A Mirepoix – Moulon de… la porte d’Aval, rue Courlanel, le Grand Couvert, place Saint Maurice et grande place – n°1 à 24

 

Le moulon « de partie du faubourg d’Amont, le Grand faux bourg Saint Jammes, rue de La Trinité, partie de celle des Houstalets, rue de la porte d’Aval, rue Courlanel, le Grand Couvert, place Saint Maurice et grande place » comprend, d’après le plan 3 du compoix de 1766, 230 parcelles. Après une rapide présentation générale, j’entreprends de le décrire quartier par quartier, autrement dit pas à pas, en partant de la parcelle n°1 pour aller jusqu’à la parcelle n°230. Je m’intéresserai ici aux parcelles n°1 à 24, soit au pâté de maisons anciennement situé entre la rue de la place neuve (aujourd’hui rue des Pénitents Blancs, la promenade de la porte d’Amont (aujourd’hui cours Louis Pons-Tande), la promenade Saint Antoine (aujourd’hui cours du Colonel Petitpied), la rue Servant (aujourd’hui rue Vigarozy), la rue de la Trinité (aujourd’hui rue Vidal-Lablache), la rue du grand faubourg Saint Jammes (aujourd’hui avenue Victor Hugo).

 

Ci-dessus : vue de la percée qui a permis la jonction de la promenade Saint Antoine (aujourd’hui cours du Colonel Petitpied) et de la rue du grand faubourg Saint Jammes (aujourd’hui avenue Victor Hugo).

Ce pâté de maisons n’existe plus aujourd’hui en l’état qu’on lui voit sur le plan de 1766. Il se trouve coupé en deux par le prolongement de la promenade Saint Antoine (aujourd’hui cours du colonel Petitpied), qui a permis la jonction de cette dernière avec la rue du grand faubourg Saint Jammes (aujourd’hui avenue Victor Hugo). L’ouverture de ce prolongement a nécessité l’expropriation de la parcelle n°13, et la destruction de la maison correspondante, laquelle, en 1766, appartenait à Guillaume Letu (n°13), notaire royal et tabellion du marquisat de Mirepoix. L’ancien pâté de maisons se trouve désormais scindé, de part et d’autre du cours du Colonel Petitpied, en deux ensembles plus petits, dont l’un, orienté dans le sens nord-sud, donne sur le cours Louis Pons-Tande, et l’autre, orienté dans le sens est-ouest, donne sur le cours du Colonel Petitpied.

 

 

Ci-dessus, de gauche à droite : à l’angle de la rue du grand faubourg Saint Jammes (aujourd’hui avenue Victor Hugo) et de la rue de la porte neuve (aujourd’hui rue des Pénitents Blancs), ancienne maison de Raymond Bilhard (n°1) ; rue de la porte neuve (aujourd’hui rue des Pénitents Blancs), anciennes maisons de Raymond Bilhard (n°1), Clément Brustier (n°2), Jacques Robert (n°5), Jean Arnaud (n°6).

 

Ci-dessus, de gauche à droite : rue du grand faubourg Saint Jammes (aujourd’hui avenue Victor Hugo), anciennes maisons de Jeanne Marie Bounhol et des héritiers de Pierre Bonhol.

1. Raymond Bilhard, apothicaire : maison à la rue du grand faubourg Saint Jammes faisant coin avec celle de la place neuve
2. Clemens Brustier, marchand : maison et ciel ouvert à la rue de la place neuve
3. Jeanne Marie Bounhol : maison, ciel ouvert à la rue du grand faubourg Saint Jammes
4. Indivision, héritiers de Pierre Bounhol : François Martin, tisserand de razet, mari de Marion Bounhol de Pamiers ; Clément Combes, serrurier, mari de Marie Rose Bounhol de Mirepoix. Maison à la rue du grand faubourg Saint Jammes
5. Jacques Robert, lieutenant des grenadiers au régiment du Piémont : maison avec ciel ouvert et patu à la rue de la place neuve
6. Jean Arnaud, chirurgien : maison, patu à la rue de la place neuve et porte d’Amont.

Les maisons qui s’élevaient en 1766 sur les parcelles n°1 à 6 ont toutes été conservées. Leurs encorbellements demeurent. Les façades ont souffert toutefois de ravalements ingrats. A noter, concernant la parcelle n°6, que le bâtiment dont le rez-de-chaussée arbore l’enseigne Groupama, n’existait pas en 1766. Jean Arnaud (n°6), chirurgien, tenait jadis à cet endroit un simple patu.

Installés à deux angles stratégiques, puisque leurs demeures donnent respectivement sur la promenade de la porte d’Amont (aujourd’hui cours Louis Pons-Tande) et sur la rue du grand faubourg Saint Jammes (aujourd’hui rue Victor Hugo), qui abrite alors de nombreux commerces et services, Jean Arnaud, chirurgien, et Raymond Bilhard, apothicaire, travaillent sans doute en synergie. La taille de leurs demeures, fort imposante, indique qu’ils jouissent probablement d’une activité florissante.

 

7. Jean Arnaud Palanquade, boulanger des Bessous : maison et patu joignant à la rue du grand faubourg Saint Jammes
8. Jean Alard, bourgeois : maison, ciel ouvert ou patu à la rue du grand faubourg Saint Jammes
9. Jean Malot, marchand : maison et ciel ouvert à la rue du grand faubourg Saint Jammes
10. Mathieu Fau Mathieu, boulanger : maison et patu à la rue du grand faubourg Saint Jammes.

 

11. Louis Pons, bastier : maison, ciel ouvert à la rue du grand faubourg Saint Jammes
12. Paule Bez, femme de Mathieu Fau boulanger, veuve et héritière de Bertrand Saby : maison et ciel ouvert à la rue du grand faubourg Saint Jammes
12 bis. Antoine Saby, prêtre et prébendier du chapitre : maison à la promenade.

 

Ci-dessus, de gauche à droite : poutres dotées d’embouts sculptés, sur l’ancienne maison de Jean Malot ; colombages encore visibles dans leur état originel, sur l’ancienne maison de Louis Pons.

 

 

 

Côté cours Louis Pons-Tande (autrefois promenade de la porte d’Amont), les façades des maisons qui s’élevaient en 1766 sur les parcelles n°6 à 12 ont été depuis lors largement modifiées ou reconstruites, ou encore créées au XX siècle. L’identification que je propose ci-dessus demeure sans certitude. La seule maison qui ait conservé quelque chose de son aspect de 1766 est celle de l’abbé Saby (n°12 bis), prêtre et prébendier du chapitre. Située à l’angle du cours Louis Pons-Tande (autrefois promenade de la porte d’Amont) et du cours du Colonel Petitpied (autrefois promenade Saint Antoine), elle présente, côté cours Louis Pons-Tande, une fenêtre, une porte-fenêtre et un fenestron cintrés, typiques du style du XVIIIe siècle.

 

13. Guillaume Letu, notaire royal et tabellion 1Tabellion : officier public qui faisait fonction de notaire dans les juridictions subalternes et seigneuriales. du marquisat de Mirepoix : maison et patu ou ciel ouvert à la rue du grand faubourg Saint Jammes. Situés à l’emplacement de la percée que l’on voit ci-dessus, la maison et le patu qui appartenaient en 1766 à Maître Letu sont aujourd’hui disparus.

 

De l’autre côté de l’ancienne promenade Saint Antoine (aujourd’hui cours du Colonel Petitpied), le reste du moulon de 1766 s’étend jusqu’à l’ancienne rue de la Trinité (aujourd’hui rue Vidal-Lablache), entre l’avenue du Pont (autrefois rue du grand faubourg Saint Jammes) et la rue Vigarozy (autrefois rue Servant).

 

14. Jeanne Bailhade, veuve et héritière de Jacques Amouroux maréchal : maison et patu à la rue du grand faubourg Saint Jammes
15. Jacques Arexy, hôte : maison, ciel ouvert et jardin à la rue du grand faubourg Saint Jammes
16. Jacques Giret, bastier : maison et ciel ouvert à la rue du grand faubourg Saint Jammes
17. Jean Antoine Satger, bourgeois : maison, autre couvert ou ciel ouvert, jardin à la rue du grand faubourg Saint Jammes
18. Joseph Arnaud, bourgeois, habitant de Bonnaure : maison, autre couvert, cour, ciel ouvert et deux jardins joignant à la rue du grand faubourg Saint Jammes faisant coin avec celle de la Trinité.

Toutes les façades qui donnent sur l’actuelle avenue du Pont ont été modifiées depuis 1766, à l’exception de celle de l’ancienne demeure de Joseph Arnaud, bourgeois, habitant de Bonnaure, située à l’angle de l’avenue du Pont (autrefois rue du grand faubourg Saint Jammes) et de la rue Vidal-Lablache (autrefois rue de la Trinité).

 

Ci-dessus : avenue du Pont (autrefois rue du grand faubourg Saint Jammes), vues de la maison de Joseph Arnaud.

 

L’ancienne maison de Joseph Arnaud constitue un bel exemple de l’architecture du XVIIIe siècle, avec sa volée de fenêtres légèrement cintrées, assorties de ferronneries élégantes qui accentuent ici la grâce du cintre. La maison s’élevait en 1766 à proximité de diverses institutions charitables : le couvent des Trinitaires, la maladrerie, les jardins concédés par de riches particuliers à l’oeuvre du Saint-Sacrement 2Cf. La dormeuse blogue 2 : A Mirepoix – Le moulon du Saint-Sacrement.. Intriguée par le motif de coquille qui surmonte la porte d’entrée, je suis tentée d’y voir un signe d’affiliation de Joseph Arnaud à quelqu’une des oeuvres susdites. J’évoque cette question dans l’article intitulé A Mirepoix – Le moulon où sont la maison de M. Simorre, la Trinité et les Houstalets.

 

 

Ci-dessus : vues de la maison de Joseph Arnaud depuis la rue Vidal Lablache (autrefois rue de la Trinité).

 

Ci-dessus, de gauche à droite : rue Vidal-Lablache (autrefois rue de la Trinité), vue du mur des « deux jardins » et de la décharge (« autre couvert ») de Joseph Arnaud.

 

19. Pierre Satger, greffier : maison et jardin à la rue de la Trinité
20. Messieurs les Trinitaires : maison, jardin à la rue de la Trinité
21. Paul Fages, brassier : maison et jardin à la rue de la Trinité
22. Marie Perez : maison et jardin à la rue de la Trinité
23. Marquis de Mirepoix : maison, autre couvert, ruelle à la rue de la Trinité
24. Messieurs les Trinitaires : maison à la rue de la Trinité.

L’enseigne qui demeure visible sur l’ancienne maison de Marie Perez (n°22) est celle d’un café sis naguère encore cours du Colonel Petitpied (jadis promenade Saint Antoine), aujourd’hui remplacé par une boutique de sportswear. Elle signale la sortie de service du dit café, installé à l’emplacement même de ce qui fut dans les années 1850, i. e. sous le règne de Napoléon III, le « café Esquirol », lequel, d’après Raymond Escholier dans Quand on conspire (1925), servait de quartier général aux Républicains, ou aux « Rouges », entre autres à Louis Pons-Tande, représentant de l’Ariège à l’Assemblée législative de 1849, assigné à résidence à Mirepoix durant le règne de « Napoléon le petit », élu député de l’Ariège en 1885, maire de Mirepoix de 1871 à sa mort, en 1894.

L’écrivain, qui est d’ascendance mirapicienne, qui a épousé la petite-fille de Louis Pons-Tande, et qui a bien connu le Mirepoix d’antan, fournit une description précise des aîtres pittoresques du « café Esquirol ».

 

 

Ci-dessus : vue de la plate-bande clavée, datant de 1783, qui surmonte l’entrée de l’ancien « café Esquirol ».
Cf. Wikipedia, Plate-bande (architecture) : « La plate-bande est un linteau à système de clé analogue à l’arc, destiné à supporter une charge au-dessus d’une ouverture dans un mur, et dont l’agencement des pierres est horizontal. Il allie la stabilité et la résistance de l’arc au faible encombrement du linteau. Le nombre de pierres constituant une plate-bande est toujours impair. Les pierres sont des claveaux nommés selon leur emplacement dans la plate-bande : sommier, contre-sommier, contre-clé et clé ».

Edifiée au bord de l’ancienne promenade Saint Antoine (aujourd’hui cours du colonel Petitpied) sur la parcelle n°22 du compoix de 1766, la bâtisse qui abrite au XIXe siècle le « café Esquirol », date de 1783, comme indiqué par une pierre en façade. La dite façade , sur l’arrière, donne directement accès à l’ancienne maison de Marie Perez (n°22), i. e. à la rue de la Trinité, au bord de laquelle s’élève cette dernière. Via d’autres cheminements, plus labyrinthiques, elle donne également accès, sur sa gauche, à la parcelle n°23, qui était en 1766 propriété du marquis de Mirepoix, qui comprenait alors « maison, autre couvert et ruelle », et qui incluait, à l’angle de la rue Servant et de la rue de la Trinité la parcelle n°24, propriété des Trinitaires, sur laquelle ces Messieurs tenaient, à proximité immédiate de leur couvent 3Cf. La dormeuse blogue 3 : A Mirepoix – Le moulon où sont la maison de M. Simorre, la Trinité et les Houstalets., une autre maison à eux. Le « café Esquirol » du XIXe siècle se trouve ainsi adossé à un espace de fuite, dans lequel la « ruelle » du marquis a été, on le devine, utile aux Rouges lors des descentes de police.

A noter que dans la description ci-dessous, Raymond Escholier, conformément à l’habitude qui est la sienne chaque fois qu’il parle du vieux Mirepoix, modifie toponymes et patronymes. Obtenues par déplacement ou analogie, ces modifications demeurent plaisamment transparentes.

Ils sont réunis dans une pièce voûtée et basse dont les murailles épaisses, creusées de niches, suent l’humidité, car elles ne virent jamais le soleil; Ils sont là au milieu d’un encombrement de vaisselle vinaire et dans un air saturé de moisissure. Point de fenêtre, une porte cintrée dont l’imposte, traversée d’une barre de fer, laisse seule passer l’air.

Les rouges se réunissent, pour parler encore d’Elle [la République], une et indivisible, et conspirer contre l’homme sinistre de l’Elysée [Napoléon III], au café Esquirol, établi à l’autre bout de Saint-Gauderic [Mirepoix], dans un ancien couvent de Cordeliers [couvent des Trinitaires] qui possède des dépendances nombreuses, délabrées et solides comme de vieux chicots. Celles-ci donnent, par des couloirs compliqués, dans une ruelle déserte qui suit les bords du canal [le Béal]. 4Cf. La dormeuse blogue : Quand on conspire.

 

Ci-dessus : rue Vigarozy (autrefois rue Servant), emplacements de la parcelle n°24, anciennement propriété des Trinitaires, et de la parcelle n°23, anciennement propriété du marquis de Mirepoix. Toutes les maisons ont été modifiées ou rebâties. Il se peut toutefois que les fenêtres à barreaux, visibles sur le mur latéral de l’actuelle pharmacie, datent du XVIIIe siècle, et donc que sous le crépi du bâtiment moderne une partie du bâti ancien subsiste.

 

Ci-dessus, de gauche à droite : fenêtre latérale de la pharmacie, rue Vigarozy (autrefois rue Servant) ; vue l’ancienne maison du marquis de Mirepoix et des maisons suivantes, cours du Colonel Petitpied (autrefois promenade Saint Antoine.

 

Ci-dessus : autres vues de l’actuel cours du Colonel Petitpied.

 

Côté cours du Colonel Petitpied (autrefois promenade Saint Antoine), les jardins correspondants aux parcelles n°21, 20, 19, 18, 17, 16, ont fait place à une suite de maisons édifiées au XIXe siècle ou plus tard. Le long mur, assorti d’un grand portail, que l’on voit sur l’image ci-dessus, ferme l’emplacement qui fut jadis celui des jardins de Pierre Satger, greffier, (n°19) et de Joseph Arnaud (n°18), bourgeois, habitant de Bonnaure. Le jardin de Pierre Satger jouxtait jadis celui des Trinitaires.

Il se peut que la belle suite de baies à ogive qui s’ouvrent au front d’une bâtisse sise actuellement sur cette ancienne parcelle, constitue, suite à divers remaniements cadastraux, une relique du jardin des Trinitaires, voire un vestige d’architecture claustrale.

Il se peut aussi, en seconde hypothèse, qu’avant les dits remaniements cadastraux, cette belle suite d’ogives ait appartenu au jardin de Joseph Arnaud. La maison et le jardin de Joseph Arnaud, habitant de Bonnaure, m’intriguent. Quel usage Joseph Arnaud faisait-il d’un si vaste espace de maisons et jardins dans une ville qu’il n’habitait pas ? La présence de la coquille au dessus de la porte principale, rue du Pont (autrefois rue du grand faubourg Saint Jammes), à proximité du couvent des Trinitaires, de la maladrerie, et du moulon du Saint-Sacrement, m’incline à penser que la maison servait à quelque oeuvre charitable et à des réunions pieuses.

Il se peut d’ailleurs que la maison du marquis de Mirepoix et ses dépendances aient abrité ici elles-mêmes, outre une enclave des Trinitaires, semblable oeuvre pie.

Très marqué par les grandes processions des Trinitaires, le quartier concentre en tout cas les énergies religieuses propres à une bourgeoisie qui, à l’instar du marquis, a les moyens et le goût de s’investir dans la charité.

On remarque que le quartier n’abrite qu’un seul brassier, Paul Fages. On touche ici au coeur historique de la ville, i. e. au Mirepoix noble et grand-bourgeois.

A suivre…

A lire aussi :
Moulons de Mirepoix 1
Moulons de Mirepoix 2

Notes[+]

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