Carte du XIXe siècle, conservée aux archives de Mirepoix
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Le nom chantant de Countirou désigne un petit ruisseau qui afflue vers l’Hers en bordure Est de Mirepoix, du côté de la route de Carcassonne. Ce ruisseau longe le quartier du Rumat, jadis situé hors les murs, alors siège de l’abattoir (dit aussi "affachoir" ou "tuerie"), site sanglant autour duquel vivait et travaillait une population modeste. De l’autre côté du Countirou, face au Rumat, se situaient également les filtres et la tour dite "des filtres", qui assuraient au XIXe siècle le traitement et la distribution de l’eau délivrée en ville par la fontaine de Cambacérès et autres fontaines moins centrales.
A gauche : la tour des filtres, vue du pont de Limoux ; à droite : la passerelle, qui enjambe le Countirou dans les parages de la rue de l’Isle.
A gauche : vu depuis la passerelle, le Countirou dans son cours amont ; à droite : le Countirou dans son cours aval.
On accède à l’autre rive du Countirou par le pont de Limoux, place du Rumat, ou par une petite passerelle en fer, située en aval, toujours dans le quartier du Rumat. C’est à l’emplacement des filtres et de la tour éponyme que prend naissance le canal du moulin, dans sa déclinaison proprement mirapicienne. Il s’agit d’une dérivation partielle des eaux du Countirou, anciennement dédiée à l’alimentation des tanneries, du foulon, du moulin, toutes activités situées au Nord de la ville, au bord de la terrasse naturelle sur laquelle s’étend la ville, au-dessus de l’Hers. L’eau du canal retourne à l’Hers après son passage au moulin.
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Depuis la place du Rumat, on peut descendre au bord du Countirou, sous le pont de Limoux. Faute d’entretien hélas, les rives du ruisseau manquent de charme. La tour des filtres n’est pas accessible, car enclose dans un ensemble immobilier, d’accès réservé. Pour entrevoir le lieu où le canal du moulin prend naissance, il faut se rendre un peu plus bas sur le cours du Rumat et s’engager dans une venelle ouverte entre deux maisons.
A gauche : sous le pont de Limoux, les rives du Countirou ont un aspect peu engageant ; à droite : la venelle donne directement sur le canal, bornée seulement par une balustrade.
Si l’on se tord le cou, l’on peut apercevoir depuis la venelle, à droite, dans l’ombre verte, une eau qui miroite. C’est l’eau du canal, dérivée du Countirou à la hauteur de la tour.
A gauche sur chacune des deux photos, l’entrée du tunnel assurant sous le cours du Rumat l’écoulement souterrain du canal.
Tordant le cou cette fois-ci à gauche, on voit l’eau cheminer entre les maisons, puis infléchir sa course lente en direction du pont de Raillette. Suite à cette inflexion vers le Nord, l’eau du canal traverse souterrainement le cours du Rumat, à l’aplomb de la rue Astronome Vidal, pour réapparaître de l’autre côté du cours, à la hauteur de la rue Caraman. Elle chemine ensuite en ligne droite jusqu’au pont de Raillette et, au-delà de ce dernier, jusqu’au bief du moulin. Nommé en occitan "béal", le canal a donné son nom à la rue du Béal (anciennement "rue du Bord de l’eau") qui longe sa rive droite depuis le pont de Raillette jusqu’au moulin.
Vu du canal, depuis le cours du Rumat, à l’aplomb de la rue Astronome Vidal. Le petit parapet signale, sous les vieilles maisons à galeries, l’endroit où le canal s’engouffre sous la chaussée.
Parallèle au cours du du Rumat, le bout de rue en pente qui mène au petit parapet, se nomme pittoresquement rue de l’Isle. Il n’y a pas d’île à proprement parler, mais une sorte de presque-île, délimitée à l’est par le Countirou, à l’Ouest par le canal, et au Nord par la passerelle. Les cartes anciennes fournissent de cette "isle" une représentation plaisante :
Ci-dessus, une carte datée de l’Empire. Plantée de trois rangées d’arbres, la promenade qui traverse horizontalement la carte, c’est l’actuel cours du Rumat. A droite, le Bascou, qui borde la route et le pont de Limoux, est devenu la place du Rumat. A gauche, la "rue qui vient du Countirou" aboutit au passage transversal, aujourd’hui assuré par une passerelle en fer.
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Tournée vers la campagne, "l’isle" donne sur un paysage de cabanes, d’herbes folles et de jardins. Au-delà de la passerelle, entre le Countirou et l’Hers, s’ouvre le royaume de l’arrosoir et de la bricole, de la tôle ondulée, du pneu, des géraniums qui poussent dans des boîtes de conserve. C’était là autrefois le territoire de la maladrerie.
A gauche : vu depuis le cours du Rumat, le canal à la hauteur de la rue Caraman ; à droite, vu du pont de Raillette, le canal, longeant la rue de Caraman.
Non loin de là, en ville, le canal ressurgit de l’autre côté du cours du Rumat, au bord de la rue Caraman, qu’il longe paresseusement jusqu’au pont de Raillette.
Je consacrerai un prochain article au Béal, i. e. à la portion du canal qui va du pont de Raillette au moulin. J’espère que vous aurez apprécié cette promenade, dédiée, comme dit Julien Gracq, aux "eaux étroites". Paysages interlopes, rives crapoteuses, onde lasse, ont leur poésie aussi. Poésie modeste, voire triviale, si l’on admet ici l’oxymore, empreinte cependant de cette grâce toute mélancolique qui s’attache aux vestiges représentatifs du génie de la ville ancienne.
Les photos jaunies "à l’antique", ou présentant des "contours flous", ont été traitées délibérément de la sorte, lorsque l’aspect des lieux m’a paru trop cheap. J’ai cherché l’effet de compensation, dans le but de rendre hommage à la poésie modeste.
1 commentaire au sujet de « Le canal du moulin – 1. Du Countirou au pont de Raillette »
Martine Rouche
A ton tour, tu apportes des clarifications à ces eaux modestes, si peu limpides dans leurs cours et parcours. Tu donnes envie de refaire le chemin …
Herbes filles, herbes folles, quel joli glissement de doigt !
La dormeuse
Herbes filles, herbes folles…
Le glissement des doigts sur les touches du clavier révèle des parentés mystérieuses.
Du hasard objectif comme source de révélation des choses cachées…