Philippe de Lévis, vingt-quatrième évêque de Mirepoix (1497-1537), à qui nous devons entre autres la restauration de la cathédrale, l’édification du palais épiscopal et l’embellissement du château de Mazerettes, ne s’est pas contenté d’être un prélat bâtisseur et esthète. Contrairement à d’autres évêques de la Renaissance, il s’est pleinement adonné aux devoirs de sa charge épiscopale, et il cultivait l’amour du prochain avant celui des pierres et des livres.
Ci-dessus : Monseigneur de Lévis au pied de la Croix
Détail de la Crucifixion représentée en miniature sur le Pontifical de Bordeaux (cf. infra).
Protecteur de l’enfance, il a encouragé la formation d’un groupe de petits chanteurs. Il venait écouter ce choeur depuis le balcon de la chapelle Sainte Agathe, et l’on dit qu’il a souhaité l’entendre encore une fois à l’heure de sa mort. On sait que durant son épiscopat Philippe de Lévis a fait réaliser de magnifiques pontificaux, ou antiphonaires, i. e. des livres de chant, enrichis de nombreuses miniatures. Conformément au voeu de leur commanditaire, celles-ci comportent presque toujours des motifs d’enfants, d’anges musiciens, ou de putti, i. e. d’angelots. Les antiphonaires de Mirepoix ont hélas été dispersés en France et dans le monde. Je ne puis reproduire ici que quelques photos en noir et blanc, empruntées au magistral article de Jeanne Bayle : Les livres liturgiques de Philippe de Lévis.
Ci-dessus : scène historiée représentant l’évêque bénissant les enfants ; deux anges enfants portant le blason de la maison de Lévis .
Pontifical dit "de Melbourne", circa 1498 : acquis en 1824 à Paris par sir Thomas Philipps et resté à Cheltenham en Angleterre jusqu’à la dispersion de la collection Philipps ; acheté avant 1946 par le libraire londonien W.H.Robinson ; revendu à la State Library of Victoria de Melbourne (Australie) en 1947.
Pontifical dit "de Bordeaux" : scène de crucifixion avec Monseigneur de Lévis au pied de la croix, attribuée à Henri Laurer, circa 1500-1510.
Philippe de Lévis a souhaité qu’à l’instar des antiphonaires, les lieux dans lesquels il vivait fussent peuplés d’anges enfants. La façade du palais épiscopal arbore un blason soutenu par deux anges d’apparence juvénile. L’escalier intérieur qui conduit du palais épiscopal à la chapelle Sainte Agathe est orné, à chaque étage, de putti de style Renaissance.
De gauche à droite : Présentation au Temple ; lettre ornée, attribuée à Charles Pingault ou à Servais Cornoualle, figurant dans un antiphonaire datant de la fin de l’épiscopat de Philippe de Lévis, aujourd’hui conservé à Foix ; putto figuré dans l’escalier intérieur qui conduit du palais épiscopal à la chapelle Sainte Agathe.
Typique du style Renaissant, le putto se distingue de l’enfançon médiéval par sa nudité à l’antique et sa chair floride.
Au fond de la chapelle Sainte Agathe, bizarrement installée à droite de l’autel, une piscine soutenue par un ange enfant, qui pleure.
Jadis installée au porche du clocher de la cathédrale, déplacée aujourd’hui au fond de l’abside, une petite porte Renaissance s’orne aussi de putti amusants.
Esprit du temps ou pente de sa pensée, Philippe de Lévis, dans les dernières années de son épiscopat, se plaît à la représentation de personnages qui appartiennent, de façon ostensiblement mêlée, et à la tradition antique et à l’imaginaire chrétien. Les putti de la porte Renaissance combinent ainsi les traits de l’ange et ceux du faune. Tout se passe comme si Philippe de Lévis, avant de quitter cette terre, tentait de réconcilier deux cultures, deux âges du monde, bref de réaliser une sorte d’alliance, dont il a emporté le secret.
A lire aussi :
Labyrinthe…
Labyrinthe (suite)…
Choses vues au Palais épiscopal de Mirepoix
Philippe de Lévis, la Résurrection et le Minotaure
Villard de Honnecourt, le labyrinthe et l’évêque
1 commentaire au sujet de « Belles pierres de Mirepoix – Les anges de Philippe de Lévis »
Martine Rouche
Je ne sais s’il était Juste, mais je l’imagine comme un passeur entre ces deux cultures. L’évêque au pas suspendu …
Ping