A propos de Jean Fargou, ou Faragou, dit Madière, charpentier à Mirepoix

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Source : Archives départementales de l’Ariège. Mirepoix. Document 1NUM5/5MI664 (1691-1789). Vue 388. 17 février 1767. Acte de mariage de Jean Fargou et de Françoise Amouroux.

Comme je m’intéressais à Jean Faragou, ou Fargou, dit Madière, charpentier, marié le 17 février 1767 à Mirepoix avec Francoise Amouroux, sachant par son acte de mariage qu’il était natif de Madière, et par son acte de décès qu’il était mort à Mirepoix le 8 mai 1793 à l’âge de cinquante-cinq ans, j’ai recherché à Madière son acte de baptême. Hélas, je ne l’ai pas trouvé, car les registres paroissiaux de Madière ne commencent qu’en 1744. Mais, sachant par son acte de mariage que Jean Fargou était fils de François Fargou (la graphie Faragou a été rayée) et de défunte Françoise Canal, mariés du lieu de Madière, j’ai voulu me faire une idée de la famille Faragou, ou Fargou. Le curé de Madière, puis l’officier municipal hésitent constamment dans leurs registres entre les deux orthographes.

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A Madière, j’ai trouvé de nombreux Faragou ou Fargou contemporains, dont le lien, quoique très probable, avec le Jean Faragou et le François Faragou qui m’intéressent, reste, faute d’actes faisant foi, difficile à établir, mais dont les enfants ont retenu mon attention, car les déclarations de naissance ont été « omises » jusqu’en l’an IX pour un certain nombre d’entre eux, et compensées sans doute par des enregistrements dans un registre paroissial clandestin ((On observe à Montaut, durant la même période, un phénomène semblable. Cf. Christine Belcikowski. Le calice, la patène et l’ostensoir de Maître Marre.)). Le phénomène touche à la Bacario, hameau de Madière, un noyau de familles réfractaires à la politique de déchristanisation mise en oeuvre par la Convention et poursuivie jusqu’à l’Empire. Les rectifications de ces « omissions » se font en l’an IX, X et XI, presque toujours dans la perspective ou dans la foulée d’une nouvelle naissance, déclarée, celle-ci, en temps et en heure. Etienne Léotard et Jean Faragou sont les premiers à sauter le pas.

Le 2 floréal an IX (22 avril 1801), Jean Faragou, cultivateur au hameau de la Bacario, déclare que Marie Combes, son épouse, est accouchée dans la nuit de Pierre Blandinières. ((Archives dép. de l’Ariège. Madière. Naissances. Document 1NUM/5MI642 (1793-An XII). Vue 65.))

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Le 12 floréal an IX (2 mai 1801), accompagné du même Jean Faragou, Etienne Léotard, tisserand au hameau de la Bacario, « ayant manqué de le faire enregistrer sur les registres de ce temps », se déclare père de Pierre Léotard, né de Jeanne Marie Faure, son épouse, le 25 fructidor an V (11 septembre 1797). ((Archives dép. de l’Ariège. Madière. Naissances. Document 1NUM/5MI642 (1793-An XII). Vue 65.))

Le même 12 floréal an IX (22 avril 1801), le même Jean Faragou, « ayant manqué de le faire enregistrer à l’époque de la naissance », se déclare père de François Faragou, né de le 3 thermidor an VI (21 juillet 1798) de Marie Combes, son épouse. ((Archives dép. de l’Ariège. Madière. Naissances. Document 1NUM/5MI642 (1793-An XII). Vue 65-67.))

Le 1er vendémiaire an X (23 septembre 1801), Pierre Miegeville, cultivateur au hameau de la Bacario, « ayant omis de le faire enregistrer à l’époque de la naissance », se déclare père d’Anne Miegeville, née le 12 prairial an VI (31 mai 1798) de Jeanne Marie Faure, son épouse. ((Archives dép. de l’Ariège. Madière. Naissances. Document 1NUM/5MI642 (1793-An XII). Vue 68.))

Le même 1er vendémiaire an X (23 septembre 1801), le même Etienne Léotard, « ayant omis de le faire enregistrer à l’époque de la naissance », se déclare bis repetita père de Pierre Léotard, né le 21 fructidor an V (7 septembre 1797) de Jeanne Marie Faure, son épouse. ((Archives dép. de l’Ariège. Madière. Naissances. Document 1NUM/5MI642 (1793-An XII). Vue 69.))

Le 13 vendémiaire an X (5 octobre 1801), le même Etienne Léotard déclare que Jeanne Marie Faure, son épouse, est accouchée de Jeanne Léotard, le jour d’hier. ((Archives dép. de l’Ariège. Madière. Naissances. Document 1NUM/5MI642 (1793-An XII). Vue 69.))

Le 30 pluviôse an X (19 février 1802), « ayant omis de le faire enregistrer à l’époque de la naissance », Bernard Blandinières, cultivateur au hameau de la Bacario se déclare père de Catherine Blandinières, née le 10 germinal an VI (30 mars 1798) de Rose Loze, son épouse. ((Archives dép. de l’Ariège. Madière. Naissances. Document 1NUM/5MI642 (1793-An XII). Vue 71.))

Le même 30 pluviôse an X (19 février 1802), le même Bernard Blandinières, « ayant omis de le faire enregistrer à l’époque de la naissance », se déclare père de Jean Blandinières, né le 3 germinal an IX (24 mars 1801) de Rose Loze, son épouse. ((Archives dép. de l’Ariège. Madière. Naissances. Document 1NUM/5MI642 (1793-An XII). Vue 71.))

Le 1er vendémiaire an XI (23 septembre 1802), « ayant omis de le faire enregistrer à l’époque de la naissance », Guillaume Blandinières, cultivateur au hameau du Coq, se déclare père d’Anne Blandinières, née le 10 germinal an IV (30 mars 1796) de Marguerite Loze, son épouse. ((Archives dép. de l’Ariège. Madière. Naissances. Document 1NUM/5MI642 (1793-An XII). Vue 77.))

Ce même 1er vendémiaire an XI (23 septembre 1802), Guillaume Blandinières déclare que Marguerite Loze, son épouse, est accouchée ce jour de Jean Blandinières. ((Archives dép. de l’Ariège. Madière. Naissances. Document 1NUM/5MI642 (1793-An XII). Vue 78.))

A Mirepoix, le 17 février 1767, Jean Fargou/Faragou, charpentier, épouse en la personne de Françoise Amouroux, une fille de Pierre Amouroux (1690-1759), tisserand ; une soeur de François II Amouroux (ca. 1720-1789), qui épouse le le 20 février 1754 Marie Virelizier, et de Maurice Amouroux, tisserands ; une petite-fille de Francois I Amouroux (1649-1721), maître tisserand, dit Credo ; une arrière-petite-fille de Jean Amouroux, tisserand… Le surnom de Credo se transporte chez les hommes de la famille Amouroux jusqu’à la Révolution, sans qu’on sache exactement ce qu’il signifie, même si, comme le patronyme Crestia, ou Chrestia ((Lo Congrès. Dictionnaire permanent de la langue occitane : « Crestian, crestia, crestioCrestian, en vieux gascon, signfiait lépreux, et chrestiaas (fr. crétins), est le nom par lequel en Béarn on a désigné les Cagots des Pyrénées jusqu’à la fin du XVe siècle. » Interdits d’autres travaux, les Cagots se sont longtemps voués à la charpente et à la menuiserie.)), on le rencontre souvent chez les descendants des anciens Cagots. On relève dans les registres de la cathédrale Saint Maurice, daté du 26 février 1649, l’acte de décès d’une certaine Credo, âgée de 90 ans. S’agit-il là de l’épouse de Jean Amouroux, autrement dit de l’arrière-grand-mère de Françoise Amouroux ?

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Source : Archives départementales de l’Ariège. Mirepoix. Document 1NUM6/5MI662 (1597-1658). Vue 311.

Le 20 février 1754, François II Amouroux épouse Marie Manent. Le couple demeure au nº 61 du moulon 3, dans une maison située au débouché d’un petit passage qui donne sur la promenade du Jeu du Mail. De son mariage avec Marie Manent, François II Amouroux a trois enfants, dont Paul Antoine Amouroux, tisserand à son tour, qui épouse le 7 juin 1791 Jeanne Rigail. Le couple occupe l’ancienne maison de François II Amouroux, soit le nº 188 de la section C « nouveau style ». La famille de Louis Sibra, dit Jean Dabail, habite un réduit dans le petit passage qui conduit à la maison Amouroux. Paul Antoine Amouroux prend pour apprenti le jeune Guillaume Sibra, dit Jean Dabail, mais celui-ci préfère à cet apprentissage les activités déviantes que l’on sait ((Cf. Christine Belcikowski. Les chemins de Jean Dabail ou la dissidence d’un fils du petit peuple de Mirepoix au temps de la Révolution française. Editions L’Harmattan. 2014.)).

Le 14 germinal an VIII (vendredi 4 avril 1800), Jeanne Rigail, épouse de Paul Antoine Amouroux, et Marie Sibra, soeur de Guillaume Sibra, se trouvent surprises par la police dans l’église des Trinitaires, où elles se sont rendues, ainsi que d’autres fidèles, pour assister à une messe clandestine ((Cf. Ibidem.)). Cet épisode donne à penser que la famille Amouroux, comme nombre d’autres familles de tisserands du XVIIIe siècle, perpétuait une tradition de catholicité fervente, signifiée peut-être, depuis le début du XVIIe siècle, sous l’auspice du surnom Credo.

Natif de La Bacario, hameau de Madière marqué par un fort attachement à cette même tradition, Jean Fargou/Faragon peut avoir trouvé en la personne de Françoise Amouroux, son épouse, une compagne dont le milieu et les valeurs correspondaient aux siennes propres.

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Source : Archives départementales de l’Ariège. Mirepoix. Décès. Document 1NUM1/5MI667 (1793-An X). Vue 21.

Jean Fargou/Faragou ne connaîtra pas longtemps toutefois les heures sombres de la répression anti-religieuse mise en oeuvre par le gouvernement révolutionnaire, car il meurt le 8 mai 1793, à son domicile de la rue del Rumat (aujourd’hui rue des Pénitents blancs).

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Source : Archives départementales de l’Ariège. Mirepoix. Document 312EDT/CC3. Plans (1766). Cliquez sur l’image pour l’agrandir.

Jean Fargou/Faragou avait son atelier non loin de la maison Amouroux, chez Jean Pierre Aupin, au n° 193 de la section C, ou au n°11 du moulon ancien style. Anne Fargou/Faragou, sa soeur, qui l’a suivi à Mirepoix et qui est restée célibataire, meurt à son tour le 12 mai 1793, dans sa maison de la rue des Paraires ((Archives départementales de l’Ariège. Mirepoix.Document 1NUM1/5MI667 (1793-An X). Vue 21.)). Françoise Amouroux, veuve de Jean Fargou/Faragou, dite « Veuve Madière », disparaît ensuite des registres de Mirepoix, ainsi que de ceux de Revel (Haute-Garonne), dont elle est native. Je n’ai pas retrouvé ultérieurement sa trace.