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Une fenêtre romane

Située sur le flanc Nord de l’église d’Arvigna (Ariège), cette fenêtre donne jour à la sacristie.

Viollet-le-Duc, dans son Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle 1, fournit de très riches indications sur ce type de fenêtre : 

"Dans les églises anciennes, c’est-à-dire dans celles qui ont été construites du VIIIe au XIe siècle, les fenêtres ne recevaient pas de vitraux ; ces fenêtres étaient béantes, ou fermées, pour briser le vent, par des claires-voies en pierre, en bois ou en métal. C’était une tradition antique.

Ne devant pas être garnies de châssis, il était naturel de cintrer ces baies et de leur donner à l’intérieur un large ébrasement. Celui-ci avait l’avantage : 1º de permettre à la lumière de s’introduire facilement ; 2º de rompre l’action du vent qui s’engouffrait entre ces deux surfaces inclinées.

Lorsque ces baies étaient étroites (ce qui était fréquent, afin de rompre autant que possible l’effort du vent), on ne se donnait pas la peine de bander un arc appareillé au-dessus des jambages à l’extérieur ; mais on se contentait de tailler une pierre suivant la figure d’un cintre, et l’arc appareillé était réservé pour l’ébrasement, afin de soutenir la charge de la construction supérieure. La pierre taillée extérieure, formant linteau cintré, n’avait alors que l’épaisseur du tableau 2. Le cintre de ces baies n’est donc point concentrique au cintre des formerets 3, mais profite de toute la hauteur du collatéral pour introduire le plus de jour possible.

Presque toujours pendant les premiers siècles, c’est-à-dire du VIIIe au XIe, les jambages de ces baies se composent de grandes pierres en délit avec liaisons au-dessus de l’appui et sous l’arc. La fenêtre primitive romane était ainsi construite comme la fenêtre antique.

Quant aux proportions de ces fenêtres percées dans des édifices, elles sont soumises à la place qui leur est assignée; elles sont habituellement courtes dans les étages inférieurs, et longues dans les étages supérieurs. D’ailleurs, l’idée de défense dominant dans toutes les constructions romanes du VIIIe au XIIe siècle, on avait le soin de ne percer que de petites fenêtres à rez-de-chaussée, assez étroites souvent pour qu’un homme n’y pût passer.

Il est une loi observée déjà par les architectes romans et développée avec beaucoup d’intelligence par les constructeurs du XIIIe siècle, qu’il nous faut avant tout faire connaître à nos lecteurs, car elle paraît être à peu près oubliée de notre temps. La lumière qui passe à travers une baie donnant dans un intérieur forme un cône ou une pyramide suivant la figure de la baie ; c’est-à-dire qu’au lieu d’être divergents, les rayons lumineux sont convergents de l’extérieur à l’intérieur.

Ainsi, le faisceau lumineux va toujours en diminuant de diamètre de l’extérieur à l’intérieur: donc, toute fenêtre doit avoir une ouverture proportionnée à l’étendue du vaisseau à éclairer ;  Les surfaces lumineuses, les fenêtres en un mot, doivent donc être calculées en raison de l’étendue des intérieurs. L’observation avait peu à peu amené les architectes du XIIe siècle à appliquer ces lois que l’amour pour la symétrie nous a fait négliger…"

 

L’église d’Arvigna a souffert de nombreux remaniements (XVIIIe, XIXe, XXe siècles). On ignore la date de la construction initiale. "Le château comme l’église, ne sont pas mentionnés au Moyen-Age, mais les seigneurs sont attestés dès la fin du 12e siècle. Par ailleurs, le cimetière qui forme enclos autour de celle-ci a fait apparaître des fragments de céramique médiévale grise et noire à pâte grossière" 4.

Notes:

  1. Viollet-le-Duc, Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, tome 5, article "Fenêtre", passim ↩︎

  2. "Tableau de fenestre ou croisée : cela se prend pour le quarré et ouverture d’une fenestre, qui est proprement l’épaisseur de la muraille non compris l’embrazure", in André Félibien, Des principes de l’architecture, de la peinture et des autres arts qui en dépendent. Avec un dictionnaire des termes propres à chacun de ces arts, 1676, BnF ↩︎

  3. "Arcs recevant une voûte d’arête le long d’un mur", in Viollet-le-Duc, Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle ↩︎

  4. Inventaire général, 2002 ; © Communauté de communes du Pays de Pamiers, 2002, Eglise paroissiale Saint-Vincent et Saint-Martial à Arvigna ↩︎

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