Marcel prend le thé chez Hélène

Ce jeune homme
aux yeux noirs
cernés d’ombre,
descendant de Pâris
et de l’antique Troie,
aime rendre visite
à Hélène,
dans ses appartements parisiens.

Et tandis qu’elle lui verse du thé,
dans son beau salon des Quatre-Glaces,
il voit son image,
quatre fois redoublée,
surgir de la profondeur de l’espace,
telle une allégorie
de la profondeur du temps.

Il brûle de la soumettre
au questionnaire
en forme de portrait chinois
que les Anglais nomment
Confessions.
Mais il n’ose.

Car Hélène, comme il sait,
jamais ne regarde amont.
Elle n’aspire point au destin
des statues de sel.
Au vrai, elle n’aspire à rien.
Elle vit
au jour la journée,
elle est libre d’âme,
telle une force qui va,
oublieuse des coeurs
qu’elle traîne après soi,
sûre seulement,
cross my heart and hope to die,
croix de bois, croix de fer,
si je mens, je vais en enfer,
que demain est un autre jour
et qu’il lui appartient.

Marcel est de moeurs policées.
Hélène lui sourit
aimable comme un chat.
Il se garde ici de raisonner
des effets et des causes,
de la guerre de Troie
et du cercle des années et des mondes.
— Vous prendrez bien
une petite madeleine, cher Marcel ?
— Merci, Madame,
j’aime que cette petite madeleine
semble moulée dans la valve rainurée
d’une coquille Saint-Jacques
.
— N’est-ce pas, mon ami !
Comme Aphrodite, en plus grand.
La nature est belle.
N’en disons pas plus.

Sentant qu’on lui signifiait ainsi
son congé,
Marcel quitta Hélène,
et déambulant sur les boulevards,
il songeait,
cependant que les réverbères s’allumaient,
combien la vie est chose mystérieuse,
aussi bien que l’amour
et autres tragédies.

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