Didon s’enflamme

Didon a flambé
comme une allumette
qu’on craque dans le noir,
comme un papillon
qui tutoie la lampe.

Vois l’homme étincelant
qui s’éloigne
sur la plage,
impatient
de monter à bord du vaisseau
qui appareille déjà dans la baie.
C’est son amour,
venu un jour,
parti ce jour.
Il porte la cuirasse
et le casque flamboyants,
dont le métal provient
de l’antique Atlantide.
Oh ! comme il était beau,
dépouillé de ses armes,
quand ils allaient tous deux
visiter à l’heure du couchant
les lisières du royaume
dont elle s’était dotée,
hop là ! au bord de la mer,
dans ce demi-cercle imprévu
qu’on tire de la découpe
fine, fine,
d’une peau de boeuf ordinaire !
— C’est un problème isopérimétrique, vois-tu !
lui avait dit un mage.
Dieu ! que ces vilains petits hommes sombres
sont malins !
Oh ! comme il était beau, lui,
dépouillé de ses armes,
quand ils avaient fait l’amour
pour la première fois,
cachés dans les roseaux,
au bord d’un marais !
Entends, mon désir,
le cri du héron…
Il a prétendu hier
qu’Hermès lui est apparu
en rêve
et qu’il lui a commandé
de partir !
Mais non, c’est moi qui, aujourd’hui,
vis un rêve éveillé.
Le vilain petit homme sombre
n’y peut rien.
— C’est un problème onto-théo-logique, vois-tu !
Il regarde les Parques,
pas moi.
Je puis te dire seulement
que l’homme que tu aimes,
il mourra aussi.
— Qu’on allume alors mon bûcher !
Didon s’est jetée dans les flammes,
elle y a fondu,
et sa vie s’en est allée
dans le vent
. ((Atque in uentos uita recessit. Virgile. Enéide. IV. 705.))

Didon a flambé
comme une allumette
qu’on craque dans le noir,
comme un papillon
qui tutoie la lampe.

Entends, ô mon coeur,
le cri du héron.

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