A propos de Léon François Vire-Lapeyre, époux de Marie Yvonne Kamoal, dite Marie Murjas

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J’évoquais dernièrement dans l’article intitulé En 1903, quand une conférence de Marie Murjas s’annonce à Mirepoix la vie brève de la conférencière anarchiste dite Marie Murjas, puis Marie Lapeyre, née Marie Yvonne Kamoal. J’ai sollicité et obtenu de la mairie des Sables d’Olonne une reproduction de l’acte de décès de Marie Yvonne Kamoal, épouse Vire-Lapeyre. Outre qu’il permet de préciser la date du décès en question, 15 décembre 1906, cet acte indique que les parents de la défunte sont morts tous deux à la date considérée, et que M. Vire-Lapeyre, époux de la défunte, se prénommait Léon François.

A défaut d’avoir trouvé la date et le lieu du décès des parents de Marie Yvonne Kamoal — ce décès n’est survenu ni à Ploubezre ni à Plouaret —, j’ai recueilli quelques renseignements sur Léon François Vire-Lapeyre, époux de la jeune femme.

Surprise ! Léon François Vire-Lapeyre est en 1904, date de son mariage avec Marie Yvonne Kamoal, un ancien militaire, nanti d’un poste de receveur buraliste !

Bertrand Vire-Lapeyre, cultivateur natif de Castelbajac dans les Hautes-Pyrénées, est sous le Second Empire titulaire de la médaille de Saint-Hélène, attribuée par Napoléon III aux soldats encore vivants en 1857, qui ont combattu aux côtés de Napoléon 1er pendant les guerres de l’Empire, de 1792 à 1815.

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Journal officiel de la République française. Lois et décrets. 28 décembre 1894.

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Journal officiel de la République française. Lois et décrets. 28 décembre 1894.

Le 26 décembre 1894, Léon François Vire-Lapeyre, sergent au 143e régiment d’infanterie, descendant de Bernard Vire-Lapeyre, reçoit la médaille militaire.

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Journal officiel de la République française. Lois et décrets. 8 mars 1899.

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Journal officiel de la République française. Lois et décrets. 8 mars 1899.

Le 8 mars 1899, Léon François Vire-Lapeyre, ex-adjudant au 144e (sic) régiment d’Infanterie, demeurant 244, cours Saint Jean, à Bordeaux, est nommé receveur buraliste de 1e classe.

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Journal officiel de la République française. Lois et décrets. 9 avril 1899.

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Journal officiel de la République française. Lois et décrets. 9 avril 1899.

Le 9 avril 1899, Léon François Vire-Lapeyre est nommé à la recette buraliste de Collinée, dans les Côtes du Nord (aujourd’hui Côtes d’Armor).

Le 2 décembre 1902, Léon François Vire-Lapeyre exerce désormais sa fonction de receveur buraliste à Saint-Laurent-le-Minier, dans le Gard. Il vit et travaille dans une maison dite Mas de Tourelles, louée à Mme Bonnaud, et cette dame l’accuse d’avoir détruit des nids d’hirondelle situés sous la génoise de ladite maison.

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Le Temps. 2 décembre 1902. Paris.

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Ministère de l’intérieur. Revue générale d’administration. Berger-Levrault & Cie, Editeur. Paris. Juin 1903.

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Bulletin des arrêts de la Cour de cassation rendus en matière criminelle. Imprimerie impériale. Janvier 1904.

L’affaire se trouve portée en première instance devant le tribunal du Vigan, puis en appel devant le tribunal de Nîmes. Le 20 novembre 1902, celui-ci relaxe Léon François Vire-Lapeyre. Le procès va en cassation, et le 22 janvier 1904, la Cour rejette le pourvoi de dame veuve Bonnaud. L’arrêt fera jurisprudence, comme indiqué dans le Dalloz.

Après avoir réglé cette affaire d’hirondelles, Léon François Vire-Lapeyre épouse Marie Yvonne Kamoal, dite Marie Murjas jusqu’ici dans le milieu anarcho-libertaire. On sait qu’à l’occasion des conférences qu’elle a données à Châteaurenard, Cavaillon, Apt en 1901, puis à Nîmes et Alès en 1903, ladite Marie Murjas a résidé d’abord au numéro 56, avenue Gambetta, à Nîmes, puis partagé au numéro 10, rue de la Madeleine dans la même ville, le domicile d’Adrien Jacques Murjas, cordonnier dont elle est devenue la compagne. C’est probablement en 1903 que Marie Murjas se détache d’Adrien Jacques Murjas pour se rapprocher de Léon François Vire, désigné, entre autres, à son attention par l’issue du procès des hirondelles, qui a fait quelque bruit dans le département.

Quittant le pseudonyme Marie Murjas qu’elle portait encore à Mirepoix en novembre 1903, puis à Nancy en décembre 1903, « Marie Lapeyre » publie l’annonce de son mariage dans la Lanterne du 30 mars 1904, et, comme indiqué dans l’Aurore du 30 juillet 1904, c’est sous le nom de « citoyenne Vire-Lapeyre » qu’elle se trouve nommée au conseil central de la Fédération française de la Libre Pensée. On suppose qu’elle jouit là pour le moins de l’assentiment de son époux, ou encore que celui-ci sympathise avec la cause défendue par son épouse.

L’histoire de la famille Vire-Lapeyre éclaire peut-être d’un certain jour le parcours de l’homme Léon François Vire-Lapeyre.

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28 novembre 1817. Naissance de Vire Jean Lapeyre. Archives dép. des Hautes-Pyrénées. Castelbajac. Table décennale 1813-1822. Document 2 E 4/97. Vue 7. N.B. : Le registre d’état-civil correspondant n’est à ce jour pas numérisé.

Né le 28 novembre 1817 à Castelbajac dans les Hautes-Pyrénées, Jean Vire Lapeyre, père de Léon François Vire-Lapeyre, est musicien de 2e classe au 43e de Ligne.

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9 avril 1853. Mariage de Jean Vire-Lapeyre et de Rosalie Antoine. Etat-civil reconstitué de Paris. Cote V3E/M 1011. Vue 11.

Le 9 avril 1853, à Paris, il épouse Rosalie Antoine, née le 29 septembre 1831 à Vitrimont dans la Meurthe.

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28 décembre 1854. Naissance de Jules Pierre Vire-Lapayre. Archives dép. du Var. Toulon. Naissances (1854 1854). Document 7E146_218. Vue 47.

Jules Pierre Vire-Lapeyre naît le 28 décembre 1854 à Toulon. Le couple loge alors à la caserne du Grand Couvent.

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11 janvier 1862. Naissance de Léon François Vire-Lapeyre. Anciennes archives du Nord. Lille. Naissances. Document 5 Mi 044 R 172. Vue 34.

Léon François Vire-Lapeyre naît le 11 janvier 1862 à Lille. Le domicile de ses parents est cette fois à la Citadelle.

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Le 19 décembre 1865, à l’âge de quarante-huit ans, Jean Vire Lapeyre quitte sa fonction au 43e de Ligne. Titulaire d’une pension de retraite, il regagne alors sa région natale et s’installe à Tarbes. Il meurt à l’hospice de Tarbes le 27 avril 1878.

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Journal officiel. 1879.

A compter du 28 avril 1878, Rosalie Antoine, veuve de Jean Vire-Lapeyre, jouit d’une pension civile de 350 fr. Elle quitte Tarbes pour Monréjeau.

Jules Pierre Vire-Lapeyre devient à son tour musicien, dans le civil. Léon François Vire-Lapeyre devient à son tour militaire. Vu que le 28 décembre 1894, date à laquelle, âgé alors de trente-deux ans, il quitte l’armée et reçoit la médaille militaire, il a « treize ans de services et six campagnes » à son actif ((Cf. Supra. Journal officiel de la République française. Lois et décrets. 28 décembre 1894.)), il s’est engagé en 1881, à l’âge de dix-neuf ans.

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23 septembre 1882. Mariage de Jules Pierre Vire Lapeyre, musicien, et de Marie Amanda Boinard, couturière. Archives dép. de la Charente-Maritime. Saint-Thomas de Conac (1873-1882). Document 2 E 424/ 12*. Vue 156.

Le 23 septembre 1882, Jules Pierre Vire-Lapeyre, frère de Léon François Vire-Lapeyre, épouse Marie Amanda Boinard à Saint-Thomas de Conac, village natal de la jeune femme, en Charente-Maritime.

Le 8 mars 1899, alors qu’il demeure à Bordeaux, soit à 80 km de Saint-Thomas de Conac où réside son frère, Léon François Lapeyre est nommé receveur buraliste de 1e classe. Le 9 avril de la même année, âgé alors de trente-sept ans, il se trouve chargé de la recette buraliste de Collinée, dans les Côtes du Nord. Deux ans plus tard, il exerce sa fonction de receveur buraliste à Saint-Laurent-le-Minier, près de Nîmes.

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11 janvier 1862. Naissance de Léon François Vire-Lapeyre. Anciennes archives du Nord. Lille. Naissances. Document 5 Mi 044 R 172. Vue 34.

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Le 20 février 1904, comme indiqué par une mention marginale sur son acte de naissance lillois, Léon François Vire-Lapeyre épouse Marie Yvonne Kamoal à Paris dans le Ve, arrondissement dans lequel la jeune femme a, dit-elle dans la Lanterne du 30 mars 1904, « sa nouvelle adresse : 61, rue Monge ». Lui, Léon François Vire-Lapeyre, a quarante-deux ans. Elle, Marie Yvonne Kamoal, a vingt-huit ans ; il lui reste deux ans à vivre. L’ex-militaire devenu receveur buraliste et l’ex-religieuse devenue sous le pseudonyme de Marie Murjas conférencière libre-penseuse ont-ils été heureux ensemble ? C’est là un secret qui leur appartient.

Après leur mariage, Léon François Vire-Lapeyre et Marie Yvonne Kamoal s’installent aux Sables d’Olonne, rue des Merciers, où Lui a son nouveau poste de receveur buraliste. On ne sache pas qu’Elle ait pousuivi alors ses activités de conférencière libre-penseuse. Marie Yvonne Kamoal, ou Marie Vire-Lapeyre, de « son nom véritable » comme elle se plaisait à dire, meurt aux Sables d’Olonne le 15 décembre 1906. Née le le 8 novembre 1876, elle avait tout juste trente ans.

Quatorze ans plus tard, le 23 novembre 1820, Léon François Vire-Lapeyre épouse Juliette Gatineau à Paris, XIVe.

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Réformé de façon définitive le 21 janvier 1924, Charles Vire-Lapeyre, né le 3 septembre 1895 à Bordeaux, fils de feu Jules Pierre Vire-Lapeyre et de Marie Amanda Boinard, enfant de troupe, engagé volontaire pour cinq ans le 15 septembre 1913 à la mairie de Montauban, caporal le 18 mars 1914, sergent le 1er novembre, blessé une première fois le 26 août 1914, une seconde fois le 16 mars 1917, se trouve proposé le 21 août 1917 pour une pension de retraite de 5e classe, au motif suivant : « perte de vision de son oeil gauche » et « défiguration ». Il est âgé alors de vingt-deux ans. Le 27 avril 1918, il est admis à faire valoir ses droits à la retraite. Le 30 juin 1921, la Commission spéciale de Bordeaux lui accorde une pension permanente de 75 %. Il obtiendra par la suite une pension définitive de 100 %.

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Source : Archives départementales du Tarn-et-Garonne. Cote : 1919 / 89 r 229//.