Je sors à l’instant de l’atelier-galerie de Jacqueline Baby. Peintre bien connu en Midi-Pyrénées, née à Toulouse, installée à Mirepoix depuis de longues années déjà, responsable des cours d’aquarelle dispensés dans le cadre de l’Association culturelle de Mirepoix, Jacqueline Baby constitue l’une des figures de la vie artistique de notre région. La galerie Jacqueline Baby se trouve, à Mirepoix, sous le couvert Saint-Antoine. Jacqueline Baby y expose un grand choix d’aquarelles ; des acryliques aussi, dont une série récemment dédiée à la corrida, et quelques toiles abstraites. L’exposition des plus grands formats se fait dans son atelier privé. La galerie est accueillante, dotée d’un espace fluide, superbement éclairé. On peut y circuler librement, prendre le temps de regarder. Les oeuvres sont accrochées au mur ou rangées verticalement dans de grands cartons à dessin. Elles témoignent d’un art très maîtrisé du paysage, représenté dans la singularité de l’instant. Elles procèdent chaque fois d’un geste vibrant, né de l’attention passionnée que l’artiste porte à la vie et au mouvement du vivant.
J’ai demandé à Jacqueline Baby comment, sur son chemin de vie, elle a rencontré la peinture. "Pour autant qu’il m’en souvienne, j’ai toujours dessiné", raconte Jacqueline Baby, "et comme j’avais un joli coup de crayon, mes camarades d’école me demandaient de croquer à leur intention des portraits de leurs proches et de leurs acteurs ou chanteurs préférés. Pour mes dix-huit ans, mes parents m’ont offert un chevalet". Jacqueline Baby me montre dans sa galerie le beau chevalet de ses dix-huit ans, qu’elle a conservé et qui supporte ici une grande toile, récemment peinte par ses soins. "Ultérieurement, dit-elle, j’ai suivi les cours des Beaux-Arts de Versailles. J’ai commencé à exposer en 1989. Plus tard, j’ai ouvert un premier atelier à Toulouse. J’ai pris goût à l’enseignement, et plus particulièrement à l’expérience du travail partagé. Plus tard encore, comme la direction de ce premier atelier devenait pour moi une charge trop lourde, j’ai eu envie de reconduire l’aventure dans un cadre de vie plus serein et à une échelle plus conviviale. J’ai choisi d’ouvrir un atelier-galerie à Mirepoix, où ma famille a justement des attaches. J’ai retrouvé ici le temps de peindre pour moi. Le Pays des Pyrénées Cathares offre une diversité de paysages et de motifs qui me ravissent".
Jacqueline Baby, je le sais pour avoir partagé quelques sorties avec elle, est curieuse des vieilles pierres, des grottes, des arbres, des rivières, des plaines et des montagnes, de tous les paysages et de tous les horizons. L’an dernier, à la même époque, elle faisait une balade en ULM, riche de sensations et de vues insolites, au-dessus du terroir de Mirepoix. Elle rapporte aussi de l’île de Ré, de Venise, de l’Espagne ou du Maroc des croquis qui lui servent d’esquisses préparatoires à des aquarelles ou à des toiles qu’elle terminera dans son atelier. "On n’a guère le temps, en voyage, de peindre directement sur le motif", observe-t-elle. Il peut arriver aussi que je n’aie pas le loisir de réaliser un croquis ; je prends alors des photos, qui me serviront de mémoire".
Comme je lui demandais ce qui signifie pour elle le moment de la peinture, Jacqueline Baby me montre une grande aquarelle, peinte lors de vacances à l’île de Ré. "Ce que je cherche à représenter", dit-elle, "c’est, par exemple, ce moment d’équilibre d’instable qui précède dans le ciel l’arrivée d’un grain".
"Le temps change sans cesse au bord de l’océan. Je suis sensible à ces instants de passage. D’autres fois, c’est l’éclat d’une couleur qui m’inspire, tel ce bleu des Touaregs sur un marché marocain. J’ai voulu retrouver ce bleu, et tandis qu’il renaissait sur le papier, c’était la silhouette et le profil des Hommes Bleus qui se dessinaient dans les linéaments de la couleur". D’autres fois encore, c’est l’étrangeté d’une forme et d’une matière qui me frappe, par exemple l’allure serpentine d’une chaîne d’amarrage ocellée de rouille dans un port de l’île de Ré.
Jacqueline Baby me montre ensuite un ensemble d’aquarelles et de toiles dédiées à la corrida. Bien qu’elle réprouve la finalité sanglante de cette dernière, elle en goûte l’apparat flamboyant, et surtout la gestuelle, proche de la chorégraphie.
"J’ai voulu", dit-elle, "peindre la corrida, par passion du mouvement. Or le mouvement, c’est à la fois l’impossible et le comble de l’aquarelliste ! Il faut déjouer le piège du support. Le papier noie le mouvement, puisqu’il boit tout à la fois l’aquarelle et les geste du peintre. Le pinceau doit, en somme, aller plus vite que le papier".
Drôle de course ! L’expérience, seule, permet à l’artiste de s’affranchir des contraintes du support pour représenter, comme ici, le pecho ondoyant de la muleta, ou le déploiement spiralé de la jupe d’une danseuse de flamenco.
Jacqueline Baby a ses secrets. Elle me le fait observer, avec un petit sourire, alors que je l’interroge sur l’une de ses toiles abstraites.
Je suis frappée par le travail de la matière, dense ou plumeuse, parfois rehaussée de coulées ou zébrée de griffures, parfois projetée. L’approche dynamique est, dans le style de l’Action Painting, proche sur certains points de celle de Jackson Pollock. Mais elle s’exerce sous le contrôle de la raison formelle, qui veut un axe de symétrie, une juste répartition des plans, et plus généralement une organisation réfléchie de l’ensemble.
Jacqueline Baby insiste sur cette dimension architectonique, qui est, dit-elle, indissociable de son art. La sensibilité ne suffit pas ; il faut apprendre à voir de façon construite. On se donne ainsi les moyens d’appréhender plastiquement son sujet.
L’atelier-galerie de Jacqueline Baby ouvre directement sur la place des couverts. Il s’agit d’un lieu pittoresque, bordé de petites maisons médiévales, aux façades peintes de couleurs naïvement contrastées dont la déclinaison ressemble à celle d’un jeu de cartes sur fond de ciel bleu. On y voit passer, tout au long du jour, des gens de toutes sortes. Le lundi, jour de marché, la place se couvre d’étals ; elle grouille de monde. Le peintre dispose ici d’un tableau vivant.
Jacqueline Baby, qui a ce tableau sous les yeux, peint Mirepoix merveilleusement. On reconnaît son style à la clarté de la composition et à la fluidité des couleurs, qui ensemble font valoir le mouvement, la liberté de la vie.
Jacqueline Baby anime toute l’année, dans son atelier-galerie, des séances d’apprentissage de l’aquarelle, destinées à tous. Les travaux de ses élèves ont fait récemment l’objet d’une belle exposition à l’hôtel de ville de Mirepoix. Egalement présente sur le Web, Jacqueline Baby donne à voir quelques unes de ses oeuvres récentes dans le cadre de sa galerie virtuelle.
1 commentaire au sujet de « Une visite à l’atelier-galerie de Jacqueline Baby »
Martine Rouche
Bravo à Pandatomic et à son joli sourire pour cette oeuvre d’animation. Firmin (avec qui je communique aisément, comme tu peux le voir …) préfère certaines images qui lui rappellent l’heureux temps du cinéma Rialto …
Martine Rouche
Quelle ravissante photo de l’atelier-galerie ! On dirait une boutique de poupée victorienne !
Magnifique article, ai-je besoin de préciser ? J’aime beaucoup tes sélections d’oeuvres et de détails. Puisque Jacqueline aime le ciel d’orage, le moment qui précède un grain, il faudrait qu’elle puisse voir l’exposition » Coups de vent, orages et tempêtes » (Peintures françaises 1750 – 1950) à la Chapelle du Musée de Lavaur, du 16 mai au 30 août 2009 ).
Il ya déjà plusieurs années, j’ai fait un stage d’aquarelle avec Jacqueline, cinq jours en extérieur. Très dur pour moi qui n’en avais jamais fait, pleurs de frustration devant la multitude de nuances de vert au pied du château de Lagarde qui se transformaient sur mon papier en soupe aux épinards, etc etc … Nous ne devions pas peindre les petites fleurs en question mais j’ai bien ressenti ce jour-là le » désespoir du peintre » !! MAIS, patience calme et sans faille de Jacqueline, conseils précis et pointus adaptés au pauvre niveau de l’impétrante, et surtout apprentissage du regard. Même si je n’ai pas pratiqué depuis de façon régulière, loin s’en faut, j’ai vraiment appris à regarder en termes de plans, de nuances de couleurs, à voir du rouge ou du noir dans un feuillage vert, et ça, c’est un progrès immense grâce auquel je vois autrement, même au cours d’un trajet en voiture !