On les nomme « Demoiselles de Louison ». La Louison est gironde. Son corset lui fait une taille de guêpe, et sa longue jupe vole et tourne quand on la renverse. Ou plutôt, elle tournait jadis, car à fin d’électrification, on a scié depuis lors les bras de Louison, elle balance encore, mais sa jupe ne tourne plus. Ces demoiselles occupaient autrefois la plupart des fenêtres des clochers-murs de l’Ariège et du Lauragais. A l’occasion des fêtes, on les faisait sonner en volées tournantes. Les sonneurs étaient deux, « l’un poussant le joug au passage, l’autre saisissant la lèvre inférieure, puis la lèvre supérieure de la cloche, le tout à très vive allure et avec coordination méthodique ». La sonnerie était très aisée, car la cloche fait son propre contrepoids et il n’y a pas gros danger au passage du joug. La boule permet d’autre part une bonne prise au passage à l’aide des deux mains 1.
L’association Carillons en pays d’Oc milite pour la sauvegarde des volées tournantes. Elle a « demandé aux Conseils Généraux des départements concernés de mettre un veto lors des demandes de subvention pour électrifications ou restaurations, la règle devant être la suivante : La subvention ne vous sera octroyée qu’à condition que vous conserviez votre volée tournante soit manuelle soit électrifiée« .
« Cette demande sera-t-elle entendue ? Et si elle est entendue en théorie, sera-t-elle exécutée quant au contrôle et à l’application ? II appartiendrait aussi de faire une information et surtout une formation culturelle en matière d’art campanaire aux installateurs. Ainsi le Midi pyrénéen arriverait à sauver ce qui reste d’une originalité encore vivante : les volées tournantes » 2.
J’ai pu en tout cas admirer à Saint-Amadou la silhouette des demoiselles lors de la petite fête organisée au pied de l’église, suite à la restauration de cette dernière. J’ai rencontré à cette occasion un maître-carillonneur, Christine Laugié, titulaire du carillon de Pamiers et professeur de carillon également. Curieuse de savoir comment on accède à ce métier rare, je lui ai posé la question. Elle m’a répondu qu’on devient carillonneur quand on est, comme elle, natif du Nord, qu’on a fait ses classes de percussion au Conservatoire, et qu’on sacrifie à une passion, sachant qu’on ne peut en faire véritablement métier.
L’église de Saint-Amadou, une fois restaurée, revêt l’allure d’un petit bijou. L’extérieur porte les traces de fortifications datant du XIVème siècle. Les corbeaux, visibles sur le flanc Nord de l’édifice, indiquent l’emplacement d’une bretèche aujourd’hui disparue. Fraîchement repeinte dans les couleurs célestes chères à la piété du XIXème siècle, la nef embaume l’encaustique, la mémoire, la paix des champs. Le 18 juin, jour où l’on fêtait la restauration de l’église, tout le village était là. Les responsables ont évoqué l’histoire de cette église, puis celle de sa restauration. Ils ont célébré les vertus de l’engagement au service d’un idéal commun. Monseigneur Perrier, évêque de Pamiers, a souhaité que les Ariégeois « demeurent fidèles à leurs valeurs ». Il a rappelé que l’église est notre maison à tous et il s’est réjoui qu’elle accueille en été des concerts. Et joignant le geste à la parole, il a invité l’assistance à chanter avec lui. Moment singulier. Monseigneur Perrier prend désormais sa retraite.
Dans le cadre du projet public Au fil de l’eau, dédié au petit patrimoine hydraulique par la Communauté de Communes du Pays de Pamiers, Saint-Amadou a restauré également son lavoir du XIXème siècle. On peut admirer ce lavoir derrière l’église.
Pour se rendre à Saint-Amadou :
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1 commentaire au sujet de « Les demoiselles de Saint-Amadou »
Martine Rouche
Génial! Quel bonheur de lire sous tes mots ce que nous avons vu ensemble ! En plus, je ne suis plus seule à chanter les louanges des Demoiselles de Louison et de leurs jupes qui volent… Mais quel régal! Et comme tu sais mettre en valeur les gens en leurs lieux ! Vite, que nous trouvions une autre sortie…
Merci à toi.
Christian et Josseline Meillon
Nous sommes très touchés de l’intérêt que vous avez porté à notre modeste église. Dommage qu’à chacune de vos visites nous ayons été très occupés, car il y aurait bien de petites choses interessantes, traces de la vie ordinaire dans nos campagnes, à vous faire découvrir dans le village. Mais ce sera avec un grand plaisir que nous le ferons pour vous si vous le souhaitez.
Merci aussi à vous et à Martine Rouch de nous avoir ouvert les yeux sur les Demoiselles de Louison, dont nous n’avions pas connaissance. Nos cloches, dont une au moins est très ancienne, sont elles vraiment de cette famille ? Nous ne saurions le dire. Mais nous gardons en souvenir les paroles d’une dame âgée et cultivée qui nous avait demandé autrefois avec malice pourquoi Saint-Amadou était appelé le village des demoiselles. A cause de ses cloches, bien sûr. Nous n’avions pas deviné la réponse, naturellement, mais nous n’avons jamais manqué à notre tour de poser la question aux visiteurs.
A présent, nous en savons un peu plus.