La dormeuse blogue

Choses vues, choses lues, choses rêvées…

Choses vues (sans flash) à l’intérieur de la cathédrale de Mirepoix

J’ai tenté de réaliser quelques vues de l’intérieur de la cathédrale de Mirepoix. Elle abrite dans la pénombre, traversée de place en place par la lueur des vitraux, un orgue Link, des tableaux, des statues, des bas-reliefs et autres éléments de décor de styles variés (gothique, gothique flamboyant, classique, baroque), quelques restes de fresques.

Je dispose d’un petit Canon Coolpix (3,3 megapixels, zoom 4x) dont je me contente. Je n’utilise jamais le flash, car je trouve le principe esthétiquement détestable. J’essaie de capter ce que je ressens, sans trop me soucier des problèmes techniques. Or, dans la cathédrale de Mirepoix les problèmes sont nombreux : manque de lumière, manque de recul à l’intérieur des chapelles latérales, hauteur de la voûte.

Edifiée de la fin du XIIIe à la fin du XVIe, puis remaniée au XIXe siècle, la cathédrale de Mirepoix comporte une nef unique, de 48 m de long et de 22 m de large, ce qui fait d’elle la nef la plus large de France. La voûte s’élève à 22m. Noyées dans l’ombre, les clés de voûte se distinguent mal. J’ai tenté de les photographier, une par une, avec mon petit appareil. On sait que, de manière générale, la qualité de l’image photographique est, dans la prise de vue en contre-plongée, inversement proportionnelle à la verticalité du sujet. Voyez ci-contre la meilleure des photos que j’ai obtenues.

Accrochés sur les murs de la nef, presque toujours dans les chapelles latérales, les tableaux ne bénéficient d’aucun éclairage ni d’aucune documentation précise. Quelques affichettes fournissent ça et là des indications vagues. Le visiteur curieux doit compléter l’information par ses propres moyens. Source principale : la Base Mobilier-Palissy, mise en oeuvre par la Direction de l’Architecture et du Patrimoine. Exemple de fiche signalétique : Technique : peinture Désignation tableau : adoration des bergers (l’) Localisation : Midi-Pyrénées ; Ariège ; Mirepoix Edifice : église, ancienne cathédrale Saint-Maurice Matériaux : toile (support) Dimensions : h = 200 ; la = 300 Auteur(s) : Faure (peintre) Siècle : 18e siècle Historique : Ecole toulousaine. Date protection : 1908/06/26 : classé au titre objet Statut juridique : propriété de la commune (?) Type d’étude : liste objets classés MH Copyright : © Monuments historiques, 1992 Date versement : 1992/10/08 Référence : PM09000402

Munie des renseignements ci-dessus, j’ai reconnu dans la cathédrale le tableau correspondant. Je l’ai photographié comme j’ai pu, i. e. en tentant de déjouer le reflet qui ricoche sur la toile à partir d’un vitrail situé de l’autre côté de la nef. peintre toulousain Jean-François Faure (1750-1824), élève de Despax. "Désignation tableau : adoration des bergers (l’)", "Auteur(s) : Faure (peintre)", dit la base Palissy. Qui est ce Faure ? En cherchant bien, ailleurs sur le Net, j’ai trouvé la courte mention suivante : "Jean-François Faure (1750-1824), peintre toulousain, élève de Despax…", lui-même élève de Rivalz. Deux autres oeuvres de J. F. Faure sont également signalées : L’Assomption de la Vierge (copie de Despax) à Notre-Dame de Vicdessos, et Le Triomphe de saint Blaise à Seysses (Haute-Garonne). La piste s’arrête là. Dommage. J’aurais voulu en savoir plus.

Autres tableaux, non documentés, exposés dans la cathédrale de Mirepoix :

De gauche à droite : Sainte Catherine couronnée (école française, XVIIe) ; La Crucifixion (signé Larivière Finsonius, école française, première moitié du XVIIe)

Bien que ma photo en rende médiocrement compte, le traitement de l’étoffe fleurie dont s’entoure la jeune femme au pied du crucifix est admirable de finesse et de couleur.

Oeuvres non répertoriées dans la base Palissy La toile de gauche représente saint Gauderic, dont les reliques ont été sauvegardées à Mirepoix. En arrière-plan, on distingue la flèche de la cathédrale de Mirepoix.

Accrochés très haut, dans une chapelle très sombre : Christ en croix, XVIIe ; Portrait d’un évêque, XVIIe Oeuvres répertoriées dans la base Palissy, non documentées.

Reléguées au fond d’une autre chapelle, j’ai remarqué dans l’ombre deux statues acéphales.

La base Palissy fournit les indications suivantes :

 A gauche : Technique : sculpture Désignation statue : sainte Localisation ; Midi-Pyrénées ; Ariège ; Mirepoix Edifice : église, ancienne cathédrale Saint-Maurice Matériaux : grès Description : grès de la région, le même qui a été utilisé pour la construction de l’église. Dimensions : h = 130 ; la = 46 Etat  : manque ; oeuvre mutilée Précision état : le bras droit, la main gauche manquent et la tête n’est plus solidaire du corps. Siècle : 16e siècle Historique : devait être placée contre le mur extérieur de l’église, sous un dais. Date protection : 1966/01/12 : classé au titre objet Statut juridique : propriété de la commune (?) Type d’étude : liste objets classés MH Copyright : © Monuments historiques, 1992 Date versement : 1992/10/08 Référence : PM09000418

A droite : Rien !

On trouve, pour une fois, un supplément d’information dans la cathédrale : les deux statues, dans leur état premier, servaient de support à un sarcophage.

D’autres statues encore dorment dans la cathédrale. Certaines d’entre elles sont en bois doré. Elles datent du premier quart du XVIIIe siècle et proviennent de l’ancien autel, avant la modification de ce dernier en 1865. Elles représentent, entre autres, saint Jean l’Evangéliste, saint Pierre, saint Paul.

Nombre d’autels et décors de chapelle ont été refaits ou piètrement modifiés au XIX. On retrouve cependant, de place en place, la grâce d’une fenêtre gothique, le mouvement d’un décor baroque, l’éclat des marbres anciens.

Accroché sur un mur de la nef, à gauche du maître-autel, le fragment de retable sculpté supportant deux reliquaires et accompagné de six médaillons constitue l’une des plus belles pièces exposées dans la cathédrale. Il s’agit d’un ensemble en bois doré, orné de motifs polychromes. La base Palissy indique que "5 bas-reliefs du retable, la Visitation, la Nativité, la Présentation au Temple, l’Annonciation et le Couronnement de la Vierge ont été volés le 7 août 2000". On distingue encore sur le mur les trous correspondant à l’accrochage des bas-reliefs manquants. Un bref retour sur l’histoire de la cathédrale montre que le vol s’est perpétré dans cet édifice de façon récurrente et proprement scandaleuse. Aux déprédations et pillages liés aux désordres de la Révolution, il faut ajouter en effet les "disparitions" de 1944 (Vierge de Pitié, premier quart du XVIIIe ; table d’autel avec support, XVe), et, comme signalé plus haut, le vol de l’année 2000. Inventaire et documentation plus poussés constitueraient peut-être un moyen de protéger les oeuvres restantes, dans la mesure où ils rendraient le trafic de ces dernières un peu moins facile.

La cathédrale abrite aussi quelques restes de peinture monumentale, dégagés à la faveur de travaux d’entretien entrepris en 1995. Actuellement non restaurées, non documentées, ces peintures datent du début du XVI siècle. Elles représentent, dit-on, la naissance et le martyre de saint Jean Baptiste.

Technique : peinture murale Désignation : peinture monumentale Localisation : Midi-Pyrénées ; Ariège ; Mirepoix Edifice : ancienne cathédrale Saint-Maurice actuellement église paroissiale (non étudié) Matériaux : enduit : peinture à la chaux Dimensions : dimensions non prises Iconographie : scène (martyre : saint Jean-Baptiste : ?) ; scène (naissance : saint Jean-Baptiste : ?) Etat  : mauvais état Précision état : ces peintures ont été dégagées mais non restaurées. Elles ne sont pas documentées. Auteur(s) : auteur inconnu Siècle : 1ère moitié 16e siècle Historique : ces peintures sont datables de la première moitié du 16e siècle, période de l’épiscopat de Philippe de Lévis (1497-1537) qui fut à l’initiative de nombreux travaux à Mirepoix. Ce décor est à rapprocher des peintures découvertes dans l’ église de Mazerettes, située aussi sur la commune de Mirepoix. Précisions : Ancienne cathédrale classée MH le 22/03/1907. Statut juridique : propriété publique Type d’étude : recensement des peintures murales Nom rédacteur(s) : Decottignies Sylvie Copyright : © Inventaire général Enquête : 1995 Date versement : 2005/03/10 Référence : IM09000061 Dossier consultable : service régional de l’inventaire Midi-Pyrénées 37 bis, rue Roquelaire 31080 Toulouse Cedex – 05.61.62.01.45

La lecture de la fiche enregistrée dans la base Palissy montre que, si la cathédrale de Mirepoix souffre du vol de quelques uns de ses plus beaux objets, elle souffre encore davantage du manque de documentation. On suppose que les crédits manquent. Mais on jugera surtout étrange, et pour le moins décevant, que tant d’oeuvres exposées dans la cathédrale n’aient fait l’objet d’aucune étude précise, ou que les résultats de telles études, si elles existent, ne soient aucunement portés à la connaissance du public. Certaines oeuvres semblent reléguées, plutôt qu’exposées, dans la cathédrale, et elles revêtent, aux yeux des visiteurs, un air de discret abandon. La cathédrale de Mirepoix mérite mieux.

Seul l’orgue Link, installé en 1891 et classé monument historique, bénéficie de l’action d’un public de passionnés, constitués en association. L’Association des Amis de l’Orgue de Mirepoix a ainsi sauvé l’instrument, jusqu’alors exposé à la pluie et aux gravats qui tombaient d’un énorme trou dans la voûte. Elle organise régulièrement des concerts ainsi que des visites commentées. Prochaine visite : samedi 13 octobre, 20h. Je parlerai plus longuement de cet orgue dans le cadre d’un prochain article.

Nombre d’autres objets restent à voir dans la cathédrale, dont, faute de temps et de place, je ne dis rien ici. Il faut se rendre à la cathédrale, entrer dans la lumière des vitraux, se laisser appeler par les objets qui dorment dans l’ombre. Sur le maître-autel, la lumière du Saint Sacrement rougeoie. Plus loin, dans une chapelle, un ange veille.

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