Christine Belcikowski

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Après 1945, deux épisodes de la vie de Georges Schiff Giorgini, banquier d'affaires. Première partie

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Ci-dessus : vue de la banque Lippmann et Rosenthal & Co. (Liro-bank), Sarphatistraat 47-55 à Amsterdam, en mars 1944.

Dès le 24 juin 1940 aux Pays-Bas, tous les biens « ennemis », dont les biens juifs, sont placés sous contrôle allemand. À partir du 22 octobre 1940, les Nazis mettent en œuvre le recensement de tous les Juifs résidant sur le territoire néerlandais, et exigent d'eux la déclaration de tous leurs biens. À partir de l'été 1941, ils procèdent à la spoliation systématique des biens juifs. En mai 1941, ils créent à cet effet un établissement d'administration des biens et des rentes (la VVRA , Vermögensverwaltungs- und Renten Anstalt) issus du rachat ou de la confiscation des biens « ennemis ». Le 28 juillet 1941, ils fondent à cet effet la banque Lippmann, Rosenthal et Cie (dite Liro), dont le siège se trouve à Sarphatistraat, à Amsterdam. « Sa dénomination incitait à prendre cet établissement pour la filiale d'une banque du même nom, située dans la Nieuwe Spiegelstraat d'Amsterdam, laquelle était dirigée par deux Juifs et jouissait d'une excellente réputation dans les milieux juifs. En fait, cette prétendue filiale n'était qu'une institution de pillage nazie » (1).

Quand les autorités nazies saisissent des oeuvres d'art, celles-ci font l'objet d'une confiscation pure et simple, ou sont achetées à un prix dérisoire. « Les propriétaires d'objets d'art étaient soumis à des pressions ­ menaces et intimidation ­ dans le dessein de les convaincre d'aliéner leurs biens (même s'ils n'avaient aucune intention de les vendre). Il s'agissait donc de vente forcée ou, en jargon de droit international, de pillage technique, l'acheteur abusant de sa position de membre de la puissance d'occupation pour obliger un citoyen à vendre à un prix imposé. L'intimidation plus ou moins explicite pouvait prendre la forme de menaces d'incarcération ou de confiscation pure et simple » (2).

Les oeuvres d'art les plus prestigieuses vont rejoindre en Allemagne les collections personnelles du Führer et d'Hermann Göring, ou celles des firmes et des musées allemands. Les autres œuvres sont vendues par les soins de la banque Lippmann, Rosenthal et Cie-Sarphati à d'autres collectionneurs allemands, ou encore à la Banque des Pays-Bas, aux Archives municipales d'Amsterdam, à des commissaires priseurs et à de simples citoyens néerlandais. Il s'agit là d'un marché florissant. La fin de la guerre met un terme à l'activité de la banque Lippmann, Rosenthal et Cie-Sarphati ; elle inaugure le long processus de restitution des œuvres volées.

À partir de 1921, Léo Nardus [Leonardus Salomon jusqu'en 1911], juif néerlandais, marchand d'art richissime, collectionneur passionné, peintre lui-même, vit dans sa Villa rose de La Marsa, en Tunisie. Avant de quitter à Suresnes la Villa Léa, son dernier domicile français, laissant derrière lui sa collection de 155 tableaux de maîtres - Botticelli, Rembrandt, Goya, Turner, Velasquez, etc. -, il l'a confiée à ses amis de toujours, Arnold et Juliette Van Buuren, demeuré aux Pays-Bas.

Commentaire du Restitutions Committee néerlandais du 6 avril 2009 (3).

« From 1921, Nardus lived with his daughters in Tunisia, where he remained throughout the Second World War. He entrusted his collection to his good friend, Arnold van Buuren (hereafter referred to as: ‘Van Buuren’), who was of Jewish descent. In July 1928, Nardus and Van Buuren agreed to become joint owners of the collection of paintings and that both were authorised to sell works, the proceeds of which would be divided. »

« À partir de 1921, Nardus a vécu avec ses filles en Tunisie, où il est resté pendant la seconde guerre mondiale. Il a confié sa collection à son meilleur ami, Arnold van Buuren, qui était d'ascendance juive. En juillet 1928, Nardus et Van Buuren sont devenus par convention réciproque copropriétaires de la collection de peinture et habilités tous deux à vendre des œuvres, œuvres dont le produit serait partagé. »

En septembre 1945, Léo Nardus apprend des enfants d'Arnold et de Juliette Van Buuren que sa collection a été saisie par les Nazis en 1941 et qu'Arnold et Juliette Van Buuren ont été déportés, puis assassinés au camp de Sobibor en 1943. Âgé alors de 77 ans, Léo Nardus confie à sa fille cadette, Flory Nardus, le soin de rechercher et de réclamer les tableaux de sa collection disparue.

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20 novambre 1908. Naissance de Margot Flory Nardus [Margot Flory Salomon jusqu'en 1911]. État-civil de Suresnes. Naissances (1908). Document E_NUM_SUR_N1908 1908 ( 1908 ). Vue 59.

Née le 20 novembre 1908, Flory Nardus est en 1945 âgée de 37 ans. Montée à Paris après son enfance tunisienne, elle a fait partie de ce groupe de jolies femmes qui, dans les années 1920-1930,« se maintenaient toujours sur la brèche, suivant les migrations élégantes, l’hiver à Paris et à Saint-Moritz, l’été à Cannes ou à Deauville. Elles avaient pour noms Dorland, Flora Nardus, Charlotte Brighton, Arlette Ryan, Mado Taylor, etc. », dit Cyril Eder dans Les comtesses de la Gestapo(4)

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Ci-dessus : Le Journal, 19 décembre 1927.

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Ci-dessus : Flory Nardus chez Joséphine Baker, le 9 juin 1927. Source : courtoisie de Patrick Neslias, biographe de Léo Nardus dans Butin Nazi. Geste éditions. 2010.

Après avoir tenté des concours de vedette en 1927, fréquenté Montparnasse, et entretenu diverses liaisons avec de beaux jeunes gens, Flory Nardus aurait épousé, à une date qu'on ne sait pas, Joachim Philipp Francken, violoniste issu d'une famille de musiciens néerlandais honorablement connue. En 1937, alors qu'elle se trouve, dit-elle, en instance de divorce, Flory Nardus figure dans les journaux pour avoir volé à Mlle Gilberte Augustine Michel, dite comtesse de Merschoff, dans son petit hôtel particulier de la rue Pomereux, à Passy, un pendentif composé d'une émeraude entourée de diamants et de rubis.

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Ci-dessus, de gauche à droite : L'Est Républicain, 12 février 1938 ; L'Est Républicain, 28 mai 1938.

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Ci-dessus : Le Matin : derniers télégrammes de la nuit, 28 mai 1938.

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Ci-dessus : Détective, 2 juin 1938.

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Le Figaro : journal non politique, 2 juillet 1938. On appréciera le « Quant à M. Le Mallier, il a été acquitté, naturellement ». Maurice Le Mallier est fils d'André Jules Louis Le Mallier, ministre plénipotentiaire.

Le 19 sept 1938, Joachim Philipp Francken, ex-mari de Flory Nardus, embarque sur le Champlain, à destination de New York (5). Il émigre probablement. Restée en Allemagne, Betty Franken, née Schwabe, sa mère, sera déportée et mourra à Sobibor.

Le 3 décembre 1941, L'Ouest-Éclair annonce que l'émeraude de la défunte comtesse Merschoff, s'est vendue à Drouot. « La pierre, d'un vert légèrement rosé, dit le catalogue, a la dimension d'une boite d'allumettes. Elle vaut, au bas mot, deux millions. [...]. Eh bien, malgré la date toute proche des étrennes, l'émeraude n'a fait que 325.000 francs. »

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Ci-dessus : Sessue Hayakawa et Erich von Stroheim dans Macao, l'enfer du jeu, en 1942.

En 1940, Flory Nardus noue une liaison avec Sessue Hayakawa, acteur japonais qui joue alors successivement dans Patrouille blanche (1942) de Christian Chamborant ; Macao, l'enfer du jeu (1942) de Jean Delannoy ; Malaria (1943 de Jean Gourguet ; Le Soleil de minuit (1943) de Bernard Roland. Quoi qu'en dise Patrick Modiano dans Un pedigree, il n'y a pas eu de mariage entre Flory Nardus et Sessue Hayakawa. Marié au Japon avec Tsuru Aoki, Sessue Hayakawa n'a toutefois rejoint son épouse qu'à la fin des années 1950 (5). De la fin de l'année 1940 à 1944, quand sa liaison avec Sessue Hayakawa s'effiloche ou finit, Flory Nardus jouit de l'amitié et de la protection de Dita Parlo.

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Ci-dessus : Dita Parlo en 1934 dans L'Atalante de Jean Vigo.

Née Gerda Olga Justine Kornstädt en Allemagne, actrice de nationalité allemande, star de L'Atalante (1934) de Jean Vigo et de La Grande Illusion (1937) de Jean Renoir, Dita Parlo est brièvement internée au camp de Gurs en 1940, puis internée à nouveau en 1944-1945, sans qu'on sache si elle a été en 1940 victime de la suspicion des Nazis ou entre 1940 et 1944 une indicatrice de ces derniers. Accusée de collaboration à la Libération, elle bénéficie d'un non-lieu en 1949.

Voici comment, dans Un pedigree, Patrick Modiano évoque la Flory Nardus des années 1940 :

« Flory Francken, dite Nardus, que mon père appelait « Flo » était la fille d’un peintre hollandais et elle avait passé son enfance et son adolescence en Tunisie. Puis elle était venue à Paris et elle fréquentait Montparnasse. En 1938, elle avait été impliquée dans un fait divers qui lui valut de comparaître en correctionnelle et, en 1940, elle avait épousé l’acteur japonais Sessue Hayakawa. Pendant l’Occupation, elle était liée avec celle qui avait été l’héroïne de L’Atalante, Dita Parlo, et son amant le docteur Fuchs, l’un des dirigeants du service « Otto », le plus important des bureaux d’achats au marché noir, 6 rue Adolphe-Yvon (XVIe). » (6)

Voici maintenant, dans Livret de famille du même Patrick Modiano, la Flory Nardus du réveillon 1942 :

« Temps troubles. Rencontres inattendues. Par quel hasard mes parents passèrent-ils le réveillon 1942, au Baulieu, en compagnie de l'acteur Sessue Hayakawa et de sa femme, Flo Nardus ? Une photo traînait au fond du tiroir du secrétaire, où on les voyait assis à une table, tous les quatre, Sessue Hayakawa, le visage aussi impassible que dans Macao, l'Enfer du Jeu, Flo Nardus, si blonde que ses cheveux paraissaient blancs, ma mère et mon père, l'air de deux jeunes gens timides... [...].

« Depuis, Sessue Hayakawa a disparu. Que faisait, à Paris, sous l'Occupation, cette ancienne vedette japonaise d'Hollywood ? Lui et Flo Nardus habitaient 14 rue Chalgrin une petite maison au fond d'une cour, où venaient souvent mon père et ma mère. Tout près, rue Le Sueur – la première rue à droite –, le docteur Petiot brûlait les cadavres de ses victimes. Dans l'atelier du rez-de-chaussée, avec ses colonnes torses, ses boiseries sombres et ses cathèdres, Sessue Hayakawa recevait mes parents en kimono « de combat ». La blondeur de Flo Nardus était encore plus irréelle en présence de ce samouraï. Elle prenait soin des fleurs et des plantes compliquées qui, peu à peu, envahissaient l'atelier. Elle élevait aussi des lézards. Elle avait vécu son enfance et son adolescence en Tunisie, à La Marsa, dans une villa de marbre rose que possédait son père, un peintre hollandais... » (7)

C'est cette « irréelle » Flory Nardus, affligée après 1944 de la réputation incertaine qu'elle doit à son passé douteux, complètement désargentée mais toujours travaillée par le goût de la belle vie, qui entreprend en 1947 de retrouver la collection de son père, désormais ruiné.

À Amsterdam, les enfants d'Arnold et de Juliette Van Buuren disent que « les tableaux ont été détruits dans un incendie ». Mais Flory Nardus apprend de la bouche de ses avocats que la collection n'a pas été détruite ; que les toiles ont été vendues aux enchères, la plupart en 1943 ; qu'on dispose, telle qu'établie par les Nazis, de la liste des tableaux qui constituaient la collection de son père, ainsi que de la liste des acheteurs de ces tableaux, assortie des dates, des montants et des numéros d'achat desdits tableaux ; que deux des 155 toiles, « un Velasquez et un Israëls », ont déjà été restituées à Marcus Samuel, mari de la fille d'Arnold et de Juliette Van Buuren ». En vertu de cette dernière information, Flory Nardus annule la procuration signée jadis par son père en faveur des époux Van Buuren. Et Marcus Samuel, qui a déjà vendu le tableau de Joseph Israëls (1824-1911), restitue à Flory Nardus le tableau de Velasquez. (8)

Commentaire du Restitutions Committee néerlandais du 6 avril 2009.

« In 1947, Nardus and the legal successors to Van Buuren concluded an agreement to separate and divide the art collection, under which Nardus acquired all rights to the paintings, as well as existing or future right of action towards third parties, such as Lippmann, Rosenthal & Co (henceforth: LVVS), with regard to the collection. The Council for the Restoration of Rights acknowledged the agreement in a judgement from 1949. The Committee has concluded, therefore, that the rights to the currently claimed paintings have lain with Nardus or his heirs from 1947 onwards. »

« En 1947, Nardus et les successeurs légaux de van Buuren ont conclu un accord pour déterminer la propriété de la collection d'art, accord en vertu de laquelle Nardus a retrouvé tous les droits sur les peintures, ainsi que le droit d'action, existant ou futur, envers des tiers, tels que Lippmann, Rosenthal & Co (dorénavant: LVVS), en ce qui concerne la collection. Le Conseil pour le rétablissement des droits a reconnu l'accord dans un jugement de 1949. Le Comité a donc conclu que les droits sur les peintures actuellement revendiquées ont été attribués à Nardus ou à ses héritiers à partir de 1947. »

Comme l'argent lui fait défaut pour payer les avocats chargés de l'assister dans sa poursuite d'enquête, et aussi pour continuer à descendre dans les grands hôtels, Flory Nardus s'adresse à une société de crédit : « Un contrat d'emprunt fut réalisé pour un montant de quatre millions de francs avec pour garantie une caution de Flory Nardus en priorité de remboursement lors des premières restitutions » (9). Une part de ces quatre millions de francs va à Léo Nardus, resté en Tunisie, plus ruiné que jamais.

En 1948, comme ses recherches n'avancent pas, qu'elle manque à nouveau d'argent et que la société de crédit refuse de lui consentir un nouvel prêt, Flory Nardus prend contact avec Georges Schiff Giorgini, président de la Société générale foncière. (10)

Successivement marié à deux femmes brillantes, Georges Schiff Giorgini a cultivé le goût de l'ombre. On ne trouve aucune photo de lui . Patrick Neslias tient toutefois de Flory Nardus, qu'il a connue, cette description de l'homme, tel qu'il était en 1948 :

« Georges Schiff Giorgini était un homme replet. Son visage épais à la chevelure gominée était souligné par de grosses lunettes d'écaille et d'épaisses moustaches. Chaussé de derbys de cuir blanc, il portait un costume noir rayé et exhibait une énorme bague en or à la main droite. [...]. Il malaxait entre ses lèvres un énorme cigare. [...]. Il était évident qu'il ne s'agissait pas d'un homme à femmes, mais d'un homme de pouvoir. » (11)

Le 1er octobre 1948, Georges Schiff Giorgini propose à Flory Nardus de reprendre la dette de quatre millions de francs contractée en 1947 auprès d'une société de crédit, et de lui prêter en sus « neuf millions de francs pour intensifier ses recherches ». Il exige, pour ce faire, l'ouverture d'un compte-joint à la Société générale foncière, stipulant « qu'il aura une procuration sur ce compte ; que les toiles en cours de substitution serviront en priorité au remboursement de la dette ; que le surplus sera partagé à la hauteur de 75% pour la famille Nardus et de 25% pour lui-même. » (12). Flory Nardy, aux abois, signe.

Commentaire du Restitutions Committee néerlandais du 6 avril 2009.

« After the war, Nardus, who resided in Tunisia, authorised his daughter Flory Nardus to trace works of art from the collection that had been lost during the war. In 1948, Flory entered into an alliance with Georges Schiff-Giorgini (hereafter referred to as: ‘Giorgini’), a banker in Paris. This alliance led to a significant dispute between Giorgini and the Nardus family in later years and to uncertainty among those Dutch authorities responsible for the restoration of rights. »

« Après la guerre, Nardus, qui résidait en Tunisie, a autorisé sa fille, Flory Nardus, à rechercher les œuvres d'art de la collection qui avait été perdue pendant la guerre. En 1948, Flory a conclu une alliance avec Georges Schiff-Giorgini, un banquier de Paris. Cette alliance a conduit à un différend important entre Giorgini et la famille Nardus dans les années ultérieures et à l'incertitude des autorités néerlandaises responsables de la restauration des droits. »

Vingt-deux tableaux (Mantegna, Velasquez, Rembrandt, Vermeer, Turner, Constable, etc.) font alors l'objet d'une procédure de restitution, dont un Portrait d'homme et un Portrait de femme de l'école florentine, et L'Homme au turban de Rembrandt.

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Ci-dessus : deux peintures florentines anonymes du dernier quart du XVe siècle, intitulées Portrait d'une femme et Portrait d'un homme.

Commentaire du Restitutions Committee néerlandais du 6 avril 2009

« During the war, the art collection was housed in Van Buuren’s residence in Haarlem. It can be concluded from a list of art works that Van Buuren was required to give to the occupying forces in 1940, entitled ‘Kollektion van Buuren/Nardus’ that the two currently claimed paintings were part of the collection at that time. Anti-Jewish measures forced Van Buuren to surrender these works to the German looting bank Lippmann, Rosenthal & Co., Sarphatistraat in Amsterdam. The two claimed works were included on a list of works surrendered to the bank. In 1943, the claimed works were sold to or by Mak van Waay auction house in Amsterdam, for the probable sum of 220 guilders for both pieces. »

Pendant la guerre, la collection a été conservée dans la résidence de Van Buuren à Haarlem. On peut conclure, à partir d'une liste d'œuvres d'art intitulée Collection Van Buuren/Nardus que Van Buuren était tenu de donner aux forces d'occupation en 1940, que les deux peintures actuellement revendiquées faisaient partie de la collection à ce moment-là. Des mesures anti-juives ont contraint Van Buuren à remettre ces œuvres à la banque allemande de pillage Lippmann, Rosenthal & Co., Sarphatistraat à Amsterdam. Les deux œuvres revendiquées figuraient sur la liste d'œuvres cédées à la Banque. En 1943, les œuvres revendiquées ont été vendues à ou par Mak Van Waay Auction House à Amsterdam, pour la somme probable de 220 florins pour les deux pièces. »

« Some time after the war, the currently claimed NK works came into Giorgini’s possession together with a third painting that also belonged to the Nardus/Van Buuren collection. How and when Giorgini took possession of the NK works is unknown. However, Giorgini returned both paintings to the Bureau for Restoration Payments [...]. In the deed of assignment that was drawn up for this transaction, Giorgini renounces his claims to the paintings. Giorgini’s motives for returning the paintings are unknown. »

« Quelque temps après la guerre, les œuvres NK actuellement revendiquées sont entrées dans la possession de Giorgini avec une troisième peinture qui appartenait aussi à la collection Nardus/Van Buuren. Comment et quand Giorgini a pris possession des œuvres NK, demeure sans réponse. Toutefois, Giorgini a retourné les deux tableaux au bureau des paiement des restitutions [...]. Dans l'acte de cession qui a été établi pour cette transaction, Giorgini a renoncé à ses revendications sur ces peintures. Les motifs de Giorgini pour retourner les tableaux sont inconnus. »

Le statut des onze toiles susdites se trouve bientôt débloqué. Celles-ci partent à l'expertise dans une banque suisse. Georges Schiff Giorgini cependant s'impatiente. Il réclame l'extension de ses pouvoirs « à l'ensemble de la collection Nardus et non plus seulement aux transactions en cours », car, issu de cette collection, un Portrait d'homme de Rembrandt vient d'être vendu à un antiquaire par le directeur du SNK (Nederlands Kunstbezit, Fondation des œuvres d'art des Pays-Bas, organisme chargé de la restitution des œuvres volées) lui-même !

Le 9 février 1951, après avoir pris une cession de créance sur la liquidation de la banque Lippmann et Rosenthal et obtenu dans cette affaire la signature de Flory Nardus, Georges schiff Giorgini menace cette dernière d'exiger le remboursement de tous ses prêts, et il la convainc ainsi d'accepter la création d'une « association en participation ». Flory Nardus signe alors la lettre suivante : « En vertus des pouvoirs qui m'ont été conférés par mon père, je vous cède en toute propriété les tableaux de la collection Nardus, je vous cède également mes droits sur les sommes bloquées à la banque Lippmann et Rosenthal en liquidation. Une association en participation dont nous avons arrêté les dispositions [remboursement de la mise de fonds, puis 75% pour la famille Nardus et 25% pour Georges Schiff Giorgini] ce jour fait corps avec la présente lettre... » (13)

Commentaire du Restitutions Committee néerlandais du 6 avril 2009.

« The documents refer to the establishment on 9 February 1951 of what was known as an ‘association en participation’, a partnership under French law, on the basis of which – as the Committee understands it – Giorgini was given representative authority and could act as the rightful claimant to the art collection with respect to third parties. Based on this, the Committee assumes that Giorgini was given certain (limited) rights with regard to the collection as security for a monetary claim. »

« Les documents se réfèrent à l'établissement, le 9 février 1951, de ce qui était connu sous le nom de «Association en participation», un partenariat de droit français, sur la base duquel, comme le Comité le comprend,Giorgini a reçu une autorité représentative et pouvait agir en tant que prestateur légitime de la collection d'œuvres d'art à l'égard de tierces parties. Sur cette base, le Comité considère que Giorgini a reçu certains droits (limités) en ce qui concerne la collection comme garantie d'une créance pécuniaire. »

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Ci-dessus : Hôtel Drouot. 1953.

À partir de 1851, Georges Schiff Giorgini encaisse seul les sommes issues de la vente des tableaux stockés en Suisse. Mais comme ces sommes demeurent sans commune mesure avec le montant des prêts accordés à Flory Nardus, et vu qu'en échange de la restitution d'un Paysage de Daubigny ainsi que d'un Portrait d'homme et d'un Portrait de femme de l'école florentine, il a obtenu un Rubens, un Rembrandt, un Matsys et un Snyders, il organise une vente à Drouot. Le 9 février 1953, il présente 73 œuvres, dont 11 dites issues de la collection Nardus. Largement sous-attribuées et sous-estimées par les spécialistes, qui s'inquiètent d'avoir à se prononcer en l'affaire, ces onze toiles sont vendues à un prix dérisoire compte tenu de leur valeur initiale, bien que Flory Nardus, spectaculairement habillée de vêtements haute couture, ait tenté de faire scandale dans la salle Drouot.

Commentaire du Restitutions Committee néerlandais du 6 avril 2009.

« The investigation has shown that, from 1951, Giorgini presented himself to the authorities as the owner of the collection. The file also contains a statement from Flory Nardus of 9 February 1951 in which she confirms that the ownership rights to the recovered works and to works yet to be recovered had been transferred to Giorgini. The Dutch lawyer representing Giorgini sent this statement to the authorities in reply to their questions regarding Giorgini’s position as rightful claimant. »

However, the Committee has also taken cognisance of a letter from Flory Nardus to a French judicial body on 18 April 1953, in which she argues that this statement was only formulated to provide Giorgini with more clout in negotiating with the authorities responsible for the restoration of rights : La déclaration ci-dessus n’ayant pas d’autre but, disait-il [Giorgini], que de lui donner plus d’autorité à l’égard des tiers. »

« L'enquête a montré qu'à partir de 1951, Giorgini se présentait aux autorités en tant que propriétaire de la collection. Le dossier contient également une déclaration de Flory Nardus du 9 février 1951, déclaration dans laquelle elle confirme que les droits de propriété sur les œuvres récupérées et sur les œuvres encore à récupérer ont été transférés à Giorgini. L'avocat néerlandais représentant Giorgini a envoyé cette déclaration aux autorités en réponse à leurs questions concernant la position de Giorgini comme prestataire légitime. »

« Toutefois, le Comité a également pris connaissance d'une lettre de Flory Nardus à un organe judiciaire français le 18 avril 1953, lettre dans laquelle elle fait valoir que cette déclaration n'a été formulée que pour fournir à Giorgini plus de poids dans la négociation avec les autorités responsables pour la restauration des droits : la déclaration ci-dessus n'ayant pas d'autre visée, disait Giorgini, que de lui donner plus d'autorité à l'égard des tiers. »

« On n'entendit jamais plus parler de Georges Schiff Giorgini dans la famille Nardus », dit Patrick Neslias dans Butin Nazi. « Georges Schiff Giorgini, malgré le contrat qui disait le contraire, ne versa pas un seul centime à la famille Nardus puisqu'il n'avait pas recouvré lors de la vente du 9 février 1953 les sommes investies dans le projet » (14).

Patrick Neslias observe toutefois que Georges Schiff Giorgini, qui avait encaissé le 2 février 1953 une bonne partie déjà des paiements résultant de la liquidation de la banque Lippmann et Rosenthal, bénéficiait alors d'un solde de + 16 839 francs sur sa créance, et que, compte tenu du produit de la vente du 8 février 1953 à Drouot, soit 1 456 003 francs, il se trouvait donc à cette date désormais remboursé du prêt consenti en 1948 à Flory Nardus. (15)

Patrick Neslias observe également que Georges Schiff Giorgini a vendu ailleurs, au prix fort cette fois, d'autres toiles provenant de la collection Nardus ; et aussi qu'il en a gardé quelques-unes, qui demeuraient à sa mort, le 15 décembre 1965, accrochées dans sa villa des Deux peupliers, 2, allée du marquis de Borès, à Neuilly.

La propriété du Portrait d'homme et du Portrait de femme de l'école florentine, entre autres tableaux ayant appartenu à Léo Nardus, ne sera effectivement reconnue aux héritiers de celui-ci que le 6 avril 2009.

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Ci-dessus : Advisory committee on the assessment of restitution applications for items of cultural value and the second world war. Report 2009.

1. Gerard Aalders. « Le pillage aux Pays-Bas et la restitution d'après-guerre ». In Spoliations et restitutions des biens juifs en Europe, p. 236 sqq. Éditions Autrement. 2007.

2. Ibidem.

3. Restitutions Committee. Recommendation 1. 65 regarding Nardus. 6 April 2009.

3. Cyril Eder. Les comtesses de la Gestapo, p. 107. Grasset. 2006.

4. Cf. Familysearch.

5. Gilles Jacob. Un homme cruel, p. 330. Grasset & Fasquelle. 2016.

6. Modiano. Un pedigree, p. 14. Gallimard Folio. 2005.

7. Modiano. Livret de famille, pp.252-253. Gallimard Folio. 2012.

8. Patrick Neslias. Butin Nazi. Histoire d'une collection volée, pp. 34-47 passim. Geste-Éditions. 2010.

9. Ibidem, p. 43.

10. Cf. Christine Belcikowski. Les deux mariages de Délia Clauzel et de Georges Schiff Giorgini. Première partie ; Les deux mariages de Délia Clauzel et de Georges Schiff Giorgini. Seconde partie.

11. Patrick Neslias. Butin Nazi. Histoire d'une collection volée, pp. 47-48.

12. Ibidem, p. 48.

13. Ibid., p. 54-55.

14. Ibid., p. 66.

15. Ibid., p. 174.

Comme mille ouvriers qui n'arriveraient pas à colmater un puits insondable...

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Ci-dessus : mosaïque trouvée dans la maison du Faune, à Pompéi.

« Use, n'abuse pas, comme Saint Paul te l'enseigne. Cherche ton repos en de saines détentes. Ne t'enivre pas dans les plaisirs. Ne te fais pas l'assassin de tout ce qui vit, quadrupèdes de grande ou de petite taille, oiseaux, poissons, pièces rares ou menu fretin, viandes chères ou bon marché. Les sueurs de tant de chasseurs ne doivent pas servir à remplir ton seul estomac, comme mille ouvriers qui n'arriveraient pas à colmater un puits insondable.

Nos jouisseurs, en effet, n'épargnent pas même le fond des mers. On ne se contente pas d'inquiéter les poissons qui vivent au sein de l'eau, on poursuit aussi les malheureuses bêtes incrustées dans les bas-fonds et on les ramène à la surface. On va saccager les bancs d'huîtres, on pourchasse l'oursin, on capture la seiche rampante, on arrache le poulpe au rocher qu'il agrippe, on extirpe les mollusques de leur socle. Toute espèce d'animaux, qu'ils nagent dans les eaux de surface ou dans les abîmes de la mer son ainsi ramenés à l'atmosphère.

L'appétit de jouissances leur a fait imaginer les engins les plus variés adaptés à chaque espèce. » (1)

1. Saint Grégoire de Nysse. De l'amour des Pauvres. Homélie I. In Grégoire de Nysse, p. 155. Édition établie par Daniel Coffigny. Les Éditions de l'Atelier/Les Éditions Ouvrières. Paris. 1993. Né entre 331 et 341 à Néocésarée (actuelle Niksar en Turquie), dans la province du Pont-Euxin, mort après 394, Grégoire de Nysse est un théologien, Père de l'Église, fêté le 10 janvier.

On dirait l'Hers !

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Ci-dessus : Gustave Caillebotte (1848-1894). Le petit bras de la Seine en automne. Circa 1890. Toulouse, Fondation Bemberg.

Relativité de l'échelle. On dirait l'Hers !

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Toulouse. Fondation Bemberg. Quelques images de l'exposition « Même pas peur !»

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Conçue par Hubert Le Gall et Sophie Motsch, la mise en scène de l'exposition Même pas peur ! commence dès l'entrée dans la cour de l'hôtel d'Assézat. Elle se poursuit tout au long du parcours d'accès au bureau d'accueil de l'exposition. Effet garanti.

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Ci-dessus : dans le bureau d'accueil de l'exposition.

L'exposition Même pas peur ! vient du musée des Arts décoratifs, dit aussi musée Jacquemart-André (158, boulevard Haussmann, Paris VIIIe arr.). Elle intéresse la curieuse collection constituée avant 1926 par Mathilde Sophie Henriette de Weisweiller (Francfort, 1872 - Bagnières-de-Bigorre, 1926) , devenue en 1895, par son mariage avec Henri James Charles Nathaniel de Rothschild, baronne Henri de Rothschild.

Henri de Rothschild, qui est docteur en médecine, même s'il n'a jamais exercé en tant que tel, finance nombre d'établissements hospitaliers, dont l'hôpital de Berck, et il finance aussi les recherches de Pierre et Marie Curie. Il est par ailleurs auteur dramatique à succès, sous le nom d'André Pascal, Charles des Fontaines, etc.

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Ci-dessus : Légion d'honneur (base Léonore). Mathilde de Rothschild. Cote : LH/2387/4.

Mathilde de Rothschild, de son côté, fonde avec la duchesse d'Uzès l'automobile club des femmes de Paris ; elle goûte aussi aux sensations de l'aviation débutante. Entre 1905 et 1910, elle traduit de l'allemand trois livres du Professeur Albert Adamkiewicz : Pensée inconsciente et vision de la pensée : essai d'une explication physiologique du processus de la pensée et de quelques phénomènes "surnaturels" et psychopathiques (1906) ; La Force innée de la matière et la pensée dans l'univers. Étude sur les rapports de l'áme avec les autres forces de la nature (1908) ; Les véritables centres du mouvement et l'incitation motrice volontaire ou L'acte de volonté (1910).

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Le 14 janvier 1922, Mathilde de Rothschild est nommée chevalier de la Légion d'honneur pour l'activité d'infirmière major qu'elle a exercée sur le front de 1917 à 1918, ainsi que pour la fondation en 1902 de la Polyclinique Henri de Rothschild. En 1925, elle publie chez Calmann-Levy le récit de son expérience de guerre, intitulé Les Ailes blanches sur la Croix-Rouge.

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Ci-dessus : Jean Béraud. Portrait de Mathilde de Rothschild. 1895.

Interdit à la photographie dans le cadre de l'exposition Même pas peur !, mais figure tutélaire de ladite exposition, un tableau de Jean Béraud daté de 1895, représente Mathilde de Rothschild jeune et jolie, comme on peut le vérifier sur une petite reproduction de ce même tableau disponible sur le site de l'INHA.

Le musée d'Art et d'Histoire du Judaïsme conserve une photo de Mathilde de Rothhschild datée de 1897.

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Musée d'Art et d'Histoire du Judaïsme.

Quelques-unes des pièces de la collection de Mathilde de Rothschild viennent directement de la collection constituée naguère par le bibliophile Maurice Le Barbier de Tinan (1842-1918), collection vendue les 7 et 8 mars 1919 après le décès de ce dernier.

« Maurice Le Barbier de Tinan (1842-1919), bibliophile, possédait une importante collection de têtes de mort et squelettes qu'il exposait dans son salon transformé en musée ». Le catalogue (1) de la vente des 7 et 8 mars 1719 indique que Maurice Le Barbier de Tinan possédait, entre autres, les pièces suivantes :

24. Tête de mort et banderoles. Bois.
25. Tableau. Cuivre. Tête de mort, vase de fleurs et pipe, posés sur une Table. Cadre en bois noir. Écolefrançaise. XVIIe siècle.
56. Petit écrin en cuir noir, en forme de sarcophage ; il est orné d'une tête de mort, de fleurs de lis et de diverses inscriptions latines et françaises : Spes mea deus. Tel suis huy. Tel demain seres. Etc. XVIIe siècle.
76. Deux têtes de mort, posées sur deux tibias entrecroisés. Bronze.
125. Tambour à caisse peinte, orné d'une tête de mort.
204. Pendant de chapelet en ivoire sculpté, présentant d'un côté, un homme et une femme côte à côte, vus à mi-corps ; et de l'autre, une figure symbolique de la mort tenant une pelle. À la base, un fleuron. XVIe siècle.
205. Grain de chapelet en ivoire sculpté, présentant deux têtes de mort, dont l'une est décharnée, et d'où s'échappent des serpents, des crapauds et des lézards. Autour du socle, l'inscription : AINSI SERONS-NOUS HUY OU DEMAIN. XVIe siècle.
206. Grain de chapelet en ivoire sculpté, présentant d'un côté une tête de femme coiffée d'un bonnet plissé ; de l'autre côté, une tête de mort. Sur la base, les inscriptions : MEMENTO MOVRIR. XVIe siècle.
210. Statuette en ivoire sculpté, présentant un homme mort gisant. XVIIe siècle.
211. Deux grains de chapelet, l'un en ivoire sculpté, orné de trois têtes : le Christ, la Vierge, la Mort ; l'autre grain, en ébène, présente une tête de mort. XVIe siècle.
212. Six petites têtes de mort, en bois et en ivoire. L'une d'elle à la mâchoire articulée.
213. Grosse tête de mort en ivoire sculpté. XVIIe siècle.
216. Petite tête de mort, en cristal de roche. XVIIe siècle.
217. Trois petites têtes de mort, en bois, en fer et en bronze.
252. Frise en bois sculpté et découpé, présentant un médaillon rond orné d'une tête de mort, soutenu par deux grotesques terminés en rinceaux. XVIe siècle.
267. Pilastre en bois sculpté, surmonté d'un chapiteau feuillage ; il est orné d'un enfant nu, jouant avec des têtes de mort, entouré de mascarons, de vases et de rubans. À la partie inférieure, un cartel porte la date 1540. Travail espagnol. XVIe siècle.
291. Tête de mort en bois finement sculpté Écrin en cuir. XVIIe siècle.
292. Deux têtes de mort, l'une en bois, l'autre en faïence blanche.
293. Tête de mort en bois sculpté.
294. Grain de chapelet en buis, formé d'une tête de mort mi-partie décharnée. Il se trouve renfermé dans un petit écrin en cuir fauve orné de dorures. XVIIe siècle.
295. La mort, figurée sous l'aspect d'un grand squelette d'applique en bois sculpté. La mâchoire est articulée. XVIIe siècle.
296. Squelette d'homme, en buste, la tête et les épaules couvertes d'un voile. Bois sculpté et peint. XVIIe siècle.
297. La mort, figurée sous l'aspect d'un squelette en bois sculpté, représenté debout. XVIIe siècle. 298. Deux squelettes d'homme, en bois sculpté et peint.
308. Bande en velours noir brodé d'or et d'argent, décorée de rinceaux et d'une tête de mort. XVIe siècle.
309. Petit coussin, en ancienne tapisserie au petit point, présentant une tête de mort disposée sous un baldaquin. XVIIe siècle.

Lors de la vente de la collection de Maurice Le Barbier de Tinan , Mathilde de Rothschild acquiert à l'Hôtel Drouot les lots 25, 125, 252 et 308 (2). Ceux-ci figurent dans la collection léguée par la baronne en 1926 au musée des Arts décoratifs, et conséquemment, ils figurent aussi dans l'exposition Même pas peur !. Je ne les ai toutefois pas tous photographiés par principe, préférant m'en tenir aux pièces de la collection qui, pour une raison ou une autre, m'ont plu.

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Ci-dessus : créature démoniaque inspirée de la gravure du XVIIe siècle reproduite ci-dessous.

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Ci-dessus : Theodoor Galle (graveur flamand). Elapsum Tempus et Occasionem insequutur, non assequuntur (circa 1612-et 1633). Allégorie du Temps et de l'Occasion pour la jeunesse. Scène allégorique avec un groupe de jeunes hommes au premier plan, chassant l'Occasion (avec des cheveux couvrant son visage et le globe du zodiaque) ; deux créatures démoniaques à gauche ; le Temps (avec la faux et le sablier) volant loin dans le coin supérieur droit ; lettres A,B, C, D, E, F dans la composition, expliquées en latin en marge inférieure. British Museum.

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Ci-dessus : Transi de femme. Terre cuite polychrome. Premier tiers du XVIe siècle. Œuvre attribuée un temps à Antonio Begarelli (Modène, 1499 - Modène, 1565).

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Ci-dessus : chapelet en ivoire.

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Ci-dessus : détail de La Mort s'appuyant sur sa faux et tenant un glaive. Tilleul, dorure, argenture. Entourage de Giovanni Giulani (1664-1744). Allemagne.

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Ci-dessus : Johann Elias Ridinger 1698-1767), graveur ; August Winde. Memento mori (circa 1760). Gravure en manière noire. Inscription, extraite du Livre de Ben Sirach le Sage : « Quid quid agis, prudente agas et respire Finem. Was du trust so bedenke das Ende, so wirst Du nimmermehr übels thun ». Traduction globale : « Quoi que tu fasses, fais le avec prudence, sans perdre de vue la fin ».

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Ci-dessus : Vincenzo Dandini (1607-1678). Portrait d'homme au crâne. Huile sur toile. Il pourrait s'agir d'un autoportrait allégorique.

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Ci-dessus : Squelette dans un linceul, assis sur un tombeau. Ivoire. France, 1547. Inscription : « P tu es, tu deviendras comme je suis ».

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Ci-dessus : Épingle de cravate banquier fumant le cigare. Or, émail, diamants taille rose. Paris, circa 1890-1900. Texte du cartel : « C'est une véritable caricature du bourgeois capitaliste, en particulier du banquier, fumant un gros cigare et portant des bésicles. La baronne de Rothschild, en achetant ce bijou, a fait preuve d'une certaine autodérision. »

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Ci-dessus : netsuke, sculptures miniatures habituellement attachées à un cordon servant à retenir les objets transportés dans les manches du traditionnel kimono japonais.

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Ci-dessus : netsuke, présenté dans un bel effet de mise en scène.

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Ci-dessus : autre netsuke, présenté dans le même effet de mise en scène. Je n'y résiste pas !

L'exposition Même pas peur comprend, ajoutées à la collection de Mathilde de Rothschild, diverses pièces dues à des artistes plus modernes ou contemporains : Miquel Barcelò, Erik Dietman, Gehrard Richter, Jean-Michel Alberola, Robert Mapplethorpe, Gabriel Orozco, Annette Messager, Niki de Saint-Phalle, Brassaï, Yan Pei-Ming, Giuseppe Penone, Jean-Michel Basquiat, Georges Braque, Pablo Picasso, Stéphane Balkenhol.

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Ci-dessus : Erik Dietman (1937-2002). La Sainte Famille à poil. Nature morte pour carême. Crânes, fémurs et fer. Circa 1990.

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Ci-dessus : Gehrard Richter. Skull. 1983. Huile sur toile.

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Ci-dessus : Jean-Michel Alberta. Crâne. Néon. 1995.

Memento mori... On s'en souvient, certes, comme la collectionneuse s'en souvenait tragiquement après la Grande Guerre. Mais il y a aussi de l'humour dans la collection de Mathilde de Rothschild, et il y en a encore dans la mise en scène de l'exposition. On ressort finalement de cette exposition Même pas peur !, tout riant !

1. Cf. Bibliothèque numérique de l'INHA. Catalogue des objets d'art, bois sculptés, cuirs, objets variés, armes, outils, faïences, porcelaines, tapisserie, étoffes, tableaux, dessins, livres principalement des XVe et XVIe siècles, dessin, estampes & autographes par F. Rops composant la collection de feu M. Le Barbier de Tinan et dont la vente après décès, aura lieu à Paris Hôtel Drouot, salle n°10 les vendredi 7, et samedi 8 mars 1919 à deux heures.

2. Ibidem.

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Quelques images de l'exposition Toulouse Renaissance

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Je ne vais jamais au musée des Augustins sans photographier d'abord, depuis le cloître, la petite Notre Dame de Grasse (fin du XV siècle) et, réfléchie par la vitre de la salle dans laquelle elle se tient, la cohorte de gargouilles qui lui font cortège.

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Dans les allées du cloître, les baies gothiques donnent à voir aux visiteurs du musée des images somptueusement déformées.

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Il y a des visages qui vous regardent, du haut des anciens chapiteaux.

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L'exposition se tient dans l'ancienne chapelle du couvent des Augustins. Impossible, quand on pousse la porte, de ne point céder à la fascination du regard mystérieux que nourissent, yeux fermés, les prophètes et les sybilles en terre cuite (1523) du sculpteur Jean Bauduy.

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Ci-dessus : détail d'un tableau, antérieur à 1860, sur lequel on voit, en haut à droite sur l'image, l'un des prophètes de Jean Beauduy dans le déambulatoire de la basilique Saint Sernin.

« Placés à l’origine dans le déambulatoire du chœur de la basilique Saint-Sernin, ces prophètes et sybilles furent délogés lors des travaux entrepris par Viollet-le-Duc à partir de 1860. Les prophètes prédisent la venue du Christ Sauveur, tandis que les sibylles annoncent les mystères joyeux ou douloureux de la vie du Christ. Si leur mise en couleurs brillante a disparu, ces sculptures n’ont rien perdu de la finesse de leur exécution, qui les a longtemps fait passer pour des masques mortuaires. Leur disposition d’origine, à 2,50 m du sol, explique leur inclinaison : elles sont légèrement penchées pour mieux s’adresser au fidèle ». (1)

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Voici comment on se représente Tholosa au XVIe siècle.

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Ci-dessus : détail des stalles réservées aux chanoines autour du chœur.

Inspirés par les figures de la mythologie gréco-romaine, les ébénistes de la Renaissance, dans le mobilier des églises, laissent libre cours à 'imagination d'êtres hybrides, mi-humains mi animaux.

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Ci-dessus : meuble orné de figures exotiques.

Christophe Colomb découvre les "Indes" en 1492. Montaigne, dans ses Essais, consacre un chapitre aux « Cannibales ». Les ébénistes contemporains intègrent dans leurs créations la figure de 'l'Indien".

Voici maintenant deux hommes importants du XVIe siècle toulousain.

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Ci-dessus : restauré en 1664 par possiblement Hilaire Pader (1617-1677), ancien portrait de Jean de Bernuy (Burgos, v. 1475 - Toulouse, 1556), principal représentant d'une famille castillane venue à Toulouse à la fin du XVe siècle, riche marchand pastelier qui a fait édifier, entre autres, l'hôtel de Bernuy.

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Ci-dessus : daté de la fin du XVIe siècle, portrait de Jean de Bertrand, ou Jean de Bertrandi (Toulouse, 1482 - Venise, 1560), membre important du Parlement de Toulouse, devenu ecclésiastique après son deuxième veuvage (1549) ; garde des sceaux en 1551, évêque de Saint-Bertrand de Comminges en 1555, puis archevêque de Sens en 1557, puis cardinal la même année.

Parmi les nombreuses pièces présentées dans l'exposition, je me suis bien sûr spécialement arrêtée devant les enluminures échappées à la destruction des antiphonaires de Philippe de Lévis, qui a été évêque de Mirepoix de 1497 à 1537.

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Ci-dessus : Maître de la lettrine au Saint Sébastien. Vision d'Isaïe. Circa 1510-1520. Texte du cartel correspondant : « Détachée d'un antiphonaire (disparu) sans doute commandé pour la cathédrale de Mirepoix, cette miniature représente la vision céleste du prophète Isaïe, émergeant au premier plan d'un paysage profond, la main levée pour se protéger des rayons de la figure divine. Le motif de feuillage doré de la lettrine montre une connaissance du vocabulaire ornemental de l'enluminure de la Renaissance italienne. »

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Ci-dessus : Maître de la lettrine au Saint Sébastien. Vision de Saint Paul. Circa 1510-1520. Texte du cartel correspondant : « Agencé au-devant d'une architecture de style Renaissance, rehaussée de panneaux de marbres colorés, le traitement de l'apôtre Saint Paul relève d'une même virtuosité picturale, visible dans le rendu des volumes et de l'espace et dans l'expression du personnage. »

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Ci-dessus : Antoine Olivier (connu de 1510 à 1537). Adoration de Mages (1333-1535) figurant dans l'un des antiphonaires de Philippe de Lévis. Texte du cartel accompagnant cette enluminure : « Dans une opulente initiale E, les mages qui entourent la Vierge sont tirés de modèles italiens. Une colonne rompue de sabre vert signe la fin du paganisme. Alors que le peintre fait preuve de son talent dans le rendu de l'espace, de la lumière et des volumes, la présence d'une mouche peinte en trompe-l'œil sur le tronc de l'arbre témoigne de son érudition : ce détail illusionniste est une citation de la fameuse mouche de Giotto, que celui-ci aurait placée sur le nez d'une figure que peignait Cimabue, son maître, qui aurait vainement tenté de la chasser. »

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Ci-dessus : Antoine Olivier. Pentecôte (1333-1535) figurant dans l'un des antiphonaires de Philippe de Lévis. Texte du cartel correspondant : « Dans cette lettre S élégamment fleurie, l'architecture classique devant laquelle se détachent la Vierge et les apôtres montre une profonde connaissance du répertoire renaissant. »

« L'auteur des enluminures du somptueux antiphonaire destiné à la cathédrale de Mirepoix, qui a suscité bien des hypothèses, est désormais identifié. Il s'agit d'Antoine Olivier, fils d'un peintre verrier toulousain ». Le cartel ne dit malheureusement pas comment les historiens de l'art sont parvenus à cette identification.

Voici encore l'enlèvement du petit Saint Étienne par le Diable, détail de la Naissance de Saint Étienne, très grande tapisserie commandée en 1532 pour la cathédrale Saint Étienne et créée par Jean Puechaut d'après un carton d'Antoine Olivier. Texte du cartel correspondant : « Dans un cadre architectural à l'antique, orné de trophées et de médaillons, plusieurs scènes figurent la naissance du Saint, son ondoiement, son enlèvement par le Diable et, à l'arrière-plan, le pieux ermite qui le recueille. »

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Ci-dessus : détails de la Naissance de Saint Étienne. Enlèvement du petit Saint Étienne par le Diable.

Voici maintenant une petite partie d'un très long plan de redressement du cours de l'Hers-Mort, tel qu'élaboré au XVIe siècle, jamais mis en œuvre au demeurant.

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Ci-dessus : situé à la hauteur de Merville (Haute-Garonne)saint, détail du plan de redressement du cours de l'Hers.

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Ci-dessus : détail du même plan ; repésentation du château dit le « Petit Paradis ».

Je me suis arrêtée aussi devant la Multiplication des pains, œuvre d'un anonyme languedocien, datée de 1556, ordinairement conservée au musée de Narbonne.

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Ci-dessus : détail de la Multiplication des pains.

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Ci-dessus : autre détail de la Multiplication des pains. Oh ! l'alignement des profils, et les yeux en amande !

L'exposition Toulouse Renaissace accorde une large place aux œuvres de Nicolas Bachelier (1487-1556), maître-maçon, ingénieur, architecte et sculpteur, actif au milieu du XVIe siècle, installé à la tête d'un important atelier.

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Ci-dessus : autre exemple de l'influence de l'antiquité gréco-romaine.

Le présent article fait état d'une promenade subjective. Tant d'autres pièces sont à voir dans l'exposition Toulouse Renaissance ! Cette exposition se termine hélas le 24 septembre 2018. Pardon pour les quelques points blancs ou éclairs bleus qui déparent certaines photos. Ils résultent des spots qui éclairent les vitrines. Le diable veut que, même au prix de diverses acrobaties, le photographe ne puisse pas toujours les éviter.

1. Musée des Augustins. Sculptures. Renaissance. Jean Bauduy.

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