A Ventenac. Eglises et chapelles en 1668. Visite de la chapelle du Bousquet

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Ci-dessus : vue du clocher de l’église Saint Martin de Ventenac depuis la D713.

« Ce fut le 22 février 1318 que Jean XXII remania la circonscription de Pamiers. Le diocèse fut agrandi à l’est des villages de Ventenac, Roquefort, Montferrier, Villeneuve d’Olmes ; Pereille, Pradettes, Limbrassac, Senesse, Saint Pastou ; des prieurés d’Unzent, Saint Andreu et Sainte-Croix de Ventenac, Saint Christaud, Lieurac ; des églises de Dun, et de Vira, et de tous leurs territoires. Le pape attribua à la mense épiscopale les rentes de Lieurac, Unzent, Saint-Andreu, Saint-Christaud, Sainte Croix de Ventenac ((« Le pape statua que le vicaire de cette église se contenterait de la pension qu’il recevait jadis et abandonnerait à l’évêque de Pamiers le supplément de 50 livres, qui lui avait été récemment attribué. »)), Dun et Vira. Il réserva néanmoins à leurs anciens maîtres les droits de patronat sur ces églises, et à l’archevêque de Toulouse la suzeraineté sur les localités jadis soumises aux évêques ses prédécesseurs. » ((Jean-Marie Vidal. Les origines de la province ecclésiastique de Toulouse (1295-1318). In Annales du Midi : revue archéologique, historique et philologique de la France méridionale. Année 1904. Volume 16. Numéro 61. Pages 5-30.))

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Ci-dessus : à Ventenac, emplacement des églises Saint Martin et Saint Jean du Bousquet, ainsi que des prieurés de Sainte Croix et de Saint Christaud, sur la carte de Cassini. Dit « ruiné » dans le compoix du XVIIe siècle, le prieuré de Saint Andreu ne figure pas sur ladite carte.

Comme indiqué ci-dessus dans les Annales du Midi, la communauté de Ventenac se trouvait dotée jadis de deux églises, Saint Martin et Saint Jean du Bousquet, ainsi que des chapelles de trois prieurés : Saint Andreu, Sainte Croix, et Saint Christaud. Une visite pastorale du 6 juin 1668 ((Archives dép. de l’Ariège. Document G58 (1627-1679). Vues 170-171.)) indique qu’il ne reste plus alors à Ventenac que trois sanctuaires tenus pour actifs : Saint Martin, Saint Jean du Bousquet et Sainte-Croix. Ceux-ci dépendent tous trois du doyenné de Pamiers et du secteur paroissial de Verniolle. La lecture du premier registre paroissial existant, daté de 1738 à 1789, montre que le service de la chapelle de Sainte Croix a été abandonné avant 1738.

1. L’église Saint Martin

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Ci-dessus, de gauche à droite : ancien presbytère, nef, porche et sacristie de l’église Saint Martin de Ventenac.

L’église Saint Martin de Ventenac fait l’objet d’une visite pastorale le 6 juin 1668. Le compte-rendu de cette visite ne fournit aucun renseignement sur l’édifice ni sur l’aménagement de ce dernier. Il témoigne seulement du grave mécontentement de Monseigneur de Caulet, l’évêque du temps. Un an après l’ordonnance émise en 1667 par ce prélat, un « vicaire perpétuel » n’a toujours pas été nommé à Ventenac, en raison de l’inertie, ou de l’incurie, ou encore de la mauvaise volonté du Chapitre.

Sachant qu’on donne le titre de « vicaire perpétuel » aux curés « qui ont au-dessus d’eux quelqu’un qui a le titre et les droits de curé primitif, mais qui ne dessert pas lui-même sa cure » ((Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers.)), on comprend d’où vient le mécontentement de Monseigneur de Caulet : Ventenac ne bénéficie pas d’un curé qui desserve lui-même sa cure ; faute de vicaire perpétuel, la paroisse ne se trouve plus desservie ! Comme on ne trouve pas de registre paroissial à Ventenac avant 1734, on se demandera donc si, malgré l’ordonnance formulée par Monseigneur de Caulet en 1668, l’église Saint Martin et la chapelle du Bousquet ont été effectivement desservies entre 1668 et 1734.

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François Etienne de Caulet, évêque de Pamiers, ordonne en 1668 ce qui suit. Attention, le style de Son Excellence n’est pas lapidaire.

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Ci-dessus : portail de l’église Saint Martin, surmonté du blason de la maison de Lévis Mirepoix, « à trois chevrons de sable ».

« Premièrement, ayant trouvé notre dernière ordonnance inexécutée en plusieurs chefs, nous avons ordonné qu’on travaillera incessamment à son entière exécution, la renouvelant de plus fort à cet effet.

De plus, sur ce qui nous a été représenté par le substitut de notre Promoteur que, nonobstant notre ordonnance de visite en la présente église le 3 mai 1667 ((Le compte-rendu de cette visite ne figure pas dans le registre correspondant.)), par laquelle nous y érigions une vicairie perpétuelle et ordonnions à notre Chapitre cathédral qui est fruit prenant en icelle, de nous présenter dans six mois une personne capable de se charger du soin de la présente paroisse en qualité de vicaire perpétuel, le dit Chapitre néanmoins n’a daigné obéir à ladite ordonnance, ne nous ayant présenté aucune personne pour recevoir le titre de la présente paroisse requérant qu’il nous plût y pourvoir à leur défaut, si dans trois jours ledit Chapitre ne y a satisfait, attendu que ledit délai de six mois que nous lui donnions pour cela est déjà passé, nous enjoignons ledit substitut de Promoteur, et vu le procès verbal de notre visite de ladite église le 5 mai 1667 et notre ordonnance en conséquence d’icelui, avons ordonné et ordonnons que, conformément à ladite ordonnance, la présente paroisse sera désormais servie par un vicaire perpétuel, auquel nous assignons outre le casuel la somme de quatre cents livres, quitte de toutes charges et ordinaires et extraordinaires, payable par notre Chapitre cathédral.

Moyennant quoi, le vicaire perpétuel sera tenu de faire l’entier service de la paroisse, savoir les deux églises de Saint Martin et du Bousquet, et tenir à cet effet un vicaire amovible qu’il sera tenu de salarier sans que notre Chapitre y contribue en rien au-delà de la somme de 400 livres.

Et parce que notre Chapitre a négligé de nous présenter une personne capable de se charger de la présente paroisse en titre, nous avons ordonné et ordonnons que la présente ordonnance leur sera signifiée à la diligence du Promoteur afin qu’ils aient à nous nommer dans trois jours une personne digne de cette charge, après lequel délai de trois jours, s’ils n’ont obéi, il y sera par nous pourvu ainsi que de raison.

De plus, nous déclarons que nous n’entendons pas comprendre dans ladite paroisse l’église de Sainte Croix, dite de Ventenac, ayant déjà pourvu au service d’icelle par notre ordonnance du 13 mai 1664.

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Ci-dessus : vue de la façade nord de l’église Saint Martin et de l’ancienne « maison presbytérale », construite après 1668.

Comme aussi nous ordonnons que le peuple à ses dépens bâtira une maison presbytérale avec un sol et jardin afin que le vicaire perpétuel y puisse loger ainsi qu’ils y ont été condamnés par un arrêt contradictoire et conformément à la pratique générale du diocèse.

Finalement que le vicaire perpétuel que nous mettrons en la présente paroisse veille à répondre de nos ordonnances synodales, surtout pour ce qui regarde les danses, travaux de fêtes, et nous autoriserons des contraventions, pour y être pourvu ainsi que de raison. » ((Archives dép. de l’Ariège. Administration spirituelle (1627-1679). 6 juin 1668. Document G58. Vues 170-171, et 776-777 également.))

On sait par le registre paroissial que, de 1752 à 1758, l’Abbé Gautier, vieux et malade, a dû être remplacé par l’Abbé Boulanger, vicaire. Mais de 1734 à 1789, à l’exception de ce seul remplacement, le même Abbé Gautier, puis l’Abbé Compans, puis l’Abbé Calvet ont desservi eux-mêmes leur cure ((Cf. Christine Belcikowski. Ventenac au XVIIIe siècle, une paroisse « trop éloignée ».)). Vu l’étendue de la paroisse qu’ils avaient à sillonner, ces trois prêtres eussent probablement apprécié l’assistance permanente d’un vicaire ordinaire ; mais point, on s’en doute, d’en assumer la rémunération eux-mêmes. La charge que représente la rémunération d’un vicaire, perpétuel, mobile, ou même ordinaire, a donc rendu la nomination d’un vicaire difficile à Ventenac jusqu’à la fin du XVIIIe siècle.

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Finalement, dit Monseigneur de Caulet, [nous ordonnons] que le vicaire perpétuel que nous mettrons en la présente paroisse veille à répondre de nos ordonnances synodales, surtout pour ce qui regarde les danses, travaux de fêtes, et nous autoriserons des contraventions, pour y être pourvu ainsi que de raison. » ((Archives dép. de l’Ariège. Administration spirituelle (1627-1679). 6 juin 1668. Document G58. Vues 170-171, et 776-777 également.))

Si Monseigneur de Caulet enjoint au futur vicaire perpétuel de « veiller à répondre de nos ordonnances synodales, surtout pour ce qui regarde les danses et travaux de fêtes », et s’il autorise à cet effet des « contraventions », c’est qu’il accuse ces danses et travaux de profaner le dimanche et de manquer à la morale chrétienne.

A la demande de Monseigneur de Caulet, le marquis de Mirepoix, sénéchal de Limoux, a déjà interdit par une ordonnance du 21 février 1661 « les travaux serviles des dimanches, les danses lubriques et scandaleuses, prostitution publique de la pudicité de la jeunesse, les cabarets et jeux de hasard ». La danse, observe plus spécialement Monseigneur de Caulet, donne lieu à des scènes « fort licencieuses et lascives, à des postures indécentes, à des attouchements contraires à la bienséance chrétienne. Les baisers lascifs y sont très fréquens et les gestes insolens, les garçons y élèvent les filles par-dessus leurs têtes, et par un certain tour font étendre leurs jupes qui leur laissent voir par ce moyen, et aux passans, ce que la pudeur oblige le plus à cacher ». ((Cf. G. Doublet. Un diocèse pyrénéen sous Louis XIV. Pages 361-381. In Revue des Pyrénées et de la France méridionale. Tome VII. 1895. Première livraison. Editions Edouard Privat. Toulouse. 1895.))

On doutera cependant que l’ordonnance de Monseigneur de Caulet contre les travaux et les danses du dimanche ait eu en son temps grand effet. A Ventenac comme partout en Ariège et ailleurs, les passions populaires sont têtues.

[NB : Point de photos ci-dessus de l’intérieur de l’église Saint Martin, car celle-ci était fermée lorsque je m’y suis rendue. Les photos viendront une autre fois, quand je la trouverai l’église ouverte.]

2. La chapelle Saint Jean du Bousquet

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Ci-dessus : dans une légère brume d’automne, vue du hameau du Bousquet, venant de Saint-Martin, depuis la D13. Cliquez deux fois sur les images pour les agrandir.

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Quelques maisons, au Bousquet, sont encore habitées. Mais le hameau est en grande partie ruiné.

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La chapelle du Bousquet se situe en contrebas du hameau. On y accède par un petit chemin bordé de beaux arbres, dédié à ce seul accès.

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Ci-dessus : vue de la façade ouest de la chapelle du Bousquet à 15 h 37.

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Ci-dessus : Base Mérimée. Ventenac. Chapelle du Bousquet.

La chapelle du Bousquet n’est pas orientée, mais édifiée dans un axe sud-nord, sans doute pour des raisons climatériques, de telle sorte que sa seule et unique fenêtre, ouverte sur la façade ouest à l’aplomb de l’autel, se trouve éclairée par le soleil de l’après-midi.

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Divine surprise, en ce dimanche après-midi 19 octobre, la chapelle est ouverte !

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Ci-dessus : diverses vues de la cuve baptismale.

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Ci-dessus : diverses vues du bénitier.

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Ci-dessus : Base Mérimée. Ventenac. Chapelle du Bousquet.

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Ci-dessus : derrière l’autel, le Christ en croix.

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Ci-dessus : à droite de l’autel sur l’image, mais celle-ci doit se lire du point de vue des personnages représentés, donc de gauche à droite, Saint Jean Baptiste, patron de la chapelle du Bousquet. Il porte la mélote ((Mélote : peau de chameau ou de mouton, dont les bergers et les prophètes se faisaient manteau ou se ceignaient les reins.)) et s’appuie sur un bâton de roseau, surmonté d’une croix, qui fait référence à cette parole de Jésus : « Il se mit à dire aux foules, au sujet de Jean : « Qu’êtes-vous allés voir au désert ? Un roseau agité par le vent ? Qu’êtes-vous allés voir ? Un homme vêtu d’habits somptueux ? Mais ceux qui sont en habillement magnifique et dans les délices se trouvent dans les palais des rois. Enfin, qu’êtes-vous allés voir ? Un prophète ? Oui, vous dis-je, et plus qu’un prophète. C’est celui dont il est écrit : Voici que j’envoie mon messager en avant de vous, pour vous préparer la voie devant vous. » ((Evangile de Luc.I. 24-27.))

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Ci-dessus : compagnon de Saint Jean, un agneau, symbole du futur sacrifice du Christ.

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Ci-dessus : à droite de Saint Jean Baptiste sur l’image, reste de fresque dont le sujet demeure illisible. Le jour qui vient de la petite fenêtre de l’ouest est celui de 15 h 41.

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Ci-dessus : à droite du Christ sur l’image, reste de fresque aujourd’hui illisible. On attendrait ici quelque image de la Résurrection.

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La fresque peut sembler naïve, mais on voit sur l’image ci-dessus qu’elle se déploie dans un cadre plastiquement architecturé, qui imite de façon élégante le dispositif colonnaire des bâtiments antiques.

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Ci-dessus : vestige de l’ancienne chaire.

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Ci-dessus : vue de la façade ouest de la chapelle à 15 h 50.

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Dernier regard sur le petit chemin qui descend vers la chapelle du Bousquet.

A lire aussi : La dormeuse blogue 3 : A propos de Jean Coudol, chanoine du chapitre de Pamiers, prieur d’Arvigna, au temps de Monseigneur de Caulet

2 réponses sur “A Ventenac. Eglises et chapelles en 1668. Visite de la chapelle du Bousquet”

  1. Je ne crois pas que l’on puisse dire que le service de l’église Sainte-Croix -de-Ventenac ait cessé avant 1738, sous prétexte que cette église n’apparaît pas dans le registre de Ventenac, de 1738 à 1789.
    Cette église, dont je cherche justement à élucider la cessation d’utilisation, est toujours en activité à la Révolution. Une large prolongation a perduré après la tourmente. Elle était, au 13ème siècle, comme Ventenac, dont elle fut annexe théorique, une possession de Saint-Sernin-de-Toulouse, mais fonctionnait avec un vicaire perpétuel propre.
    Mon but est de dénicher la date de naissance de sa remplaçante, qui est l’église du Merviel…
    Quant à « Saint -Andreu », je suppose qu’il doit s’agir de Saint- Andriu, qui correspond à la prononciation occitane d’André. Je ne connaissais pas d’église de ce nom sur Ventenac ! Ne serait-ce pas une confusion avec Sant-Andriu d’Arvigna ?

    1. Je manque d’autres sources pour répondre à vos question. C’est vous le spécialiste, cher Jacques.

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