La dormeuse blogue

Choses vues, choses lues, choses rêvées…

Entre la parenthèse – Claire Dournier et Gertrudis Vercauteren exposent

Entre la parenthèse… c’est à Pamiers, salle Espalioux, une exposition proposée par Claire Dournier et Gertrudis Vercauteren, avec le concours de l’association Les Mille Tiroirs et le soutien de la ville de Pamiers. A l’occasion du vernissage, les deux artistes ont exécuté une performance, qui signait hier soir l’exposition en lui imprimant la marque du moment unique.

L’exposition porte un titre mystère. L’affiche conserve le mystère. La performance faisait l’objet d’une annonce horaire, sans autre précision. Françoise Decressin, présidente de l’association Mille Tiroirs, et Constance de Mauvaisin, fondatrice de l’association, accueillaient les visiteurs à la porte de l’exposition, située tout là-haut, au troisième étage de l’espace Espalioux. Vous qui entrez ici, quittez… On se déchausse, on entre dans la sensation, dans l’émotion du blanc. On marche sur des plumes, comme on foulerait les nuages. Plutôt que dans une exposition, on entre dans une situation tactile, une histoire de peau. Il fait chaud sous le plafond cathédrale de la salle Espalioux ; les plumes, comme solubles dans l’air, flottent de-ci de là, brume légère, et dans ce clinamen, on se sent un peu gris, délié des pensées qu’on apporte.

De longs pans d’étoffe flottante sculptent dans l’espace une allée blanche, zone vierge dont le point de fuite est constitué par un écran noir.

En amont de l’allée, de grandes baies vitrées, occultées de bleu, versent une lumière de vitrail sur une sculpture de cordages dont la base soulignée par un cercle sombre troue le sol de plumes à la façon d’une brûlure.

Sur les pans d’étoffes, des lettres dévorées composent des mots – un fil, défiler, dénouer, dénoncer, filer, noeud, nouer, tisser, à un fil, la vie, fils, filles – qui se donnent à lire, en ombres portées, tout au long des murs de la salle. De part et d’autre des murs, deux séries de tableaux accrochés en accordéon ponctuent d’un jeu de couleurs claquantes l’écriture diaphane des ombres.   

Assise sur une chaise dans cette neige de plume, une femme vêtue de tulle blanc, belle comme une photo de mariée, se tient immobile. Devant elle, une autre femme paraît, plus grande, plus sculpturale, entièrement recouverte d’une bande de tulle blanc  qui l’enveloppe des pieds à la tête à la façon d’une momie ou de l’Homme invisible.

Lentement, sur le fond d’une musique étrangement raréfiée, elle déroule les multiples tours de la bande qui l’enveloppe ; elle se délivre de sa chrysalide. Tandis qu’elle apparaît, enfin libre de ses enveloppements, la femme assise bouge, elle relève lentement sa jupe, découvre peu à peu sa jambe, soudain quitte sa chaussure, la jette sur la neige des plumes.

Derrière les deux personnages, au fond de la salle, la projection de la vidéo signée Claire Dournier commence.

Sur l’écran, quelque chose respire, se soulève, se transforme. Un corps. On ne sait pas s’il s’agit d’une métamorphose ou d’une parturition. Le trouble est grand. De façon océanique, le mouvement qui soulève l’image soulève aussi le moment présent, la salle, les corps de ceux qui se tiennent ici sous la vague. C’est ce soulèvement profus qui là maintenant, même à corps défendant, constitue le voir, le vif du voir.     

Le vif du voir ne se dit pas. Invitée à prendre la parole, Patricia Delattre, maire-adjointe à la culture, a fait observer qu’ici plus qu’ailleurs, l’oeuvre de l’art gagne à demeurer absoute de gloses. 

Il y avait des enfants dans la salle, qui jouaient à cache-cache entre les pans d’étoffe flottante. Le jeu est la plus simple et la plus belle façon de voir vif. 

1. De droite à gauche : Constance de Mauvaisin, Patricia Delattre. 2. De gauche à droite : Claire Dournier, Constance de Mauvaisin, Françoise Decressin. 3. A gauche : Gertrudis Vercauteren.

Ombres inconnues.

Au sortir de l’exposition, par effet d’albedo, le buffet aussi était blanc de neige…

Pour en savoir plus :

Blog : Les Mille Tiroirs
AriegeNews : L’association Les Mille Tiroirs

Cette entrée a été publiée .
dans: Ariège, art.