sorte de dignité. L'habit de cérémonie des Conventionnels faisant la Fête-Dieu par l'ordre de Robespierre, étoit bleu barbeau, noué de la ceinture tricolore. Leurs sabres, leurs chapeaux, leurs rubans, leurs panaches, la majesté affectée de leur marche processionnelle, ce mélange d'hiérophantisme et de patriciat sauvages, ces cris d'un peuple émerveillé, à qui l'on vient de rendre Dieu par décret, il faut avoir vu tout cela pour le croire, et pour comprendre que tout cela étoit très beau. Chaque député tenoit un bouquet de fleurs. Robespierre portoit seul un habit bleu foncé. Il avoit un bouquet sur le coeur et un bouquet énorme à la main. Il lui étoit trop difficile de donner à sa morne physionomie l'expression du sourire, qui n'a peut-être jamais effleuré ses lèvres ; mais je me souviens qu'il tenoit levés avec fierté sa tête blême et son front lisse, et que son oœil, ordinairement voilé, exprimoit quelque tendresse et quelque enthousiasme. Ce sont ces qualités qu'on lui conteste, même comme orateur, et dont j'ai dit qu'il restoit des traces dans ses discours, surtout depuis l'époque dont je parle, et où il avoit nécessairement compris la nécessité de rattacher la France révolutionnaire à la société européenne. Celui du 20 prairial est si connu, qu'il seroit superflu d'en rapporter quelques fragments. C'est le seul qu'on ait jamais cité ; mais il y a de beaux mouvements dans les autres, des sentiments qui n'avoient jamais été rendus avec cet air d'énergie et de nouveauté, et dont le développement ne manque pas, je pense, de ce mérite du style que notre délicatesse françoise fait passer avant toutes les autres puissances de la parole.

Voyez, par exemple, ce discours du 7 prairial, où il convoque la France aux pieds de l’Éternel auteur des choses, et où il supplie la République de rappeler parmi les mortels la liberté et la justice EXILÉES. Il comprend cependant qu'il reste une ressource aux ennemis de la vérité, l'assassinat ! Et voilà ce mot qui se prolonge comme un refrain solennel à travers de magnifiques périodes à la manière d'Isnard et de Vergniaud : "Hé bien ! ajoute-t-il, si vous voulez étouffer les factions, elles vous assassineront ! J'en conviens ; et nous n'avons pas fait entrer dans nos calculs l'avantage de vivre longuement. Ce n'est point pour vieillir que l'on déclare la guerre à tous les tyrans, et, ce qui est bien plus dangereux encore, à tous les crimes. Quel homme sur la terre a jamais défendu impunément les droits de l'humanité ?... Je trouve, au reste, pour mon compte, que la situation où les ennemis de la République m'ont placé, n'est pas sans avantage ; plus la vie des défenseurs de la liberté est incertaine et précaire, plus ils sont indépendans de la méchanceté des hommes. Entouré de leurs complots et de leurs assassins, je vis d'avance dans le nouvel ordre de choses où ils veulent m'envoyer ; je ne tiens plus à mon existence passagère que par l'amour de la patrie et par la soif de la justice. Plus ils sont empressés de terminer ma carrière ici-bas, plus je sens le besoin de la remplir d'actions utiles au bonheur de mes semblables, et de laisser au moins au genre humain un testament dont la lecture fera pâlir les tyrans."

Il faut avouer que nous aurions peu d'objections contre une pareille éloquence, si elle étoit scellée du timbre de l'antiquité, et honorée de l'approbation banale des rhéteurs. Ce que j'y remarque surtout, c'est ce sentiment de courageuse tristesse et de prévision tragique qui me paroît l'expression tout entière de l'époque, et dont je trouve cependant peu d'autres exemples dans les orateurs révolutionnaires.

Les esprits absolus qui ne veulent rien accorder à Robespierre ont été obligés de recourir à la supposition commune et commode d'un faiseur obligeant qui fournissoit à ses travaux oratoires, et sans doute à ses improvisations, le fruit de quelques veilles éloquentes dont il n'a jamais trahi le secret. Robespierre avoit pour secrétaire, à l'époque de sa mort, un jeune homme nommé Duplay, fils de son hôte le menuisier, et dont on prétend qu'il avoit secrètement épousé la soeur. On l'appeloit Duplay le boiteux, parce qu'il avoit été grièvement blessé à Valmy, dans une des premières journées militaires de la révolution. C'étoit un de ces esprits jeunes et fervents, en qui la fermentation des idées nouvelles avoit hâté le développement de quelques facultés que toute autre époque auroit laissées stériles et méconnues ; mais rien n'a prouvé dans le reste de sa vie, et il a survécu de beaucoup à Robespierre, que la nature l'eût doué à un degré remarquable du talent de parler et d'écrire. C'est d'ailleurs sur des lambeaux écrits en entier de la main de Robespierre, et qui avoient toute la soudaineté, tout l'abandon, tout le désordre même d'une composition hâtive, qu'a été imprimé le fameux discours du 8 thermidor, qui précéda la catastrophe de moins de vingt-quatre heures, et ce discours est certainement ce que Robespierre a laissé de plus remarquable. Il est surtout vraiment monumental, vraiment digne de l'histoire, en ce point qu'il révèle, d'une manière éclatante, les projets, d'amnistie et les théories libérales et humaines qui devoient faire la base du gouvernement à venir, sous l'influence modératrice de Robespierre, si la terreur n'avoit triomphé le 9 thermidor, et qui triomphèrent à leur tour, malgré ce sanglant coup d'État, parce que la nation, fatiguée d'oppression et de massacres, ne comprenoit plus de d'État qui ne dût être le signal de son affranchissement.

"Je ne connois que deux partis", dit Robespierre, et il n'est pas inutile de rappeler aux lecteurs prévenus que c'est lui qui parle ainsi ; "Je ne connois que deux partis, celui des bons et celui des mauvais citoyens..... Le coeur flétri par l'expérience de tant de trahisons, je crois à la nécessité d'appeler la probité et tous les sentiments généreux au secours de la République. Je sens que partout où se rencontre un homme de bien, en quelque lieu qu'il soit assis, il faut lui tendre la main, et le serrer contre son coeur. Je crois à des circonstances fatales qui n'ont rien de commun avec les desseins criminels ; je crois à la détestable influence de l'intrigue, et surtout à la puissance sinistre de la calomnie..... Ce sont les méchants seulement qu'il faut punir des crimes et des malheurs du monde..... Ceux qui nous font la guerre ne sont-ils pas les apôtres de l'athéisme et de l'immoralité ?..... Que m'importe qu'ils poursuivent l'aristocratie, s'ils assassinent la vertu ?"

Je continue à copier, et je m'y crois autorisé ; le dernier discours de Robespierre est devenu si rare, qu'il peut passer pour inédit. « On veut, s'écrie-t-il, m'arracher la vie avec le droit de défendre le peuple ! Oh ! je leur abandonnerai ma vie sans regret. J'ai l'expérience du passé, je vois l'avenir ! Quel ami de la patrie peut şurvivre au moment où il n'est plus permis de la servir et de défendre l'innocence opprimée ?..... Comment supporter le supplice de voir cette horrible succession de traîtres, plus ou moins habiles à cacher leurs âmes hideuses sous le voile de la vertu ou sous celui de l'amitié, et qui laisseront à la postérité l'embarras de décider lequel des persécuteurs de mon pays fut le plus lâche et le plus atroce ?.... En voyant la multitude des crimes que le torrent de la révolution a roulés pêle-mêle avec les vertus civiques, j'ai craint quelquefois, je l'avoue, d'être souillé aux yeux de l'avenir par le voisinage impur de tant de pervers, et je m'applaudis de voir la fureur des Verrès et des Catilina de mon pays tracer une profonde ligne de démarcation entre eux et les gens de bien. J'ai vu dans toutes les histoires les défenseurs de la liberté accablés par la calomnie, égorgés par les factions; mais leurs oppresseurs sont morts aussi. Les bons et les méchants disparoissent de la terre, mais à des conditions différentes..... Non, Chaumette (4), non, la mort n'est pas un sommeil éternel. La mort est le commencement de l'immortalité." »

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Portrait de Pierre Gaspard Chaumette, dit Anaxagore Chaumette, gravé par F. B. Lorieux d'après François Bonneville.

« Les probabilités de la haute fortune politique de Robespierre étoient changées. Il devoit se défendre, le 8 thermidor, de ce plan, vrai ou faux, de dictature réparatrice qu'il auroit trouvé, six semaines auparavant, trop facile à exécuter. Sa réponse à cette accusation est un de ces modèles d'ironie spirituelle dont on citeroit à peine l'équivalent dans les meilleurs discours de Mirabeau. Il n'y a rien nulle part de plus ingénieux, de plus fin et de plus noble à la fois.

"Quel terrible usage les ennemis de la République ont fait, dit-il, du seul nom d'une magistrature romaine ! Et si leur érudition nous est si fatale, que n'avons» nous pas à redouter de leurs intrigues et de leurs trésors ! Je ne parle pas de leurs armées. Mais qu'il me soit permis de renvoyer au duc d’Yorck et à ses écrivains royaux les patentes de cette dignité ridicule qu'ils m'ont expédiées les premiers. Il y a trop d'insolence à des rois qui ne sont pas sûrs de conserver leurs couronnes, de s'arroger le droit d'en distribuer si largement."

Ce trait sublime : "Je ne parle pas de leurs armées", est de la hauteur de Nicomède et de Corneille. Le chant du cygne de Robespierre, ce long codicile in articulo mortis, ne manque pas, comme on voit, de beautés de style et de beautés de sentiment ; mais il est vague et mal ordonné, ce qui ne prouve rien à la vérité contre la logique de l'orateur, car on s'aperçoit qu'il a été composé d'un jet, et qu'il n'a pu être revu. C'est un plaidoyer improvisé en face de l'échafaud, et qui n'offre, au total, que la paraphrase diffuse, mais éloquente, d'une seule pensée. "Eh quoi !..... je n'aurois passé sur la terre que pour y laisser le nom d'un tyran..... un tyran...... Si je l'étois, ils ramperoient à mes pieds, je les gorgerois d'or, je leur assurerois le droit de commettre tous les crimes, et ils seroient reconnaissants !...... Qui suis-je, moi que l'on accuse ? un esclave de la liberté, un martyr vivant de la République, la victime encore plus que le fléau du crime..... Ôtez-moi ma conscience....... je suis le plus malheureux de tous les hommes."

Ces citations sont choisies dans les meilleures pages de Robespierre. Elles donnent sa mesure la plus large comme personnage politique et comme écrivain. Aussi la seule induction que je prétende en tirer, je le répète, c'est que Robespierre n'étoit pas tout à fait si nul qu'on l'a fait au gré des thermidoriens, et que la tribune a souvent retenti depuis d'accents moins imposants et de périodes moins sonores. Mais, encore une fois, il n'a jamais figuré qu'au second rang parmi les orateurs de la Montagne. Jusqu'au mois d'avril 1794, il y fut dominé de très haut par l'ascendant de Danton, l'homme à la voix stentorée, aux improvisations jaculatoires, aux idées abruptes, aux images fortement colorées, espèce de tribun voluptueux, dans lequel il y avoit l'étoffe d’Aristippe et de Démosthènes. Depuis la mise en accusation de Danton, la première place appartient à Saint-Just, écolier aventureux, qui étoit sorti tout formé du moule d'une révolution ; type unique chez les modernes du Spartiate de Lycurgue (5) et du légiste de Dracon (6) ; âme stoïque et inflexible que la nature n'avoit peut-être pas fait cruelle, mais qui ne répugnoit pas à la rigueur et même à la cruauté, quand il s'agissoit d'attester son impassibilité par. quelque résolution féroce ; l'homme le plus puissamment organisé de cette partie de l'assemblée, et qui, séide fidèle et sincère de Robespierre, dont l'intègre et incorruptible austérité l'avoit soumis, s'exerçoit dans une carrière plus forte à la vocation de Mahomet. »

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De gauche à droite : Jacques Nicolas Billaud, puis Billaud-Varenne ; Jean Marie Collot d'Herbois.

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De gauche à droite : Pierre André Amar ; Marc Guillaume Alexis Vadier.

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De gauche à droite : Jean Henri Voulland ; Louis Legendre ; Louis Marie Stanislas Fréron.

« Pour ne plus revenir sur cette question, dont je ne me dissimule pas l'étrangeté ; pour me justifier de cette justification tout à fait relative d'un homme qu'on ne peut défendre de tout sans démence ; pour en finir avec la polémique excitée par cette hypothèse que j'ai hasardée le premier, et qui ne pouvoit pas, à la vérité, être admise sans contestation, il suffit de reporter l'attention du lecteur sur la statistique et la physionomie morale de la Convention au 9 thermidor. Si la tyrannie méthodique, si la terreur organisée en système avoient un siége quelque part, c'étoit dans ces comités de gouvernement, depuis longtemps déjà désertés par Robespierre. L'attaque partit du sommet de la Montagne, et des hommes les plus aveuglément dévoués aux excès furieux de la démocratie en délire : de Billaud-Varennes (7), le lion des jacobins ; du farouche Collot d'Herbois (8), le plus cruel de leurs proconsuls ; d’Amar (9), de Vadier (10), de Voulland(11), de Legendre (12), de Fréron (13), ligue de furieux ou de malades, qui sauva la patrie sans le vouloir, et dont le seul but étoit d'exploiter la révolution au profit de la dévastation et de la mort. Tels étoient les chefs de cet exécrable parti des thermidoriens, qui n'arrachoit la France à Robespierre que pour la donner au bourreau, et qui, trompé dans ses sanguinaires espérances, a fini par la jeter à la tête d'un officier téméraire ; de cette faction à jamais odieuse devant l'histoire, qui a tué la République au coeur dans la personne de ses derniers défenseurs, pour se saisir sans partage du droit de décimer le peuple, et qui n'a pas même eu la force de profiter de ses crimes. Robespierre la connoissoit si bien, qu'il dédaigna de lui adresser la parole, et que, se tournant vers une autre partie de l'assemblée, pure, mais mobile et méticuleuse, qui renfermoit beaucoup de vertus privées et peu de forces politiques, il implora de cette majorité flottante l'appui des honnêtes gens. Elle ne répondit pas.

Brutus, plus expert que Robespierre dans la science des révolutions, ne seroit point tombé dans cette erreur. Il n'attendit rien de la vertu aux champs de Philippes ; il la nia, et livra son coeur au poignard amical de Straton (14).

L'histoire montre partout quelle espèce de secours il y a lieu d'attendre des honnêtes gens dans les circonstances extrêmes comme celle-ci, où il ne s'agissoit de rien moins que du triomphe de la tyrannie des comités sur la cause de l'humanité et de la justice. Un chef de parti qui n'a plus de ressources que dans le dévouement et l'énergie de ce qu'on appelle les honnêtes gens, doit s'envelopper de son manteau et se brûler la cervelle. » (15)

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1. Charles Nodier, Miscellanées, Variétés de philosophie, d'histoire et de littérature, extraites d'un livre qui ne paraîtra point, Revue de Paris, 1830, p. 158.

2. Léonard Bourdon de la Crosnière, dit Léopard Bourdon ou Léopard Septembre (Alençon, 6 novembre 1754-29 mai 1807, Breslau, Allemagne ; aujourd'hui Wrocław, Pologne), avocat, puis fondateur d'une école expérimentale connue en 1792 à Paris sous le nom de « Société des jeunes Français », puis membre du club des Jacobins. Après les massacres du même mois, dans lesquels il se trouve compromis en tant qu'inspecteur des prisons d'Orléans, il devient procureur de la Commune de Paris. Élu en septembre 1792 député du Loiret, il fait immédiatement l'objet d'une révocation de son mandat de député et de celui de procureur de la Commune, pour « avoir dilapidé en fêtes et en banquets les 15 000 livres qui lui avaient été confiées en 1789 comme commissaire aux approvisionnements pour l’achat de blé à des fournisseurs et boulangers de Provins ; pour « avoir en outre osé demander une indemnité de 20 000 livres au district de Saint-Marcel pour couvrir ses dépenses à Provins ; pour « n’avoir pas respecté sa promesse d’accueillir dans son école quatre orphelins de morts de la Bastille ; pour « avoir gaspillé dans des débauches les fonds qui lui été alloués pour sa mission à Orléans, à la fin d’août 1792 ; et pour « s’être emparé d’une partie des bijoux des condamnés massacrés après qu'il les eût fait transférer d'Orléans à Versailles ». Mais, soutenu à Paris par sa section, et arguant qu'il est victime de calomnies, Léonard Bourdon se trouve finalement disculpé. Il siège ensuite à la Convention sur les bancs de la Montagne et vote la mort du Roi. En mai 1793, lors d'une mission à Orléans, il fait l'objet d'une agression ou se trouve mêlé à une rixe. L'affaire fait grand bruit à la Convention. À partir de nivôse an II, il se déploie dans la mise en scène de spectacles à visée « pédagogique », qui tournent en ridicule le culte catholique. Cette activité lui vaut de tomber en disgrâce auprès de Robespierre qui lui reproche de forcer à la déchristianisation et qui parle de lui comme d'un « intrigant méprisé de tous les temps, l’un des principaux complices d’Hébert ». Dans la nuit du 9 Thermidor, sur ordre de Barras, Léonard Bourdon mène les hommes qui se saisissent de Robespierre et de ses partisans à la Maison commune. Le lendemain matin, c'est lui qui dit avoir vu le gendarme Meda tirer sur Robespierre.

3. Jean Baptiste Armonville, dit Bonnet rouge en raison de cette coiffure qu'il ne quittait jamais (Reims, 18 novembre 1756-11 décembre 1808, Reims), soldat, puis ouvrier cardeur de laine, animateur d'un club patriotique à Reims, élu député de la Marne à la Convention le 3 septembre 1792, élu au sein du Comité de la vérification des comptes de la Commune de Paris, régicide. Après le 9 Thermidor, il tente de faire vivre à Paris, puis à Reims, un Cercle constitutionnel, d'inspiration babouvisme. Nommé le 4 novembre 1798 par le Directoire inspecteur de la taxe d'entretien des routes dans l’Oise puis dans les Ardennes, il se trouve destitué de cet emploi sous le Consulat. Après être revenu à différents emplois ouvriers, il meurt à Reims dans l'indigence.

4. Pierre Gaspard Chaumette, dit Anaxagore Chaumette (Nevers, 24 mai 1763 à Nevers-13 avril 1794, Paris, guillotiné), fils d'un maître cordonnier de Nevers, d'abord mousse, puis timonier dans la marine de guerre, puis infirmier chirurgien. À Paris, il devient membre du club des Cordeliers, puis procureur de la Commune de Paris. Ami d'Hébert, il se veut porte-parole des sans-culottes, artisan de la déchristianisation, partisan de l'abolition de l'esclavage. Le 29 septembre à Moulins, puis le 10 octobre à Nevers, il publie ses arrêtés sur les nouveaux rites républicains de la mort : « Les cimetières seront désormais installés dans des lieux laïcs, isolés et ombragés d’arbres ; les pierres tombales ne comporteront pas de croix, mais seront ornées d’une simple couronne de chêne pour les patriotes les plus méritants ; on y érigera une statue symbolisant le sommeil et on y lira l’inscription suivante : "La mort est un sommeil éternel". Accusé de conspiration morale contre la République, il est guillotiné le 13 avril 1794 avec un groupe d'Exagérés et de modérés.

5. Lycurgue, en grec Λυκούργος (Lykoúrgos), « celui qui tient les loups à l’écart », est un législateur mythique qui aurait œuvré à Sparte au IXe siècle av. J.-C. ou au tout début du VIIIe siècle. Après avoir donné une Constitution à Sparte et défendu à ses compatriotes de la modifier, jugeant son œuvre achevée, il se suicide en se laissant mourir de faim.

6. Dracon, en grec ancien Δράκων (Drákôn) est un législateur qui a établi à Athènes au VIIe siècle av. J.-C.des lois très sévères, dites « lois de sang », qui rendaient quasiment tous les crimes, dont le vol, passibles de mort.

7. Jacques Nicolas Billaud, puis Billaud-Varenne (La Rochelle, 23 avril 1756-3 juin 1819, Port-au-Prince), avocat, député de la Seine à la Convention, Montagnard, membre du Comité de salut public de septembre 1793 à septembre 1794. Partisan du régime de la Terreur, le 28 septembre 1793, il fait transformer le Tribunal criminel extraordinaire en Tribunal révolutionnaire. Il approuve ensuite l'élimination des Hébertistes, puis celle des Indulgents. Mais il ne pardonne pas à Robespierre la création d'un bureau de police subordonné au Comité de salut public ni la rédaction non-collégiale de la loi du 22 prairial, qui prive les accusés du droit de défense et de recours devant le Tribunal révolutionnaire. Un peu moins de deux ans après la chute de Robespierre, il est condamné à la déportation en Guyane, ainsi que Collot d'Herbois et Barrère. Gracié après le 18 Brumaire, il reste d'abord en Guyane, où il se fait cultivateur, puis s'installe et meurt en Haïti.

8. Jean-Marie Collot, dit Collot d'Herbois (1749-1796), comédien, auteur dramatique, directeur de théâtre, député à la Convention, membre du Comité de salut public, soupçonné de pillages et de détournements à Lyon, condamné à la déportation en Guyane après Thermidor, mort à Cayenne le 20 prairial an IV (8 juin 1796).

9. Jean Pierre André Amar (Grenoble, 11 mai 1755-21 décembre 1816, Paris), est un avocat et homme politique français, député de l'Isère à la Convention nationale, régicide, adversaire acharné des Girondins. Montagnard fougueux, il s'attaque tout spécialement aux prêtres et aux émigrés, et fait appliquer avec la plus grande sévérité la loi relative aux suspects. Peu avant la 9 Thermidor, il se déclare violemment contre Robespierre et contribue à sa chute. Arrêté une première fois après Thermidor, puis une seconde fois comme complice de Babeuf dans la conjuration des Égaux, il échappe finalement aux poursuites. Il passe les dernières années de sa vie à traduire l'œuvre du théologien et philosophe suédois Emanuel Swedenborg.

10. Marc Guillaume Alexis Vadier (Pamiers, 17 juillet 1736-14 décembre 1828 Bruxelles), surnommé « le grand Inquisiteur », engagé volontaire de 1753 à décembre 175 7au régiment de Piémont infanterie, seigneur ensuite de Peyroutet, avocat, conseiller à la sénéchaussée et au présidial de Pamiers, élu en 1789 député du tiers représentant de la sénéchaussée de Pamiers aux États généraux de 1789, député à l'Assemblée constituante en 1789-1791, initiateur de la création du département de l'Ariège, député à la Convention, régicide. En septembre 1793, il devient président et doyen du Comité de sûreté générale. En nivôse an II (janvier 1794), il dénonce François Chabot, Joseph Delaunay dit d'Angers, Jean Julien dit de « Toulouse », Fabre d'Églantine et Basire, pour spéculations crapuleuses en rapport avec la liquidation de la Compagnie des Indes. Il dénonce également Camille Desmoulins qui l'a mis en cause avec son ami Bertrand Barère dans le Vieux Cordelier. Après le vote de la loi du 22 prairial an II (10 juin 1794) qui supprime les débats publics au Tribunal révolutionnaire, il fait guillotiner plusieurs notables de Pamiers avec lesquels il se trouve depuis longtemps en conflit. Il vilipende à l'Assemblée le mysticisme de Robespierre et contribue ainsi à l'avénement du 9 thermidor. Après la chute de Robespierre, il est condamné à la déportation, mais s'enfuit et se cache. Il est emprisonné ensuite jusqu’à l’an VIII (1799) pour participation à la conjuration de Babeuf, puis exilé comme régicide en 1816. Il meurt à Bruxelles où il a sa tombe à côté de celle du peintre Jacques Louis David.

11. Jean Henri Voulland (Uzès, 11 octobre 1751-23 février 1801, Paris), ex-subdélégué de l'intendant du Languedoc, élu député du Tiers état de la sénéchaussée de Nîmes et de Beaucaire aux États généraux, membre du tribunal de cassation le 9 mars 1791, puis juge au tribunal d’Uzès le 1er avril suivant, secrétaire du club des Feuillants sous la présidence de Barère, puis élu député du Gard à la Convention, où il siège sur les bancs de la Montagne, régicide. Entré au Comité de sûreté générale le 14 septembre 1793, il en devient secrétaire le 19 septembre 1793, puis président le 16 frimaire an II (6 décembre 1793), et il s'y fait alors remarquer « par ses rigueurs, par ses emportements et par l’intempérance de son langage ». Le 9 Thermidor, il contribue à la mise hors la loi de Robespierre et de ses fidèles. Après Thermidor, il doit se cacher jusqu'à l’amnistie générale de brumaire an IV.

12. Louis Legendre (Versailles, 22 mai 1752, 13 décembre 1797, Paris), ex-matelot, maître boucher, fondateur du club des Cordeliers avec Danton et Desmoulins, élu député à la Convention, où il siège dans les rangs de la Montagne. Le 31 mars 1794, il tente d'intercéder auprès de Robespierre en faveur de Danton, de Desmoulins et de leurs amis, puis il les abandonne. Le 10 thermidor, il se rend aux Jacobins et en chasse les membres. Par la suite, il s'associe aux Thermidoriens.

13. Louis Marie Stanislas Fréron (Paris, 17 août 1754-15 juillet 1802, Les Cayes, Saint-Domingue), fils du journaliste et critique littéraire Élie Fréron, condisciple de Camille Desmoulins et de Maximilien de Robespierre au collège Louis-le-Grand. En 1790, il fonde l'Orateur du Peuple, premier véhicule des idées de Jean-Paul Marat, et il entre aussi à la rédaction du journal de Camille Desmoulins. En avril 1792, il est élu président du Club des Cordeliers. Le 10 août 1792, il participe à l’attaque du palais des Tuileries, puis il fait partie des instigateurs des massacres de Septembre. Élu le 14 septembre 1792 à la Convention, il y siège avec la Montagne. De juin à décembre 1793, il mène la terrible répression de la révolte de Toulon, ce qui lui vaut le surnom de « Missionnaire de la Terreur » et l'opprobre de Robespierre. Dès le soir du 9 Thermidor, il bascule dans le camp de la réaction. Il recrute alors et organise avec Tallien des bandes de muscadins qu'il charge de repérer et de bastonner dans les rues les anciens Jacobins. Individu louche et versatile, constamment soupçonné de détournements de fonds, il poursuit sous le le Directoire une carrière douteuse, puis, après une liaison avec Pauline Bonaparte, finit sous-préfet à Saint-Domingue où il meurt de la fièvre jaune.

14. En 42 av. J.-C., soit deux ans après avoir assassiné César, Brutus est vaincu par Marc Antoine et Octave à la bataille de Philippes. Le 23 octobre 42, il demande à son ami Straton de l'aider à se suicider. Plutarque, dans sa Vie de Brutus, 63, raconte : « Lors Brutus se retournant vers ses amis, leur parla ainsi : "Puisqu’il en est donc ainsi, je ne suis plus utile en quoi que ce soit à ma patrie." Alors il appela un de ses principaux amis, nommé Straton, et il le pria de vouloir avancer sa mort. Et voyant que ce Straton temporisait et voulait le persuader d'adopter de meilleures pensées, il appela l’un de ses esclaves pour exécuter ce projet. Alors Straton lui dit : "En donnant ce dernier ordre, tu ne manqueras pas davantage d'un ami que d'un esclave !" Et aussitôt, il lui fit passer son épée à travers le corps, sans que Brutus se retirât ni ne remuât. »

15. Charles Nodier, « Robespierre l'aîné », in Souvenirs, épisodes et portraits pour servir à l'histoire de la Révolution et de l'Empire,tome 1, Paris, Alphonse Levavasseur, Éditeur, 1831, p. 163 sqq.

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