A Pamiers – Labaronne – Plastic Blues

 

A l’invitation de l’association Mille Tiroirs, Labaronne expose durant tout le mois de mai à Pamiers, salle Espalioux. L’exposition s’intitule Plastic Blues. Je connaissais déjà le travail de Labaronne pour l’avoir vu dans son petit atelier galerie de Mirepoix. J’ai été frappée de la puissance esthétique et symbolique qui s’affirme ici, par effet de changement d’échelle, dans l’ouvert d’un espace plus vaste, comme d’un cube dont on aurait développé les faces.

 

Comme Labaronne travaille le plastique, on parle à son propos d’art modeste ou d’arte povera. La modestie ici, à mon avis, n’est pas raison. Certes, dit Labaronne, le plastique a le sort du rat : on ne l’aime pas ; cependant, il est beau. Voilà ce qui importe. Non la modestie, mais le beau, la matière-couleur, forte, lumineuse, saturée, – gorgeous, comme disent les Anglais, d’un mot qui sonne de façon autrement connotée aux oreilles des Français, d’un mot qui a de la gorge.

Le beau de la matière-couleur, c’est ici comme de juste sa plasticité, par là l’espace de jeu qu’elle offre à la fois à la sensualité et à la pensée du toucher. Le plastique se froisse et il se tresse. Le jeu s’épanouit dans le cadre de ces deux modes de la matière sous la main. La sensualité s’y faufile jusque dans les noeuds de la pensée. Froisser, tresser -, tout est dans la façon, qui imprime à la matière-couleur son évidence jusqu’ici invue, sa forme de monde, sa puissance de signification, qui n’appelle pas d’explicitation, mais seulement de se montrer, sur le mode du sentir qui fait penser.

 

La salle Espalioux est vaste et haute de plafond. Le travail de Labaronne s’y trouve magnifié dans sa sculpturalité. Il révèle son aptitude à la monumentalité. De la sculpture floue du froissé, plié, chiffonné, à la sculpture dense et ferme de la tresse, la monumentalité se signifie ici, de façon ambivalente, à la fois comme figure de la grande tradition baroque et comme geste de recommencement, geste sous les dehors duquel l’histoire qui se raconte est celle d’une aventure créatrice, tranquillement, dirait-on, iconoclaste. Iconoclaste ?

 

 

Ci-dessus, de gauche à droite et de bas en haut : Jean François Bony (1754-1825), détail ; Raoul Dufy, Coupe de pois de senteur, 1941 ; Labaronne, Coupe de fleurs ; Franz Xaver Winterhalter (1805-1873), Portrait de l’impératrice Eugénie et de ses dames de compagnie, 1855, détail ; Labaronne, Sans titre, détail ; Pierre Soulages (1919), Sans titre.

Des fleurs, des tentures, une chambre, un lit, des oreillers, un dessus de lit, une descente de lit… Ailleurs, une cuisine, des assiettes, des verres, etc… Mais l’artiste sculpte aussi des colonnes. Elle cultive en plastique la géométrie des pavements de marbre. Y a-t-il une spécificité féminine dans le travail de Labaronne ? Une façon d’engagement féministe ? La question se pose, si l’on y tient vraiment. Je doute, pour ma part, que la réponse soit ailleurs que dans la question. Y a-t-il en art une identité de genre ? Mais qu’est-ce que l’identité ? Chose sans principe, l’identité demeure, comme nos désirs, au-delà des projets qu’elle mobilise, et, comme l’horizon, elle s’emporte sans se laisser elle-même derrière soi.

Y a-til dans le travail de Labaronne volonté de rupture avec la grande tradition de l’histoire de l’art, liquidation de l’héritage, promotion d’une esthétique sans mémoire, mâtinée de nihilisme post-moderne ? La réponse, là aussi, est dans la question. Le plastique, croit-on, manque de mémoire, de dignité, de substantialité. Mémoire, dignité, substance, au vrai, même si elles se laissent jeter par la porte, reviennent chaque fois par la fenêtre. Malgré les apparences, et cet air de jouer – quoique… -, le travail de Labaronne s’inscrit volens nolens dans le grand répertoire de formes et de couleurs, de motifs et de savoir-faire, qui se perpétue d’âge en âge sous le couvert des révolutions qui emportent l’histoire de l’art. Il doit à la permanence d’un tel répertoire cet air de famille qu’on trouve ici à une simple coupe de fleurs, à un motif de plis, à certain noir…

 

Loin de ces considérations un peu lentes, la jeunesse fait montre d’un naturel qui déménage. Le plastique se laisse bousculer sans crier au loup. Labaronne, amie du loup, goûte cette liberté, j’imagine.

 

L’exposition Plastic Blues est ouverte jusqu’au 31 mai 2010, mardi, mercredi, vendredi, de 14h à 18h, et le samedi de 10h30 à 13h, à Pamiers, salle Espalioux, rue Jules Amouroux. On peut également visiter la galerie atelier de Labaronne, tous les après-midis, à Mirepoix, rue Monseigneur de Cambon.

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