Dans Les consultations du Docteur Noir. Première consultation, Stello ou les Diables bleus, roman publié par Alfred de Vigny (1797-1863) en 1832, le Docteur Noir raconte successivement à Stello , double possible de Vigny, trois histoires, dont la dernière et la principale s'intitule « Une histoire de la Terreur » (1). « Quel est ce Docteur noir ? je ne le sais guère », dit l'auteur (2). S'agit-il du Diable ?
Dans « Une histoire de la Terreur », le Docteur Noir rapporte à l'intention de Stello comment, s'étant rendu chez Robespierre à la demande du vieux Louis de Chénier, il a tenté d'obtenir la libération du fils aîné de ce vieux Monsieur, le poète André Chénier, alors enfermé à la prison Saint-Lazare ; et comment, présent à cet entretien, le dramaturge Marie Joseph Chénier, fils cadet du même vieux Monsieur, a non seulement ruiné la tentative de sauvetage de son frère aîné, mais attiré sur lui la foudre de Robespierre pour avoir défendu la supériorité de la Poésie sur la Vertu. André Chénier est guillotiné le 7 thermidor an II (25 juillet 1794). Afin de sauver Marie Joseph Chénier de la guillotine qui le menace lui aussi, le Docteur Noir le cache dans sa maison, où réside également Blaireau, qui est son domestique le soir, et qui, quoique retraité pour cause de blessure dans l'armée de l'Ancien Régime, a repris son service de cannonier le jour.
« Quatre-vingt-quatorze sonnait à l'horloge du dix-huitième siècle, quatre-vingt-quatorze, dont chaque minute fut sanglante et enflammée» (3). Au chapitre XXXVI d'« Une histoire de la Terreur », initulé « Un tour de roue », le Docteur Noir se rémémore les journées du 8 et du 9 Thermidor. Alfred de Vigny a puisé sa documentation dans les archives et mémoires du temps (4).
« Écrit en 1844-1845 à Paris en collaboration avec Friedrich Engels, La Sainte Famille ou
Critique de la critique contre Bruno Bauer (1) et consorts
est le premier grand texte publié par Karl Marx. Marx s'attaque dans cet ouvrage à la philosophie des frères Bauer, représentants des jeunes hégéliens — la « Sainte Famille » —, qui « ne voyaient dans les masses populaires qu'une matière inerte, un poids mort dans le processus historique, proclamant en revanche que les personnalités élues, et eux-mêmes en particulier, porteurs de "l'esprit", de la "critique absolue", étaient les créateurs de l'histoire » (1).
Horace Vernet (1789–1863), 14 octobre 1806. Bataille d'Iéna, détail, Galerie des Batailles, château de Versailles.
On sait que Hegel a reconnu en Napoléon, « fondateur de la paix en Europe », promoteur de réformes et de constitutions, une figure de la raison, ou de « l'esprit » qui advient depuis toujours dans l'histoire du monde et qui touche désormais à sa fin initiale. « J'ai vu l'Empereur — cette âme du monde — sortir de la ville [Iéna, 1806] pour aller en reconnaissance ; c'est effectivement une sensation merveilleuse de voir un pareil individu qui, concentré ici sur un point, assis sur un cheval, s'étend sur le monde et le domine » (2).
Bruno Bauer et consorts, tels que cités par Marx, tenaient pour « vérité lumineuse » que « toutes les grandes actions de l'histoire passée furent ratées d'emblée et demeurèrent sans résultat effectif, parce que la Masse [le peuple] s'y était intéressée et s'était enthousiasmée pour elles ; ou bien qu'elles furent condamnées à une fin lamentable, parce que l'idée sur laquelle elles reposaient était d'une nature telle qu'elle devait se contenter d'être comprise superficiellement et compter aussi, par conséquent, sur l'approbation de la Masse. » (3)
Dans l'extrait de La Sainte Famille reproduit ci-dessous, Karl Marx s'attache à critiquer, sur le mode de « la critique de la critique », comme il dit, la Critique, ou Critique absolue, à laquelle se livrent « Bruno Bauer et consorts » concernant le rôle qu'il convient d'accorder à la « Masse » dans le processus historique de la Révolution française.
La mort de Robespierre. Texte daté du 26 octobre 1959, publié sur le site de l'Académie française. Où Antoine de Lévis Mirepoix parle de « cet exemplaire d’individu géométrique, sur le modèle de quoi le jacobin aurait voulu recréer l’homme » ; et où il augure aussi du « problème difficile qui est de trouver un équilibre entre la Révolution et la Tradition. »
Dans la seconde partie des Paradis artificiels (1860), ouvrage qui consiste pour partie en une sorte de commentaire des Confessions d'un mangeur d'opium anglais (1822) de Thomas de Quincey, Baudelaire rapporte comment, par un soir d'hiver, le jeune Thomas de Quincey, à la faveur d'une équipée d'écolier, déambule dans Londres à la recherche d'un asile pour la nuit et de quelque chose à manger, comment il trouve refuge dans la maison louée par un homme presque toujours absent, et comment il y fait la connaissance d'une petite fille dont il ne saura jamais ce qu'elle faisait là./p>
« Dans ses années plus mûres, un 15 août, jour de sa naissance, un soir à dix heures, l’auteur [Thomas de Quincy] a voulu jeter un coup d’œil sur cet asile de ses anciennes misères. À la lueur resplendissante d’un beau salon, il a vu des gens qui prenaient le thé et qui avaient l’air aussi heureux que possible ; étrange contraste avec les ténèbres, le froid, le silence et la désolation de cette même bâtisse, lorsque, dix- huit ans auparavant, elle abritait un étudiant famélique et une petite fille abandonnée. Plus tard il fit quelques efforts pour retrouver la trace de cette pauvre enfant. A-t-elle vécu ? est-elle devenue mère ? Nul renseignement. Il l’aimait comme son associée en misère ; car elle n’était ni jolie, ni agréable, ni même intelligente. Pas d’autre séduction qu’un visage humain, la pure humanité réduite à son expression la plus pauvre. Mais, ainsi que l’a dit, je crois, Robespierre, dans son style de glace ardente, recuit et congelé comme l’abstraction : "L’homme ne voit jamais l’homme sans plaisir !" » (1)
Image issue de la fusion d'un détail de la photographie récemment découverte sur laquelle apparaît ou semble apparaître Baudelaire (2), et d'un détail du tableau d'Alfred Loudet sur lequel figurent dans une conversation animée Robespierre, Danton et Marat (3).
« L’homme ne voit jamais l’homme sans plaisir ! » Baudelaire détourne ici un propos que Robespierre a tenu lors de la séance du 18 floréal an II (7 mai 1794) à la Convention dans son Discours sur les rapports des idées religieuses et morales avec les principes républicains et sur les fêtes nationales. Robespierre dit exactement dans ce discours que « les hommes ne se voient pas sans plaisir » (4), de telle sorte qu'en les rassemblant dans des fêtes nationales, au titre de « l'éducation publique », on peut « les rendre meilleurs. »
De gauche à droite : Jacques Louis David, autoportrait, 1794 ; Maximilien de Robespierre au matin du 10 thermidor an II, par André Émile Larcher (actif entre 1879 et 1896).
Jean-Luc Seigle (Clermont-Ferrand, 1955-2020, Caen), romancier, scénariste, dramaturge, évoque en 2004 dans Le sacre de l'enfant mort la vie et l'œuvre de Jacques Louis David après le le 27 janvier 1816, date de l'exil à Bruxelles auquel le peintre se trouve obligé par son passé de Conventionnel régicide. Hanté par le souvenir de Robespierre, dont il fut un proche et qu'il estime avoir trahi pour n'être pas mort avec lui le 10 Thermidor et pour avoir peint ensuite le Sacre de l'empereur Napoléon Ier et couronnement de l'impératrice Joséphine dans la cathédrale Notre-Dame de Paris, le 2 décembre 1804, Jacques Louis David cherche, en brossant en 1822 une deuxième version du Sacre de l'empereur Napoléon Ier et couronnement de l'impératrice Joséphine... à percer le secret du lien qu'il continue d'entretenir avec l'Incorruptible disparu.