Le but du jeu, en tout cas le mien, c’est d’aller à pied de village en village, de voir du pays, sans passer par la grand-route, afin de renouer avec le sentiment de l’existence, loin des voitures et des camions. Nous sommes ainsi partis à pied dans la direction de Besset, sans rien savoir des chemins qui nous conduiraient. Nous supposions, au vu des fermes éparses dans la plaine entre la route et l’Hers, que l’on circulait naguère de l’une à l’autre par des chemins de traverse et que ceux-ci nous mèneraient, par diverses bifurcations, aussi bien à Besset qu’aux bords humides de l’Hers. Nous comptions sur le génie des chemins terrestres, point du tout sur la carte topographique, plutôt blanche dans cette zone, par défaut de mise à jour. La foi sauve.
Besset se trouve à 3,8 km de Mirepoix, sur la grand- route, la D119, qui mène à Pamiers. Pour se rendre à Pamiers depuis Mirepoix, lorsqu’on roule en voiture, on s’engage sur la D119 à la hauteur du magasin Super U. Nous sommes partis à pied d’un tout autre côté ; à partir de la Porte d’Aval, cours du Maréchal de Mirepoix à droite, puis rue des Olivettes à gauche, jusqu’à la Z.I. des Olivettes, où des fouilles réalisées dans les années 80 ont montré que là se situait, à l’époque gallo-romaine, la toute première implantation de Mirepoix. Bordée de petites maisons, de jardinets, la rue des Olivettes est charmante, très calme. La Z.I. ressemble à toutes les Z.I. Rien ne subsiste des vestiges exhumés ici. On cherche une âme.
Derrière la Z.I. s’ouvre une petite route. Elle mène à travers champs au village neuf de Las Graoussos. Dans le cadre d’un lotissement champêtre, jeunes et vieux s’adonnent aux petits bonheurs des beaux dimanches. On se salue sur la route, sans se connaître, pour le plaisir.
Passé Las Graoussos, nous nous engageons sur un sentier qui court au pied d’un talus boisé. Au loin, sur notre droite, un rideau de peupliers signale la présence de l’Hers. Filtrée par les feuillages, une rumeur nous suit. C’est celle de la grand-route, cachée derrière la crête du talus. L’herbe grasse, humide, étouffe le bruit de nos pas. Plus loin, après une trouée qui s’ouvre en direction de la grand-route, nous distinguons dans l’ombre verte un mur, des degrés, une arche, des piles, à demi-ensevelis sous la végétation qui grimpe à l’assaut du talus. Un pont !
Plus loin encore, au vu d’un ouvrage tout semblable au précédent, nous réalisons que notre sentier longe le site de l’ancienne ligne de chemin de fer, celle qui circulait autrefois entre Toulouse et Lavelanet. Parsemée de petits ouvrages d’art, celle-ci constitue une sorte de musée à ciel ouvert. La nature reprenant ici ses droits sur l’art, les ouvrages, en même temps qu’ils tombent peu à peu en ruines, se parent désormais d’un charme agreste, digne du pinceau de Watteau ou d’Hubert Robert. Il y manque seulement les formes qui marchaient dans les avoines folles.
– Te souvient-il de notre extase ancienne ?
Ci-dessus : Jean Antoine Watteau, Fête dans un parc, détail, 1710-1720
Notre extase à nous est simple, comme on voit aux enfants. Nous retrouvons les vestiges d’un âge d’or, proche encore et pourtant disparu. Le train fait rêver ici, où il manque cruellement.
Plus loin encore, nous reconnaissons, d’après une photo reproduite dans la bible du petit patrimoine du Pays de Mirepoix, Histoire et Patrimoine en Pays de Mirepoix 1, le canal de fuite du vieux moulin de Besset. On sait de façon sûre qu’en 1692, moyennant la redevance due au seigneur, les habitants des villages voisins venaient moudre leur farine à Besset. L’usage de ce moulin est sans doute bien antérieur à 1692. Il a pris fin dans les années 30.
Nous ne sommes plus très loin du village de Besset.
Arrivés à la hauteur du passage que vous voyez ci-contre, évitant de remonter tout de suite vers Besset, nous nous engageons sur un petit chemin qui s’ouvre à droite, dans la direction de l’Hers. Ce chemin serpente dans une plaine rase, jalonnée de touffes de roseaux qui signalent la proximité de la rivière.
Nous repérons de loin, dans le vide de la plaine, une haute bâtisse, fortement découpée sur le grand ciel. C’est le moulin, aujourd’hui restauré par un propriétaire privé.
Evitant par discrétion de nous approcher trop près, nous continuons à cheminer jusqu’à l’Hers.
Les rives de l’Hers sont très belles à la hauteur de Besset. Le peintre Pierre Poulain 2 leur a consacré des toiles empreintes de ses souvenirs d’enfance et inspirées par le sentiment du temps qui ne passe pas.
A droite : Pierre Poulain, Vue de l’Hers, toile exposée à Mirepoix en août 1008
Après avoir sacrifié, une fois de plus, au culte des eaux, nous retraversons la plaine, passons la porte de pierre, et entrons enfin dans Besset.
De Besset, on peut continuer à cheminer, toujours sans passer par la grand-route, jusqu’à Coutens.
Je décrirai une autre fois le joli village de Besset. Ce n’était pas ici mon propos. J’ai voulu évoquer une promenade charmante, qui invite à la rêverie et au voyage dans le temps.
Signalé par des flèches orange, le tracé de l’ancienne ligne de chemin de fer ; signalé par des flèches bleues, le cours de l’Hers.
1 commentaire au sujet de « De Mirepoix à Besset, sans passer par la grand-route »
Martine Rouche
Bonheurs multiples en venant baguenauder ici : des vers de Marie de Calages, des photos de » mon » chemin de promenade (je ne suis pas ce que l’on peut appeler une marcheuse, moi ….. ), des mots qui évoquent toutes les impressions, de l’étonnement à la joie, de la sombre humidité à la légèreté du ciel dans la trouée des arbres, les ouvrages d’art tapis dans la végétation ou dévorés par elle, cette petite angoisse des chemins de traverse, justement, et presque l’attente du bruit du prochain train …
Mais non, la voie ferrée est pour de bon devenue une voie verte, pour le pire et parfois pour le meilleur …
Laurin
Bonjour,
J'adore vos petites promenades dans Mirepoix. J'ai eu le plaisir de connaître cette petite ville médiévale et d'y venir 2 fois, parce-que je suis tombée amoureuse de votre Raymond Adreit (M6) national. Peine perdue,!mais en tout cas je reste très accrochée au charme de cette ville, j'y ai pas mal déambulé, je reste fan du grand chêne vert, de l'Hers et ses collines alentours…et des grands mirapiciens agriculteurs aux yeux bleus, mais là…Surtout ne plus y penser!
La dormeuse
Les charmes de Mirepoix sont de toutes sortes, et c’est tant mieux 🙂