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Au château de Pau, commémoration du quatrième centenaire de la mort d’Henri IV

On l'appelait "le bon roi Henri".
 
Il est bien vivant sur ce portrait, encore jeune, joli garçon, sourire en coin, oeil d'escrimeur. Il a son panache blanc, celui auquel on se rallie. Il pose en roi, mais on devine à son regard qui penche, que le Béarnais n'est pas dupe des grandeurs royales. Il ne sait pas qu'un jour, il mourra assassiné, mais seulement qu'après tant de batailles, il a su se garder vivant.
 
Il songe peut-être à Gabrielle d'Estrées, sa presque reine, "blanche et délicate, imperceptiblement rosée" 1, dont l'oeil a, comme le sien, une vaghezza, une pente. 

Ci-dessus, de gauche à droite : Gabrielle d'Estrées ; Marie de Médicis.

Gabrielle d'Estrées meurt soudainement en décembre 1599. Suite à l'annulation de son mariage avec Marguerite de Valois, Henri IV, en décembre 1600, épouse Marie de Médicis – la banque italienne.

En 1601, à presque cinquante ans, Henri IV devient l'heureux père du futur Louis XIII, puis d'autres enfants encore. Mari volage, l'homme est en revanche attentif à sa progéniture. L'historiographie romantique tient qu'il jouait au cheval avec ses enfants. 

Ce petit garçon à la toque rouge, c'est le futur Henri IV, à l'époque où son père meurt. Né à Pau en 1553, il a vécu jusqu'alors essentiellement au château de Coarraze, dans la campagne paloise, où sa mère, Jeanne d'Albret, a voulu qu'il soit élevé dans la simplicité des moeurs anciennes, comme n'importe quel autre enfant béarnais. Il regrettera, dit-on, cette vie-là. Son père l'a emmené un temps à la cour de France. Il a déjà compris bien des choses.  

L'enfant a de belles joues, de grandes oreilles, un fier plumet à sa toque rouge. On remarque toutefois son air grave, et déjà cette vaghezza qui intrigue sur les portraits de l'adulte. Après la mort de son père, il est retenu à la cour pour garantir l'immobilité de Jeanne d'Albret. D'autres traverses suivront. Il en triomphera, – jusqu'au coup de couteau final.    

Catherine de Bourbon, l'unique soeur d'Henri IV, a sur son petit visage étroit le même air de vaghezza. Elle souffre d'une santé chancelante. Née en 1559, elle a treize ans lors que leur mère meurt. Elle se trouve alors retenue en otage à la cour de France et, pieuse protestante, contrainte de se convertir à la religion catholique. Henri IV, plus tard, pour des raisons politiques, la mariera contre son gré. Elle meurt sans enfants, un an après ce triste mariage.

Des deux enfants de Bourbon, témoins et otages des guerres de religion, l'une sera meurtrie, finalement broyée ; l'autre s'imposera, avec son fin sourire d'escrimeur.  Mais le portrait de l'homme mûr, peint par Clouet, montre l'usure du sourire. Le regard se perd au loin. La bouche a revêtu un pli d'amertume. La conquête du pouvoir, puis l'exercice de ce dernier, avec ses sombres calculs, ont un prix.  

Le 14 mai 1610, dans la rue de la Ferronnerie à Paris, Henri IV, qui allait vers ses 57 ans, est assassiné par un déséquilibré nommé Ravaillac. Celui-ci a pu être le bras armé de quelque faction. D'emblée examinée, souvent revisitée au cours des siècles, la thèse du complot n'a jamais été confirmée ni infirmée. Le "bon roi Henri" ne traînait pas forcément tous les coeurs après soi. Sa liberté de moeurs, l'opportunisme de ses convictions religieuses révulsaient à l'époque les croyants de stricte observance.  On dit aussi qu'il avait contre lui les Jésuites, hostiles à la reprise de la guerre contre l'Espagne.  

L'histoire du masque funéraire d'Henri IV conservé au château de Pau est effrayante. Ce masque a été réalisé le 12 octobre 1793, sous le contrôle de Dom Poirier et d'Alexandre Lenoir, archéologue, premier conservateur du patrimoine national, lors de la profanation des tombes royales de la basilique Saint-Denis ! Le corps d'Henri IV est retrouvé dans un état de conservation si exceptionnel qu'il peut être exposé à la vue des passants, debout devant la basilique, pendant plusieurs jours. Comme nombre d'autres dépouilles royales, le corps est ensuite jeté dans une fosse commune. Il faut attendre Bonaparte Premier Consul pour une réinhumation collective à la basilique Saint-Denis.

Tous les tableaux reproduits ci-dessus sont exposés au château de Pau, dans le cadre de la splendide collection de tapisseries rassemblée ici par Louis-Philippe.

Le souvenir d'Henri IV s'entretient ainsi sous l'oeil des faunes, des satyres et autres figures fabuleuses qui entretiennent leurs ris et leurs jeux partout sur les murs.

Il se retrouve également sur de beaux objets, comme ici, en apothéose, sur un plateau de Sèvres.

Dans le cadre de la commémoration du quatrième centenaire de la mort d'Henri IV, le château de Pau accueille jusqu'au 30 juin une exposition temporaire intitulée Paris vaut bien une messe ! 1610 : hommage des Médicis à Henri IV, roi de France et de Navarre.

Commandées pour des funérailles en effigie par le grand-duc de Toscane Côme II de Médicis, cousin de Marie de Médicis, vingt-six grandes toiles en grisaille exécutées par des artistes toscans ont servi de décor à la cérémonie funèbre organisée le 16 septembre 1610 à Florence, dans la basilique San Lorenzo.

Dix-neuf de ces toiles sont exposées au château de Pau. Reconstituée dans un espace sombre, l'atmosphère de la pompe funèbre initiale est impressionnante. On parle bas.   

Dommage, dans le cadre de cette exposition, les photos ne sont pas possibles. J'ai emprunté l'image ci-dessus – Henri IV confirme son abjuration, par Jacopo Chimenti, dit Jacopo da Empoli – au site dédié à l'exposition : Paris vaut bien une messe ! 1610 : hommage des Médicis à Henri IV, roi de France et de Navarre.

Impassible nature ! Lorsqu'on quitte l'exposition et que l'on se tourne vers les Pyrénées depuis la cour du château, rien n'a dérangé le Pic du Midi d'Ossau.

Notes:

  1. Dixit Jules Michelet, d'après le portrait de la Belle, peint par Pourbus ou Clouet. ↩︎

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dans: art, musées.

1 commentaire au sujet de « Au château de Pau, commémoration du quatrième centenaire de la mort d’Henri IV »

  1. Martine Rouche

    " La destinée de Philippe de Lévis-Léran fut courte et tragique. Compagnon d'Henri de Navarre, il se trouvait au Louvre, la nuit de la Saint-Barthélémy. Il échappa au massacre, dans une circonstance extraordinaire, dont la reine Margot elle-même a laissé le récit.
    Balancée entre l'inquiétude de cette nuit, où l'on sentait partout rôder le drame, et la fatigue, l'épuisement de ses nerfs tendus à se briser, la reine de Navarre avait cédé au sommeil.
    Dort-elle encore ? Surgit-elle d'un cauchemar ? Des coups de poing, des coups de pied ébranlent sa porte et des cris " Navarre ! Navarre ! " les accompagnent.
    Sans doute s'agit-il du roi, son mari. La nourrice va ouvrir.
    " C'était un gentilhomme du nom de M. de Léran " , saignant de plusieurs blessures et poursuivi par quatre archers. Eperdu, il se jette sur le lit de la reine et l'entraîne dans la ruelle. Fort providentiellement surgit M. de Nançay, capitaine des gardes qui, en cette nuit d'horreur, eut un sourire de compassion, chassa les archers et donna à la reine " la vie de ce pauvre homme qu'elle fit coucher et panser dans son cabinet, jusques a temps qu'il fût guéri " .
    Rentré dans le Midi, le malheureux Philippe de Lévis-Léran, qui avait repris les armes, tomba dans un guet-apens et fut tué de sang-froid. "
    Antoine de Lévis-Mirepoix, Aventures d'une famille française, La Palatine, 1955, pages 103, 104.

  2. Anne-Marie Dambies

    Henry IV avait son regard de vaghezza quand il se remémorait ses belles Pyrénées si immuablement belles et lumineuses au regard des turpitudes des affaires royales, et de ses amours tumultueuses et décevantes.