La Fête de la science se tient cette année à la salle Dardier, i. e. sur le site de l'ancienne gare de Mirepoix. Je suis allée hier visiter dans ce cadre insolite l'exposition intitulée Le calcul, du caillou à l'ordinateur. Gérard Letraublon, qui a relu cet article, m'a signalé un certain nombre de "points qui mériteraient d'être corrigés". Dont acte. Les remarques de Gérard Letraublon se trouvent reproduites ci-dessous, en rouge.
A propos d'ordinateur, pour amuser ces photos automnales de la gare, je me suis servie d'un éditeur graphique, et plus spécialement de la fonction Filtre/Quartz Composer/Esthétiques/Kaléidoscope. L'ordinateur se charge de calculer les effets.
L'affiche est derrière la porte de la gare comme une porcelaine chinoise au fond de l'eau. Je pousse la porte.
Le caillou m'attire, le calculus des versions latines, le χαλιξ des thèmes grecs.
C'est en manipulant des cailloux sur la plage que Pythagore établit le théorème éponyme : dans un triangle rectangle, le carré de la longueur de l’hypoténuse est égal à la somme des carrés des longueurs des deux autres côtés. Eurytos, élève de Philolaos, lui-même élève de Pythagore, se servait de petits cailloux colorés qu'il collait sur un mur enduit de plâtre, pour montrer que le nombre de l'Homme est 250 et celui du végétal 360 ! Les bergers, pendant ce temps, usaient eux aussi des cailloux pour compter et recompter leurs bêtes…
Il n'est pas interdit de continuer à calculer avec des cailloux, ou encore avec ses doigts. Les deux calculettes sont gratuites. Elle ne nécessitent pas de pile. Il n'a pas d'usage plus écolo.
Délaissant l'usage antique des cailloux, les Modernes ont longtemps calculé à l'aide de jetons, de bouliers, et, en matière d'arpentage ou de construction, à l'aide de cordelettes à douze noeuds.
Puis ils inventent des instruments destinés à faciliter leurs calculs. John Néper, en 1617, utilise un jeu de bâtons de bois, dits "de Néper", sur lesquels on peut lire le résultat de n'importe quelle multiplication en additionnant les chiffres, diagonale par diagonale, et en opérant de tête le report des retenues. Ernst Kummer, en 1847, met au point la première additionneuse, dite "calculette de Kummer". Il munit chaque colonne de chiffres d'une "crosse" qui, une fois actionnée avec le stylet, assure toute seule le report des retenues.
Ce sont les élèves du lycée de Mirepoix qui ont construit la maquette de la calculette de Kummer reproduite ci-dessus. Elle fonctionne parfaitement.
Fabriqué à une taille plus petite, habillé d'une coque de métal, ce type de calculette demeure en usage jusque dans les années 1960.
L’appellation "calculette de Kummer" est inexacte et je l’ai signalé aux réalisateurs de la machine au lycée. On doit dire "additionneur de Kummer ".
La première calculatrice entièrement mécanique est la pascaline, ancêtre de la caisse enregistreuse, réalisée en 1642 par le grand Blaise Pascal sur une idée de Wilhelm Schickard. Il n'existe qu'une vingtaine d'exemplaires de la pascaline, tous conservés dans des musées. Le mécanisme initial fait appel à 4 roues de 16 chiffres. Leibniz, en 1673, améliore la pascaline grâce à un système de cylindres à dents de longueurs inégales, dits "cylindres de Leibniz", qui assurent la fonction mémoire.
Suite à diverses améliorations, ce type de calculatrice, qui assure les quatre opérations, a servi jusque dans les années 1970.
Schickard et Pascal ne se connaissaient pas. La machine de Schickard, surnommée "horloge à calculs" fut la première. La Pascaline est basée sur des principes totalement différents de ceux de Schickard.
Leibniz n’améliore pas la Pascaline : on attribue à Pascal l’invention du REPORTEUR automatique pour les additions et à Leibniz l’invention de l’ENTRAINEUR pour les multiplications.
L’entraîneur n’assure pas de fonction mémoire.
Moins coûteux que le modèle miniaturisé, dit "le moulin à poivre", ou la Curta, le modèle reproduit ci-dessus, d'usage très courant en 1950 dans le service comptabilité des entreprises, est la Brunsviga 13 RK, dite "le cerveau d'acier".
Puis vient la règle à calcul, ici reproduite en grand format par le lycée de Mirepoix.
L'instrument a laissé des souvenirs impérissables dans la mémoire de toute une génération d'étudiants.
La règle à calcul permettait de vérifier, sinon l'exactitude, au moins la congruence des résultats précédemment obtenus à l'aide des calculs manuels.
La règle à calcul, bien que moins précise que les machines arithmétiques, permettait les calculs complexes.
Les machines arithmétiques répondaient aux besoins des comptables. Les machines analogiques, dont les règles à calcul, répondaient aux besoins des ingénieurs.
Je ne m'étais jamais interrogée sur le principe de fonctionnement de la règle à calcul.
Miracle de la fonction logarithmique : la règle à calcul reconduit la multiplication à l'addition et la division à la soustraction.
Enfin, quittant la main, les cailloux, les jetons, les bouliers, les bâtons, les systèmes linéaires, puis les systèmes mécaniques, le calcul devient l'apanage des ordinateurs.
Ceci n'est pas une boîte à musique (je me risque à plagier ici le titre d'un tableau de Magritte). C'est, comme dit le cartel reproduit ci-dessus, "un ordinateur mécanique rudimentaire".
Ceci n'est pas le tiroir d'une tabulatrice IBM des années 40. C'est un plat de nouilles.
Je plaisante, bien sûr. Mais à peine. Ce tiroir câblé était effectivement surnommé "le plat de nouilles".
Aujourd'hui, les élèves du lycée de Mirepoix s'essaient sur des ordinateurs portables à déterminer, via l'usage de l'algorithme dit "crible d'Erathostène", tous les nombres premiers inférieurs à un nombre entier N.
PROGRAM Erathostene; CONST N=1000; VAR A:ARRAY[1..N] OF BOOLEAN; i,j,M:WORD; BEGIN FOR i:=1 TO N DO A[i]:=TRUE; M:=TRUNC(SQRT(N)); FOR i:=2 TO M DO IF A[i] THEN FOR j:=2 TO N DIV i DO A[i*j]:=FALSE; FOR i:=1 TO N DO IF A[i] THEN WRITE(i:5); END. |
Le petit programme en Basic que vous proposez pour le crible d’Erathostène est incongru dans la mesure où les élèves n’ont pas utilisé ce langage mais un langage graphique moderne dont les concepts sont éloignés du Basic.
Les mêmes élèves s'essaient aussi à la pratique de la cryptographie, via l'analyse mathématique du système de codage utilisé sur la machine Enigma. L'analyse de ce système a permis aux Alliés de décrypter les communications de l'ennemi durant la seconde guerre mondiale.
Je n'écrirais pas cet article sur mon ordinateur portable si la miniaturisation des composants électroniques n'avait pas atteint un niveau prodigieux. Il est déjà loin, le temps du "plat de nouilles" !
J'ai pu observer sous la loupe ce bijou de technologie scintillante, qui ferait, à mon goût, une broche parfaite sur une petite robe noire.
Les premiers vols orbitaux ont nécessité, dès 1957, une puissance de calcul colossale.
Compte tenu de l'encombrement des calculateurs de l'époque, ceux-ci ne pouvaient faire l'objet d'aucune utilisation embarquée. Le contrôle du vaisseau spatial se faisait exclusivement depuis le sol.
Dotés par ailleurs d'une capacité mémoire très limitée, les calculateurs ne pouvaient charger les programmes correspondants aux différentes étapes du vol, que l'un après l'autre, et chacun à l'exclusion du précédent.
On frémit à la pensée du degré de synchronisation obligé par ce système de programmation successive !
Autre question inquiétante : Hergé, dans Objectif Lune, en 1953, puis dans On a marché sur la lune, en 1954, a-t-il disposé d'une puissance de calcul suffisante pour que Tintin ait pu effectivement marcher sur la lune ?
C'est Gérard Letraublon, responsable de l'association Vive la Science !, qui m'a posé cette insoutenable question. Heureusement, m'a-t-il dit, il semble que les calculs d'Hergé aient été de bonne facture. Tintin a sûrement marché sur la lune.
Pour Tintin, il ne s’agit pas de la puissance de calcul mais de la véracité des phénomènes décrits par Hergé tout au long de la mission. On n’avait alors aucune expérience pratique, même pas d’une mise en orbite d’un satellite (cela n’interviendra qu’en 1957).
Gérard Letraublon, pour me rassurer sans doute, m'invite à regarder, avant de partir, un dernier cartel, qui, dit-il, lui plaît beaucoup. Il s'agit d'un cartel relatif à l'évolution sentimentale prédictive des machines ! Ah ! Qu'en termes galants…
Puis délaissant l'évolution sentimentale prédictive des machines, il conclut à la suprême beauté de la spirale de Fibonacci, cas particulier de la spirale de la spirale logarithmique qui s'observe partout dans la nature et qui se construit de façon simple, comme on le voit ci-dessus, à partir d'un rectangle d'or central 1 et d'un quart de cercle joignant un sommet au côté opposé.
Pour la spirale, on doit ajouter : à condition que le rectangle initial respecte le nombre d’or.
C'est chouette, l'édition 2009 de la Fête de la Science ! J'y ai rajeuni quelques-unes de mes petites, toutes petites, notions de calcul, et je me suis bien amusée. L'accueil est chaleureux, aux petits oignons ; la passion communicative. Des charmes du calcul. On n'y résiste pas.
1 commentaires au sujet de « Mirepoix – Fête de la science 2009 – Du calcul à l’ordinateur »
Martine Rouche
Il me semble que tu as eu une visite de VIP au carré, tellement ce que tu racontes est passionnant ! Merci de transmettre à tes fidèles lecteurs !