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Pierre Pol Riquet et les siens au château de Bonrepos

C'est dans la campagne toulousaine, sur le territoire de la commune de Verfeil. Là s'élève le château de Bonrepos, qui a été la demeure historique de Pierre Pol Riquet, illustre créateur du Canal du Midi.
 
Le village, qui, outre le château et l'église sur la place, compte une poignée de maisons, a pris en souvenir de son Illustre le nom de Bonrepos-Riquet.
 
Les murs sont roses sous les frondaisons. On voit depuis la place les prés verts et le grand ciel.  

Situé au coeur du village éponyme, ceint de murailles au pied desquelles circule la rue unique, le domaine de Bonrepos est accessible depuis la place.

On aperçoit ici, dans la douce lumière d'un jour un peu gris, la façade du château derrière les grilles du grand portail. 

A gauche de l'allée qui s'étire vers le château, de beaux communs, très délabrés, sont en cours de restauration. A droite de la même allée, on remarque le fossé, jadis rempli d'eau, aménagé au pied de la muraille qui assure la clôture du domaine. Pierre Pol Riquet, lorsqu'il acquiert en 1652 les ruines du donjon féodal de Bonrepos, s'installe dans une région peu sûre, sujette encore à des désordres hérités des guerres de religion. Il ne garde rien de l'ancien édifice médiéval, mais se soucie de garantir au château, dans cette campagne reculée, une suffisante sécurité.  D'où la présence des tours, des murailles, du fossé.

Relativement modeste, le château est construit en briques, recouvertes par endroits de leur originel enduit jaune. Dommage que la tour de droite ait fait l'objet d'une restauration aussi radicale.  

L'aménagement intérieur du château a beaucoup varié au cours des siècles. Il ne reste rien du décor mural ni du mobilier dans le cadre duquel lequel Pierre Pol Riquet a vécu. Boiseries, stucs, miroirs datent ici du XIXe siècle.  L'eau des miroirs a cependant, comme on aime, la couleur du temps

L'une des pièces du rez-de-chaussée a toutefois conservé le sol de pierre du XVIIe siècle. Pierre Pol Riquet avait là sa salle à manger. Plus tard, Jean Gabriel Amable Alexandre Riquet de Bonrepos, procureur général de Toulouse de 1750 à 1770, astronome, protecteur et ami de Jacques Vidal, a eu là sa chambre à coucher. 

Le beau couloir traversant qui donne sur le parc est pavé, quant à lui, d'un damier de carreaux blancs et gris. 

Les autres pièces en revanche sont équipées de parquets du XIXe siècle, réalisés d'après des motifs plus anciens. Une seule pièce a conservé son ameublement. Il date lui aussi du XIXe siècle.

On remarque au passage quelques jolis détails, un crochet d'embrasse, une poignée de porte, ultimes survivants d'un passé plus faste. 

Voici le couloir traversant qui, dès le seuil du château, ouvre en direction du parc un chemin de lumière. Radieuse, une clarté campe déjà dans le miroir. 

La façade du château, côté jardin, comprend en son centre une partie en saillie, reste de la tour principale, jadis plus haute, construite en remplacement de l'ancien donjon féodal. C'est probablement dans la partie supérieure de cette tour que Jean Gabriel Amable Alexandre Riquet de Bonrepos, à la fin du XVIIIe siècle avait son observatoire, et que Jacques Vidal, responsable du dit observatoire, a réalisé bon nombre de ses observations sur Mercure. Plus tard, la hauteur de cette tour a été réduite, et le saillant qui restait de cette dernière a été doté du fronton triangulaire que l'on voit aujourd'hui.  

Le parc, au temps de Riquet et jusqu'à la Révolution, offrait le spectacle de belles allées, disposées en étoile au pied du château. Bordées de grands arbres, celles-ci ouvraient sous l'ombrage des vues sur la campagne environnante, centrées, comme ici, sur un vase, de taille surdimensionnée. 

Après la Révolution, les divers propriétaires du château manquent de moyens pour assurer l'entretien du parc. Les allées se perdent. La forêt reprend ses droits. L'allée photographiée ci-dessus a été rouverte récemment. Somptueusement pictural, digne de Fragonard ou de Watteau, l'effet de perspective repose ici sur une illusion d'échelle. Le vase que l'on voit petit, est en réalité haut de 4 mètres.

Plus loin dans cette partie du parc, subsiste, à demi-ruinée, une magnifique orangerie. Il s'agit d'un bâtiment de prestige, conçu pour signifier la richesse et la puissance d'une famille qui, parallèlement à l'oeuvre du Canal, a donné à Toulouse jusqu'à la Révolution une suite de magistrats importants. 

Le nettoyage des bâtiments de l'orangerie, envahis par la végétation depuis des siècles, a nécessité un travail énorme. De la maison du jardinier, à droite sur l'image ci-dessus, il ne reste plus que les murs ruinés. La façade de l'orangerie, elle-même, a conservé ses belles arcades pleines, rythmées de loin en loin par une fenêtre basse. 

L'intérieur de l'orangerie, très bien conservé, étonne par ses proportions et par la pureté de ses lignes. Le bâtiment se trouve soutenu sur son flanc gauche par des contreforts internes, habilement intégrés au dessin général de l'ensemble. Le flanc droit, quant à lui, bénéficie de contreforts externes, qui contribuent au décor de la façade adverse, plus basse, ouverte sur la campagne alentour.

Le sentier qui longe la façade nord du château, sur laquelle s'appuyait au XVIIIe siècle une chapelle, descend dans une autre partie du parc, plus sauvage, jusqu'au vallon de la Garenne.  

Il passe un peu plus bas au bord de la glacière, édifiée sous ce tertre à l'intérieur duquel on conservait les blocs de glace acheminés l'hiver depuis les Pyrénées afin de pourvoir au luxe des réceptions dans lesquelles, aux beaux jours, on servait  des granités ou des fruits rafraîchis.

Aménagée à la base du tertre, une goulotte servait à l'évacuation des eaux de fonte.  

Voici le bassin aménagé par Riquet pour assurer la collection des eaux de ruissellement du vallon de la Garenne. Il est actuellement encombré par une épaisse couche de feuilles de chêne, imputrescibles. On en connaîtra la profondeur lorsqu'il aura été dégagé. On ignore si le fond est pourvu d'un revêtement. On distingue en arrière-plan, sous le feuillage, les murs qui servent au soutènement des rives. 

Au centre du bassin, la structure dite "en fer à cheval" facilite la canalisation des eaux issues de deux directions de ruissellement différentes.

Vue de différents détails d'aménagement du système. A droite, aperçu du mur de soutènement du bassin. Sous les feuillages, cachée par ces derniers, une vanne.

Voici enfin le tronçon de canal, qui fait une superbe pièce d'eau. La barque, quoique modeste, évoque les plaisirs de Cythère. Nul doute que l'élégante société qui, jusqu'à la Révolution, fréquentait assidument le château de Bonrepos, a goûté ici aux charmes de la villégiature et des eaux heureuses. 

Demeuré inachevé à la mort de Pierre Pol Riquet, le Canal du Midi doit son aboutissement à la détermination et à la solidarité de la famille du grand homme. Les revenus du Canal assurent finalement la fortune des descendants de Riquet pendant un siècle. 

Aujourd'hui racheté par la commune de Bonrepos-Riquet, avec l'aide du Conseil Régional de Midi-Pyrénées et du Conseil Général de la Haute-Garonne, le domaine et le château de Bonrepos sont en cours de restauration.  C'est à l'invitation du Lions Club de Mirepoix que j'ai pu visiter le rez-de-chaussée et le parc du château. Le reste de la demeure, pour le moment, est fermé. Le débroussaillage du parc continue, et il fait appel à des volontaires, désirés et bienvenus. Pour plus de renseignements sur le château de Bonrepos, cf. l'excellent site : http://www.bonrepos-riquet.fr/-Le-Chateau-de-Bonrepos-Riquet-.html

Pour le fun, une carte postale de notre visite : "Bons baisers de Bonrepos".

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1 commentaires au sujet de « Pierre Pol Riquet et les siens au château de Bonrepos »

  1. Martine Rouche

    Si tous les visiteurs-lecteurs de ton blog ne filent pas dès que possible visiter Bonrepos, je serai très étonnée !!!
    Comme toujours, tu rends grâces au lieu magique que nous avons eu la chance de visiter. Outre le genius loci qui porte peut-être pour nous le nom de Pierre Pol Riquet, outre le lien avéré et fort avec Mirepoix, il y avait aussi l'opportunité de situer et visualiser l'observatoire de Jean Gabriel Amable Alexandre Riquet de Bonrepos, où nous savons que notre autre ami, Jacques Vidal, a observé et travaillé. Nous savons qu'il a vécu à Bonrepos plusieurs années, avant  de recevoir des instruments de cet observatoire, légués par le testament  de son protecteur. Tant de liens …
    Même si, comme tu le soulignes, nous avions sous les yeux un château remanié presque complètement au XIXe siècle, il n'empêche … On rêve aux époques disparues … La barque de Cythère m'a irrésistiblement fait penser à ce que raconte Jeanne Hugon de Scoeux dans son roman historique, Le Chemin qui marche : Pierre Pol Riquet invite Monseigneur d'Anglure de Bourlemont à bord d'une barque et lui fait faire le tour de cette " machine hydraulique ", afin d'obtenir son appui. Se non e vero, e bene trovato …. On entendait, sous les frondaisons, le bruissement du rochet et du camail …
    Et le petit salon qui ouvre sur le jardin, d'où partait au temps de Pierre Pol Riquet le grand escalier, m'évoque l'épouse du grand homme. Cathy de Milhau a toujours soutenu le projet immense de son époux, comme l'a fort bien souligné Geoffrey Bes, le coordonateur du comité de recherches, qui nous a si admirablement présenté Bonrepos et son contexte historique.
    Quelle radieuse visite !