La dormeuse blogue

Choses vues, choses lues, choses rêvées…

Eventail, ce peu d’aile…

Ci-dessus, en haut à gauche, mis sous verre : l'éventail offert en cadeau de mariage à la grand-mère d'Yvette Ferran et de son frère Jean Bisson.

Leur grand-mère était éventailliste chez Duvelleroy. Cadeau de la maison Duvelleroy, l'éventail qu'elle reçoit le jour de son mariage constitue le point de départ de la merveilleuse collection exposée à Mirepoix par Yvette Ferran et son frère Jean Bisson.

Fondée à Paris en 1827, la maison Duvelleroy, du nom de son fondateur Jean-Pierre Duvelleroy, doit alors son succès au retour des bals, après que la page s'est tournée sur la fête révolutionnaire. Installant ses ateliers 17 passage des Panoramas et sa boutique 15 rue de la Paix, Jean-Pierre Duvelleroy devient le fournisseur de toutes les cours d'Europe. Les descendants de Jean-Pierre Duvelleroy développent des collaborations avec la haute couture et les créateurs de l'Art Nouveau. Après la guerre de 14-18, la maison fabrique surtout des éventails publicitaires. Rachetée en 1940 par Jules-Charles Maignan, la maison survit dans la discrétion, essentiellement au bénéfice des collectionneurs.  Aujourd'hui, Michel Maignan s'occupe d'entretenir et de valoriser le fonds hérité de son grand-père. Il organise des expositions, et il s'est associé à des artistes contemporains pour relancer la maison Duvelleroy. Des 15 fabricants d'éventails que comptait Paris en 1827, la maison Duvelleroy demeure en 2010 la seule existante.

On voit que chez Yvette Ferran et Jean Bisson comme chez Michel Maignan, le goût du Beau s'allie au sens de la fidélité. Fidélité à une longue tradition familiale, fidélité à un savoir-faire, à un art qui s'est à peu près perdu, mais que de tels passionnés entendent sauver de l'oubli, voire faire renaître sous un visage renouvelé, à l'image de notre temps. 

L'exposition installée ce week-end dans l'Espace des Métiers d'Art de Mirepoix constitue une belle invitation au voyage à travers l'histoire des éventails. Elle réunit des pièces superbes, venues de toutes les régions du monde.

Les éventails français du XVIIIe et du XIXe siècle sont, par le luxe des matières et l'extraordinaire qualité du travail, des merveilles de raffinement. Leur beauté n'a d'égale que leur fragilité. Yvette Ferran les répare avec une attention passionnée.

Ci-contre : éventails du XVIIIe siècle.

Le lexique des éventaillistes a aussi son charme étrange. On parle ainsi du panache, de la feuille, de la gorge, des flèches, des brins, de montures squelette, d'éventails pliés ou brisés, de forme cathédrale, fontange, ballon, etc.. Le papier peut être doublé d'une peau de chevreau, de velin, de poulet ou de cygne, dite cabretille. Etc., etc.

Les scènes peintes ou brodées sur les feuilles des éventails traditionnels  ont une signification symbolique, Elles reflètent, dans leur variété, les moments heureux et les paysages de la vie amoureuse (déclaration, fiançailles, mariage), plus tard les événements de l'histoire nationale et internationale, plus tard encore les tendances de la publicité.

L'arrivée de la publicité sur les éventails, dans l'entre-deux guerres, bouscule la tradition. Devenu un instrument de propagande, réalisé en matériaux pauvres, jetables, l'éventail ne brille plus désormais que par son inventivité graphique, son humour, sa fantaisie conceptuelle. J'ai flashé ainsi sur un éventail confectionné tout entier à partir de canettes de coca-cola, version turque.    

Quelques modèles d'éventails créés par des artistes contemporains illustrent l'étonnant renouvellement des formes et des motifs qui bouleverse aujourd'hui la tradition.

Ci-dessus : éventails espagnols.

L'exposition dure jusqu'à demain soir, lundi 10 mai 2010. L'entrée est libre. Yvette Ferran interviendra à 16 heures à propos du rôle et de la symbolique de l'éventail dans les différentes civilisations. C'est un puits de science, dont la passion et l'humour sont irrésistibles.

Mallarmé, à l'intention des belles dames, écrivait des vers sur leurs éventails. Ces vers ont été réunis sous le titre… Eventails :

 

Là-bas de quelque vaste aurore
Pour que son vol revienne vers
Ta petite main qui s'ignore
J'ai marqué cette aile d'un vers.
1

Pour en savoir plus :

Fan d'éventails
Atelier Anne Hoguet – Eventails
The Fan Museum, Greenwich, London

Pour joindre Yvette Ferran : Yvette Ferran

Notes:

  1. Stéphane Mallarmé, Eventails, 6 ↩︎

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dans: Ariège, art, Mirepoix.

1 commentaires au sujet de « Eventail, ce peu d’aile… »

  1. Martine Rouche

    Ton enthousiasme est partagé : j'ai suivi ce jour la présentation historique de l'éventail ainsi que la visite guidée, avec Yvette et son frère, et ce fut un moment magique. Leur collection est une merveille et leur passion communicative m'a enchantée. J'ai découvert les éventails à système, les tout petits éventails de poupée, les merveilles peintes sur soie et brodées si finement …  Quel travail et quel raffinement mis dans un accessoire si léger, si futile en apparence, et si chargé de symboles, de signification et même de magie …
    Des moments de petit bonheur léger …