Christine Belcikowski

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Jardins de l'arrière-monde

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Jardins de l’arrière-monde
jardins cachés
qu’on voit paraître en gloire
parfois
dans le cadran d’une porte,
qui s’ouvre comme celui d’un arbre,
au bout d’un couloir traversant !
Jardins clos de hauts murs,
dont la terre retient l’eau
et qui restent verts sous l’ombrage,
amis du crapaud, le bufo,
autant dire, pour en rire,
le Buffon de son histoire naturelle,
amis aussi du lombric, l'alambic
ou, vu dans sa cuisine,
le couscoussier du sol !
Jardins enfermés, sans issue
autre que le ciel, les nuages,
jardins de la lecture et de la rêverie,
où le chat s'imagine, ô naïf mirliflore,
qu'il fait peur aux oiseaux,
jardins de la pensée
sans rime ni raison,
jardins de la liberté grande !
Il n'est de liberté, au vrai,
qui ne se sache sans issue.

Féeries

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Tandis que tout là-haut, dans le ciel empyrée,
— nueve meses de invierno, tres meses de inferno,
comme à Madrid !  —
el padre Fernando Saavedra,
nacido en 1847,
joue aux échecs avec el ingenioso hidalgo
Miguel de Cervantes Saavedra,
nacido en 1547,
jumeaux stellaires,
— nain et géant,
enano y gigante,
dit le manchot de Lépante —
amis de la sauterelle,
du noctambule et de la rose
du palanquin et du zéro...
tandis que le cavalier de la nuit
galope sur l'échiquier,
car il a rendez-vous,
c'est heure pour lui
de sauter, oh, oui !
sur la belle princesse...
Anno 69, quatre empereurs se succèdent
tout en bas sur le globe terraqué,
Galba, Othon, Vitellius, Vespasien,
Othon fait tuer Galba qui a fait tuer Néron,
Vitellius fait tuer Othon qui a fait tuer Galba,
Vespasien fait tuer Vitellius qui a fait tuer Othon,
et le vulgum pecus, qui aspire
comme toutes les créatures
à l'avénement d'un Messie,
s'assemble aux carrefours.
Le bruit vole,
il s'écrit sur les murs.
NERO REDIT. NERO REDIVIVUS.
— Nero est sauf !
— Nero est caché chez les Parthes !
— Nero revient !
— Nero marche à la tête d'une nouvelle armée !
— Nero vient chasser les conspirateurs !
— Nero va rentrer ce soir, victorieux, dans Rome !
Mais Nero Claudius Caesar Augustus Germanicus,
né Lucius Domitius Ahenobarbus,
était mort bel et bien le 9 juin 68,
et Vespasien déjà, près de Jérusalem,
occupait Emmaüs,
où le Christ n'est jamais revenu.
Anno 1096, sept moines chaldéens,
descendants des Sept Sages,
Oannès, Euedôkos, Eneugamos, Eneuboulos, Anêmentos, Odakôn,Anodaphos,
les carpes humaines,
transmettent aux hommes de la Croisade
la mémoire des secrets
d'avant le Déluge,
le savoir des choses cachées
depuis la fondation du monde.
Anno 1314, Jacques de Molay,
dernier maître de l'Ordre du Temple,
flambe sur l'île aux Juifs,
sans avoir trahi son secret.
Le savoir des choses cachées
depuis la fondation du monde
demeure enfoui dans l'obscurité de son origine.
Les vieilles carpes humaines, ici, maintenant,
ne parlent plus
ou elles ont disparu.
Le Messie, qu'on espère toujours,
nul n'en sait jamais ni le jour ni l'heure.
Le Déluge toujours et toujours,
recommence :
c'est la Guerre.
Maudits ! Maudits ! Tous maudits !
Tandis que tout là-haut, dans le ciel de La Haye,
fouetté par la pluie et le vent de novembre,
anno 1676, le solide Gottfried Wilhelm Leibniz,
né en 1646,
et le frêle Baruch Spinoza,
né en 1632,
disputent sous la fenêtre,
eux aussi, une partie d'échecs.
— Spinoza laisse à l'heure de sa mort,
dit son inventaire,
« un petit jeu d’échecs noué dans un sachet » (1). —
Ils ont ensuite disputé encore
de la substance et de l'étendue,
de la volonté et de l'entendement,
des lanternes magiques et des lentilles optiques,
des les Fulgurations continuelles de la Divinité de moment en moment (2),
des spectacles qu'on voit au Boulevard du Temple,
métamorphoses merveilleuses, sauts périlleux, vols,
Circé Magicienne qui transforme,
enfers qui paraissent
(3),
et des choses cachées qui sont dans la Kabbale...
Le soir tombait, la chandelle fumait,
Spinoza mourrait en février de l'année 1677,
et Dieu pendant ce temps
ordonnait à un grand poisson
d'engloutir Jonas (4).

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1. Cf. Christine Belcikowski. Inventaires. Nerval. Spinoza.

2. Leibniz. Monadologie, § 47.

3. Leibniz. Drôle de pensée touchant une nouvelle sorte de représentations. 1675. Cf. Christine Belcikowski. La fin de Leibniz.

4. Bible. Livre de Jonas, II, 1.

À propos de Marie de Soleilhavolp, épouse de Pierre de Lévis Ajac. Addendum

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Surprise ! Je crois avoir trouvé d'où Marie de Soleilhavolp tire ce nom de « Soleilhavolp de Sacère de Murat » ou de « Soleilhavolp de Murat » qu'on trouve sur son acte de mariage, puis sur l'acte de sépulture de son époux.

J'ai trouvé, semble-t-il, la clé de ce petit mystère dans le tome 2 de l'Histoire de l'orfèvrerie du Languedoc. Généralités de Montpellier et de Toulouse : répertoire des orfèvres depuis le Moyen-Âge jusqu'au début du XIXe siècle, de Jean Thuile.

Jean Thuile, ci-dessous, détaille un moment de la riche carrière de Jean Loret (1595-1668), maître orfèvre de Toulouse, qui tient boutique rue des Carmes, à proximité de la maison de Jean Soleilhavolp...

myrat_gabrielle.jpg

Jean Thuile.Histoire de l'orfèvrerie du Languedoc. Généralités de Montpellier et de Toulouse : répertoire des orfèvres depuis le Moyen-Âge jusqu'au début du XIXe siècle. Tome II, p. 397. D à L. Reprint Théo et Florence Schmied. Montrouge. 1966.

« En 1636, il [Jean Loret] achète au marchand Jean Cardalhac, sa métairie de Montlaur-Fourquevaux, terres, bâtiments, bétail, (48 brebis) pour le prix de 2400 livres ; mais trop pressé par son métier, il ne pourra la garder et la revendra en 1644 au riche marchand Jean Soleilhavolp et à la femme du dit, Gabrielle de Myrat, avec lesquels il entreprendra d'ailleurs d'autres affaires dont les parties se donneront quittance mutuelle le 16 mars 1656. »

Myrat... Murat. Le Myrat de Gabrielle de Myrat, par effet de variation graphique, s'est changé au fil du temps en Murat. Marie de Soleilhavolp, qui épouse en 1754 le Haut et Puissant Seigneur Pierre de Lévis, baron d'Ajac, lointain descendant d'un premier Lévis qui avait pour devise « Dieu aide au second chrétien », se pare du nom à rallonge de Soleilhavolp de Sacère de Murat afin d'ajouter au Soleilhavolp qu'elle tient de son père et qui sent un peu son renard [volp > du latin vulpes ou volpes : renard], le Murat plus civil, ou moins pittoresque, comme on veut, qu'elle tient de sa lontaine aïeule. Bref, elle tente ainsi d'équilibrer, entre elle et son très noble époux, la balance inégale des lignages.

On notera d'ailleurs à propos de l'hôtel dit de Sancère-Murat, acheté en 1758 par Paule de Pouy de Sacère, veuve de Jean Jérôme de Soleilhavolp, que le nom de Soleilhavolp se trouve là délibérément effacé, ou, comme on disait jadis, « savonné ». D'autant que, en vertu de la variation graphique Myrat/Murat, le nom de l'aïeule, Gabrielle de Myrat, marchande, probablement originaire de Tulle, dans la Corréze, se trouve là, quant à lui, non point effacé, mais conjuré, et en quelque sorte rédimé, par effet de paronymie avec celui d'autres maisons de Murat — maisons nobles, s'entend !

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Classé dans : Histoire Mots clés : aucun

À propos de Marie de Soleilhavolp, épouse de Pierre de Lévis Ajac

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levis_sebiascolp.jpg

Archives du château de Léran. Inventaire historique et généalogique des documents des branches latérales de la maison de Lévis. Tome IV, p. 637. Privat. Toulouse. 1912

D'après l'Inventaire historique et généalogique des documents des branches latérales de la maison de Lévis, Pierre de Lévis (1), baron d'Ajac, épouse le 24 avril 1754 Marie de Sebiascolp de Murat, fille de Jean Jérôme Sebiascolp de Murat et de Paule de Pouy Souare. Ce nom de Sebiascolp ne dit rien à personne, et pour cause, car il ne se trouve mentionné ni dans le registre paroissial d'Ajac — l'année 1754 manque — ni nulle part ailleurs, sauf dans l'Histoire de la Bezole et de ses environs (Aude) (2) de Jacques Lemoine, sans autre précision, et dans l'Histoire et généalogie de la maison de Lévis (3) de Georges Martin, sans autre précision non plus, puisque tous deux tirent leur information du seul l'Inventaire historique et généalogique des documents des branches latérales de la maison de Lévis.

levis_pierre_deces.jpg

18 mars 1785. Sépulture de Pierre de Lévis. AD11. Ajac. 1681-1789. Document 100NUM/AC3/1E1. Vue 319.

Pierre de Lévis meurt à Ajac le 17 mars 1785. On lit sur son acte de décès, « marié à Dame Marie de Soleilvolp de Murat ». Cette dame s'appelle donc, d'un acte l'autre, Sebiascolp de Murat d'abord, puis Soleilvolp de Murat. Qu'est-ce à dire ?

Lire la suite de À propos de Marie de Soleilhavolp, épouse de Pierre de Lévis Ajac

Classé dans : Histoire Mots clés : aucun

Je changeai d'un seul mot...

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— Je changeai d'un seul mot la tempête en bonace (1),
dit le Magicien,
infatué du pouvoir de sa vieille basmala.
— Suave mari magno turbantibus aequora ventis, e terra magnum alterius spectare laborem (2),
dit le Sage,
accoudé au balcon de son temple serein.
— Hop-là, passez, muscade !
dit l'Escamoteur,
il pleut des grenouilles !
— J’ai perdu la clé de mes songes creux,
dit le Rêveur,
fatigué du mol oreiller de sa nuit vagabonde.
— Chimère est droit chemin !
dit l’Égaré,
prisonnier du jardin aux sentiers qui bifurquent.
— Plus on est de fous, plus on rit !
dit le Nocher,
qui voit venir à lui, brasillante, la rive stygienne.
Calho te, le chien !

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1. Corneille. Le Menteur. Acte II. Scène V. Vers 673.

2. « Il est doux, quand les eaux de la vaste mer se trouvent soulevées par les vents, d’assister depuis la terre au péril d’autrui. »

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