Robinson et le rire de la mer

Debout face à la mer
qui dégueule,
en même temps que son rire,
Jonas et la baleine,
et aussi les espars
de tant de nefs d’antan
qui ont coulé comme du marbre,
Robinson s’époumone,
à l’instar du jeune Démosthène,
διαρθροῦν εἰς τὸ στόμα ψήφους λαμβάνοντα ((Plutarque. Vie des hommes illustres. IV, 11. Vie de Démosthène.))
qui tente d’articuler face à la mer,
la bouche pleine de cailloux
,
Robinson s’époumone
à l’endroit des vaisseaux
qui passent sans l’entendre,
— Ces cailloux sont durs à mâcher !
Et la mer de bailler
aux cailloux, aux oiseaux,
à l’univers entier.
Et l’espoir de couler
comme un vieux marbre blanc.

Plus tard, à Londres,
où il fait sombre et froid
Robinson s’ennuie
d’avoir à lire et à relire
sa vie dans le journal ((Le 3 décembre 1713, Richard Steele publie dans le journal The Englishman le récit des véritables aventures d’Alexandre Selkirk, récit qui a inspiré le Robinson Crusoë (1719) de Daniel Defoë.))
à la clarté des lampes.
Et les cintres du XVIIIe siècle
de bailler au-dessus de lui,
et de rire comme poissons en caque.

Robinson, un jour,
repart à la nage.
Il s’est noyé en 1721
au large des côtes de l’Afrique.

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