À propos de Magdeleine Soulié, tante de Frédéric Soulié

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Adrien Dauzats (1804-1868). Vue de la cathédrale Saint Maurice de Mirepoix.

Née le 13 septembre 1756, deuxième d'une fratrie de cinq enfants, Magdeleine Soulié est fille de Jean Soulié, alors régent du collège, — par ailleurs futur grand-oncle de l'écrivain Frédéric Soulié (1) —, et de Thérèse Barrau. Sans doute par effet de lapsus calami, Maître Cassaigneau de Meynard, sacristain, a oublié dans l'acte de naissance de Magdeleine Soulié, et dans cette seule occurrence, le six de l'année mille sept cent cinquante six à laquelle la page du registre paroissial se trouve dédiée. Je m'intéresse ici à la destinée ultérieure de ladite Magdeleine Soulié, destinée difficile, fuyante, qui ne laisse pas d'inquiéter.

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13 septembre 1756. Baptême de Magdeleine Soulié. Archives dép. de l'Ariège. Mirepoix (1754-1767). Document 1NUM/3E125/2. Vue 45. L'enfant a pour marraine Madeleine Barrau, sa tante maternelle.

En 1770, Magdeleine Soulié perd Barthélémie Thérèse Marguerite Soulié, sa sœur puînée, âgée alors de 12 ans (2). En 1780, elle perd Thérèse Barrau, sa mère (3). En 1783, elle perd encore Catherine Véronique Thècle Soulié, son autre sœur puînée, âgée alors de 18 ans (4). Seule survivante des trois filles de Jean Soulié et de Thérèse Barrau, on imagine qu'elle tient la maison de son père, sous le Grand Couvert (5), maison où demeure encore, seul de ses deux frères, François Bruno Melchior Soulié, né en 1761. Pierre Gabriel Soulié, son autre frère, né en 1755, demeure quant à lui à Limoux, où il est procureur au sénéchal et présidial.

En 1789, encore célibataire, Magdeleine Soulié a déjà 33 ans. Le 19 avril 1789, scandale à Mirepoix ! elle accouche d'un petit Pierre Jean Magdeleine qu'elle dit être fils de Louis Antoine Mercadier, clerc tonsuré, prébendier du Chapitre, qui a pris la fuite. Au début de l’an VII, François Melchior Soulié, l'un des oncles de Magdeleine Soulié, ex-officier à l'État-Major de l'armée d'Italie, publiera à Foix L’Officier français à Milan (6), texte d’une pièce de théâtre inspirée par la « circonstance accidentelle » (7) qui a ruiné la réputation de sa nièce. Se bornant à déplacer l'action de Mirepoix à Milan, il flétrit dans cette pièce, de façon transparente, la lâcheté du prébendier suborneur.

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19 avril 1789. Baptême de Jean François Gabriel, fils de Magdeleine Soulié. AD09. Mirepoix. Paroisse Saint Maurice. Baptêmes, mariages, sépultures. 1787-1792. Document 1NUM6/5MI665. Mirepoix. Paroisse. Vue 64. « Le Sieur Jean François Mercadier s'étant présenté à nous en qualité de parrain », note l'abbé Mailhol. Ce parrain n'est autre que le frère du prébendier suborneur.« Maître Gorguos, avocat postulant de cette ville, s'est présenté au nom, a-t-il dit, de ladite Demoiselle Magdeleine Soulié réclamant que ledit enfant justement inscrit comme né de ladite Demoiselle fût inscrit aussi comme ayant pour père le Sieur Louis Mercadier, clerc tonsuré, prébendier du Chapitre de Mirepoix, — ce que nous n'approuvons ni n'improuvons », ajoute prudemment l'abbé Mailhol.

Le 8 octobre 1789, Pierre Gabriel Soulié, frère de Magdeleine Soulié, épouse à Limoux Jeanne Vidal Loubat, fille de Pierre Vidal, négociant, et de Marguerite Loubat. Parmi les signataires de l'acte de mariage, Jean Soulié, père du marié. (8)

Le 2 avril 1790 à Limoux, Jeanne Vidal Loubat met au monde Thérèse Marguerite Soulié. L'enfant a été concue avant le mariage. Les parents ont fait, comme on dit, « Pâques avant les rameaux ».

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2 avril 1790. Baptême de Thérèse Marguerite Soulié. Parrain, le Sieur Jean Soulié, avocat à Mirepoix, grand-père paternel. Marraine, Demoiselle Marguerite Vidal Loubat, grand-mère maternelle. AD11. Limoux. Paroisse Saint Martin. Baptêmes, mariages. 1787-1794. Document 100NUM/5E206/18. Vue 164.

Le 29 avril 1791 à Limoux, Jeanne Vidal Loubat met au monde Pierre Jean Magdeleine Soulié. C'est un garçon ! L'enfant a pour parrain Monsieur Pierre Vidal, grand-père paternel, et pour marraine Demoiselle Magdeleine Barrau, « tante paternelle ». Celle-ci est à vrai dire la grand-tante de l'enfant. On se souviendra qu'elle est aussi la tante maternelle et la marraine de Magdeleine Soulié.

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29 avril 1791. Baptême de Pierre Jean Magdeleine Soulié. AD11. Limoux. Paroisse Saint-Martin. Baptêmes, mariages. 1791. Document 100NUM/AC206/GG213. Vue 44.

Le 24 septembre 1792, Jeanne Vidal Loubat met au monde Magdeleine Françoise Maurice Soulié. L'enfant a pour parrain Pierre Vidal Loubat, oncle maternel, et pour marraine Magdeleine Soulié, tante paternelle. C'est, depuis le 19 avril 1789, date de la naissance du petit Jean François Gabriel à Mirepoix, sa première et dernière apparition dans un acte familial.

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24 septembre 1792. Baptême de Magdeleine Françoise Maurice Soulié. AD11. Limoux. Paroisse Saint-Martin. Baptêmes, mariages. 1792. Document 100NUM/AC206/GG215. Vue 30.

Le 10 frimaire an II (30 novembre 1793) à Limoux, Jeanne Vidal Loubat met au monde André Jean François Soulié, son quatrième et dernier enfant (9). L'enfant a pour témoins de naissance les Citoyens Théodore Revel, président du directoire du district, et Jean Baptiste Bervieu, procureur syndic dudit directoire, soit deux personnes qui ne sont ni parentes ni alliées avec les familles Soulié et Vidal Loubat.

Jean Soulié, père de Magdeleine Soulié, est nommé en 1793 juge président au tribunal criminel de Foix. Il élit domicile dans la capitale fuxéenne et laisse en conséquence la jouissance de sa maison de Mirepoix à Magdeleine Soulié et François Bruno Melchior Soulié, ses enfants non mariés, et à Magdeleine Barrau, sa belle-soeur, non mariée, elle aussi, et, comme on s'en souvient, marraine de Magdeleine Soulié.

La lecture du rôle de la population de Mirepoix en 1793 montre que la maison de Jean Soulié abrite effectivement alors, outre Jean Soulié, de passage seulement puisqu'il dispose désormais d'un logement à Foix, Magdeleine Barrau, 63 ans, belle-sœur de Jean Soulié ; Magdeleine Soulié, 36 ans [37 ans au vrai], et Bruno [François Melchior] Soulié, 33 ans [32 ans], tous deux enfants de Jean Soulié ; et Marguerite [Thérèse] Soulié, 4 ans [3 ans au vrai], fille de Pierre Gabriel Soulié et de Jeanne Vidal Loubat, enfant délaissée par ses parents, probablement parce qu'elle a été conçue avant leur mariage. Jean François Gabriel quant à lui, l'enfant né le 19 avril 1789 de Magdeleine Soulié et de Louis Mercadier, le prébendier suborneur, n'est pas là. Sa mère l'a de toute évidence placé ailleurs. Bizarrement, après avoir abandonné son propre enfant, elle a recueilli en la personne de Marguerite Thérèse Soulié, la fillette délaissée par Pierre Gabriel Soulié, son propre frère.

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Rôle de la population de Mirepoix en 1793.

La lecture du rôle de la population de Mirepoix établi le 1er vendémiaire an VIII (23 septembre 1799), montre cette fois que, outre Jean Soulié, de passage toujours, la maison n'abrite plus que Magdeleine Soulié, sa fille, 40 ans [43 ans au vrai], et Thérèse [Marguerite] Soulié, 9 ans, fille de Pierre Gabriel Soulié et de Jeanne Vidal Loubat.

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12 thermidor an II (30 août 1794). Acte de décès de Magdeleine Barrau, tante maternelle de Magdeleine Soulié. AD09. Mirepoix. Décès. 1793-An X. Document 1NUM1/5MI667. Vue 135.

Magdeleine Barrau, tante et marraine de Magdeleine Soulié, est morte le 12 thermidor an II (30 août 1794). Requis par la conscription, François Bruno Melchior Soulié, second fils de Jean Soulié, a quitté la maison. Il mourra, déserteur, le 9 ventôse an VIII (23 février 1800) à l’hôpital d’Aix-en-Provence. Jean Soulié n'en sera informé que le 23 messidor an VIII (12 juillet 1800) (10).

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Rôle de la population de Mirepoix en 1799.

L’État de la population de Mirepoix daté du courant de fructidor an XII (septembre 1804) indique désormais « Néant » au n° 89 de la section A, adresse de la maison de Jean Soulié. La maison est vide. Jean Soulié est mort à Foix le 24 pluviôse an X (13 février 1802) (?). Magdeleine Soulié et Marguerite Thérèse Soulié, sa nièce, sont parties. Où sont-elles allées ?

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État de la population de Mirepoix en 1804.

En 1827 enfin, l’État de la population de Mirepoix indique que les n° 88 et 89 de la section A appartiennent maintenant à François Croux et que celui-ci y a pour locataires la Veuve Bertrand Saint-Félix et son fils Joseph.

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État de la population de Mirepoix en 1827.

Où Magdeleine Soulié et Marguerite Thérèse Soulié, sa nièce, sont-elles parties après la mort de Jean Soulié ? Que sont-elles devenues ? La raison voudrait qu'elle s soient parties à Limoux, auprès du ménage de Pierre Gabriel Soulié.

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À Limoux, volets de la rue Toulzane.

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26 mars 1817. Décès de Pierre Gabriel Soulié. AD11. Limoux. Décès. 1816-1820. Document 100NUM/5E206/43. Vue 77.

Le 26 mars 1817, Pierre Gabriel Soulié meurt à Limoux en la maison du Sieur Guitard aîné, rue de la Toulzane, section de la Justice. Or ce décès ne figure ni dans la table décennale, ni dans la table du registre de décès correspondant, quoique présent dans le fil dudit registre !

Il faudra donc lire page à page, à partir de 1804, les registres de décès de Limoux, afin de savoir si Magdeleine Soulié et Thérèse Marguerite Soulié, sa nièce, ont poursuivi leur vie, au moins un temps, dans cette ville. J'ai commencé le travail, mais il reste encore bien des pages à tourner ! Les sites de genéalogie, par ailleurs, ne fournissent aucune information quant aux deux personnes recherchées.

Il s'en suit que la recherche de ce que sont devenues Magdeleine Soulié et Thérèse Marguerite Soulié prendra encore de longs jours. À moins que les deux femmes ne soient parties ailleurs... Auquel cas, on ne sait plus où l'on va. Les sites de généalogie ignorent l'existence de ces deux âmes errantes.

Le 19 juillet 1830, à Estavar, dans les Pyrénées-Orientales, Jean François Gabriel, fils de Magdeleine Soulié, épouse Catherine Marie Françoise Badie. Bien que dénommé Mercadier, il refuse de signer son acte de mariage autrement que de son premier prénom, qui est Jean. L’acte de notoriété dressé et enregistré le 14 janvier 1824 par le juge de paix de Mirepoix (Ariège) indique en tout cas que « l’habitation ou l’existence » de Magdeleine Souliè, mère du Jean François Gabriel Mercadier de 1830, demeure « inconnue ».

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19 juillet 1830. Extrait de l'acte de mariage de Jean François Gabriel Mercadier et de Catherine Marie Françoise Badie. AD66. Estavar. Naissances, mariages, décès. 1803-1842. Document 9NUM2E1200_1203. Vues 229 et 230.

À lire aussi :
De Mirepoix à Fontpédrouse, l’amère destinée de Jean François Gabriel Mercadier, petit-cousin de Frédéric Soulié
À Mirepoix, l’ancienne maison de Jean Soulié, l’un des (grands-oncles) oncles de l’écrivain Frédéric Soulié
À Mirepoix, l’ancienne maison de l’Abbé Pierre Soulié, prêtre constitutionnel, l’un des (grands-) oncles de Frédéric Soulié
Abdon Soulié, un autre (grand-) oncle de Frédéric Soulié ...

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1. Cf. Christine Belcikowski. Le roman vrai de Frédéric Soulié. I. En Ariège. Publication numérique. Publication papier. Amazon. 2019.

2. Barthélémie Thérèse Marguerite Soulié. Mirepoix, 8 novembre 1758-19 mai 1770, Mirepoix.

3. Thérèse Barrau † 21 janvier 1780, Mirepoix.

4. Catherine Véronique Thècle Soulié. Mirepoix, 25 janvier 1764-2 novembre 1783, Mirepoix. Elle avait elle aussi pour marraine Magdeleine Barrau, sa tante maternelle.

5. Cf. Christine Belcikowski. À Mirepoix, l'ancienne maison de Jean Soulié, l'un des grands-oncles de Frédéric Soulié.

6. [François] Melchior Soulié, L'Officier français à Milan, comédie en cinq actes et en prose, Foix, chez Pomiès l’aîné, imprimeur du département de l’Ariège, an VII.

7. Le mot est d'Henri Louis Duclos dans son Histoire des Ariégeois, tome II : « De l’esprit et de la force morale dans l’Ariège et dans les Pyrénées centrales », p. 190 sqq. Paris. Librairie Académique Didier Perrin. 1886. Reprochant à François Melchior Soulié de brocher sa comédie sur un thème violemment anticlérical, l’abbé Duclos témoigne finalement d’une obscure perplexité : « Il faut croire qu’une circonstance accidentelle mit la plume à la main de l’auteur dramatique de Mirepoix ».

8. 8 octobre 1789. Mariage de Pierre Gabriel Soulié et de Jeanne Vidal. AD11. Limoux. Paroisse Saint Martin. Baptêmes, mariages. 1789. Document 100NUM/AC206/GG209. Vue 29.

9. 10 frimaire an II (30 novembre 1793). Naissance d'André Jean François Soulié. AD. Limoux. Naissances. 1793-1796. Document 100NUM/5E206/21. Vue 90.

10. 23 messidor an VIII (12 juillet 1800). Annonce du décès de François Bruno Melchior Soulié. AD09. Mirepoix. Décès. 1793-An X. Document 1NUM1/5MI667. Vue 515.

11. 24 pluviôse an X (13 février 1802). Décès de Jean Soulié. AD09. Foix. Décès. 1793-An X. Document 1NUM/300EDT/E3. Vue 341.

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